Comprendre le burn out : entre surinvestissement et management toxique…

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Ils·elles sont souvent perçu·es comme les bon·nes élèves en entreprise. Toujours motivé·es et fortement impliqué·es pour tirer le collectif vers le haut, le don de soi-même – quitte à s’oublier – a pris le dessus pour une part des salarié·es français·es. Et puis un jour « la bougie s’éteint ». Le burn out est diagnostiqué. Comment expliquer ce dépassement à l’extrême de soi ? Pourquoi des individus comme vous et moi en viennent à se consumer de l’intérieur pour leur travail ?

« Un matin, vous vous réveillez sans ne plus pouvoir bouger, votre corps se fige, vous êtes tétanisé·e, votre motivation s’est évaporée,  bref vous n’y arrivez plus. » La description de Stéphanie Carpentier, spécialiste de la santé au travail, pour caractériser l’état dans lequel basculent certains individus fait froid dans le dos. C’est le début du burn out, ou du syndrome d’épuisement professionnel. Même si, en réalité, ce surmenage s’installe depuis plusieurs semaines, mois, voire années, insidieusement. Ce n’est pas tant la nature même du travail que l’on exerce au quotidien qui pousse à l’essoufflement mental, « en général les gens frappés par un burn out aiment ce qu’ils font, ce sont souvent des passionnés, là n’est pas le problème », estime le psychiatre Christophe Bagot.

Une hyper implication

Notre degré d’investissement, au sein d’une entreprise,  peut expliquer l’arrivée d’un burn out. Car c’est le point commun de celles et ceux qui ont explosé en vol : un surinvestissement ! On ne parle pas des coups de rush, très exceptionnels, que l’on retrouve dans la plupart des structures. Non, il s’agit vraiment d’une hyper implication permanente, un dépassement de soi : « Dès lors que vous voulez trouver des solutions, non seulement pour vous mais aussi pour les autres, vous n’hésitez pas à prendre en charge certaines tâches qui ne devraient pas vous concerner, vous vous habituez à une surcharge de travail et vos collègues l’ont très bien compris : vous êtes le bon cheval en quelque sorte ! », illustre Stéphanie Carpentier, docteure en management. Sans compter que les futur·es épuisé·es disent rarement non, et encaissent une charge de travail démentielle qui finira par devenir une habitude. Mais personne ne peut s’habituer à travailler une dizaine d’heures par jour de façon continue.

Comment expliquer cette hyper implication ? Difficile à comprendre pourquoi certaines personnes en font toujours plus alors qu’elles se trouvent déjà au bord de la rupture ? notre experte évoque une maladie du don. Dans le même sens qu’un ouvrage publié en 2015 par Pascal Ide, Le burn out : une maladie du don (éditions Emmanuel). « On retrouve beaucoup de burn out au sein des professions perçues comme des vocations, je pense aux forces de l’ordre, au personnel hospitalier, ou aux métiers d’éducation, des professions où l’on donne de sa personne », défend Stéphanie Carpentier.

La faute aussi au management 

Si des individus tombent en burn out alors qu’ils aiment réellement leur métier, l’environnement dans lequel ils l’exercent interroge. « Oui des gens souffrent en entreprise, lance le docteur Bagot, d’abord parce que les entreprises ont le plus souvent le dessus sur leurs employés. » Souvent les structures ont un coup d’avance, dans un contexte de chômage de masse – même si la ministre du Travail Élisabeth Borne ambitionne le plein emploi à horizon 2025 – les travailleur·ses savent qu’ils·elles se retrouvent potentiellement sur un siège éjectable et peuvent en faire beaucoup pour garder leur place. Un phénomène qui s’explique par une transformation des priorités « avant le lien tissé avec la personne qu’on recrutait par exemple (ou avec laquelle on travaillait) était essentiel, désormais la fonction prime sur le lien », pointe notre psychiatre. Qui rappelle que les jeunes aussi sont concerné·es, notamment en raison du traitement qu’une partie d’entre eux peut recevoir : « Recruter un jeune sans le former, l’équiper d’un ordinateur portable avec un descriptif de poste, c’est quand même très agressif », avec derrière les conséquences que l’on connaît.

Les managers aussi ont leur part de responsabilité. D’abord – et pour cela ils n’y peuvent pas grand-chose – en raison de leur manque de formation. Stéphanie Carpentier insiste : « Les managers ont souvent été propulsés à cette fonction parce qu’ils étaient très bons dans leurs tâches initiales ! » Ce qui ne signifie donc pas qu’ils le seront tout autant quand il faudra encadrer et motiver une équipe, ou encore transmettre des compétences et un savoir-faire. N’est pas pédagogue qui veut. Alors sans formation, vous commettez forcément des erreurs, surtout quand vous êtes « un manager trentenaire » et que vous avez des choses à prouver. Gare à ne pas en faire trop et à mettre la pression sur son équipe : des comportements toxiques qui peuvent pousser certain·es au burn out. « Si les managers veulent réduire l’épuisement professionnel, ils n’ont qu’à faire en sorte que les salarié·es quittent réellement leurs bureaux à 18 h 30 et pas plus », peste le docteur Christophe Bagot. Il faudrait peut-être en finir avec cette culture du présentéisme.

Gare au télétravail

Le grand gagnant de la crise covid-19. Les collaborateur·rices s’en satisfont puisqu’ils·elles font une croix, quelques jours par semaine, sur les redoutés transports du quotidien. Bref, ils·elles s’organisent différemment. À l’arrivée c’est un peu plus de travail : fin 2020, une étude américaine, menée par des chercheur·ses de la Harvard Business School et de la New York University, révélait que les salarié·es à distance travaillaient en moyenne 48 minutes supplémentaires par jour. Avec des pauses moins respectées et des moments conviviaux et informels qui ont disparu. Le télétravail favorise sans doute l’émergence d’un burn out puisqu’il peut pousser des collaborateur·rices déjà très impliqué·es à l’être encore davantage au risque de brouiller complètement la frontière vie privée et vie professionnelle. D’autant plus que le perfectionnisme va de pair – pas systématiquement bien entendu – avec le burn out. « Le télétravail est un révélateur, dans le sens démultiplicateur, de ce qui va bien ou mal en entreprise, si un·e salarié·e n’est pas averti·e au burn out alors il·elle s’expose en effet à des risques puisque seul·e à distance les collègues ne seront pas là pour freiner un éventuel rythme acharné de travail », explique Stéphanie Carpentier, qui nuance, car pour elle une personne avertie et sensible aux symptômes du burn out pourra prévenir l’essoufflement, y compris en télétravail. C’est peut-être ce qui compte finalement, sensibiliser aux symptômes de l’épuisement professionnel pour prévenir du grand vide après un trop plein. Et se convaincre que le burn out n’arrive pas qu’aux autres.

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Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise...). Friand de football et politiquement égaré.

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