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L’UE épingle les déficits budgétaires de la France en pleine campagne électorale.
Dans un contexte politique particulièrement tendu en France, la Commission européenne a ouvert la voie à des procédures pour déficits publics excessifs contre sept pays de l’Union européenne, incluant la France. Cette annonce survient à seulement dix jours des élections législatives, où les promesses de dépenses publiques se multiplient.
À Bruxelles, les autorités se sont abstenues de tout commentaire sur le climat politique français. Paolo Gentiloni, le commissaire européen à l’Économie, a exprimé sa confiance dans la capacité de l’UE à négocier avec les pays concernés pour définir un « chemin d’ajustement ». « Il ne faut absolument pas dramatiser cela », a-t-il ajouté, en minimisant l’ampleur de cette décision.
Outre la France, des procédures similaires pourraient voir le jour pour l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte. La Roumanie était déjà sous le coup de cette procédure depuis 2019. Et pour cause, ces pays ont tous franchi la limite de déficit public fixée à 3 % du Produit Intérieur Brut (PIB) par le Pacte de stabilité, lequel impose également une limite de la dette à 60 % du PIB. Face à cela, les États membres devront prendre des mesures correctrices pour se conformer aux règles budgétaires de l’UE, sous peine de sanctions financières.
Le contexte du Pacte de stabilité
Ces règles, mises au placard en 2020 en raison de la crise économique provoquée par la pandémie de covid-19, suivie des perturbations économiques causées par la guerre en Ukraine, font leur retour. Réformées et réactivées cette année, elles exigent désormais des ajustements budgétaires plus stricts. Toutefois, Paolo Gentiloni a insisté sur le fait que cette réactivation ne signifie pas un « retour à la normale » ni un « retour à l’austérité », plaidant plutôt pour une « prudence budgétaire » face aux risques géopolitiques actuels.
En quelques chiffres, les déficits les plus élevés de l’UE ont été enregistrés l’an dernier en Italie (7,4 % du PIB), en Hongrie (6,7 %), en Roumanie (6,6 %), en France (5,5 %) et en Pologne (5,1 %). Pour la France, cela signifie un défi budgétaire majeur, avec une dette publique atteignant près de 110 % du PIB.
Des conséquences politiques et financières
Le Pacte de stabilité prévoit en principe des sanctions financières équivalentes à 0,1 % du PIB par an pour les pays qui ne respecteraient pas les corrections imposées. Pour la France, cela représenterait environ 2,5 milliards d’euros par an. En pratique, ces sanctions n’ont jamais été appliquées en raison de leur potentiel caractère déstabilisateur.
A noter également que la France a souvent été en procédure de déficit excessif depuis la création de l’euro, sauf entre 2017 et 2020. L’eurodéputé conservateur allemand, Markus Ferber, a d’ailleurs critiqué sévèrement cette situation, soulignant que « dépasser le seuil de déficit de 3 % quatorze fois en quinze ans ne peut plus simplement être une circonstance exceptionnelle ». Il a déploré le « mépris flagrant des règles budgétaires » par la France, appelant la Commission à agir plus tôt.
Défis économiques en période électorale
Avec des élections législatives imminentes, la France est en pleine tourmente politique. Le président Emmanuel Macron a, pour rappel, décidé de dissoudre l’Assemblée nationale après la défaite de son parti aux élections européennes du 9 juin. Les partis d’opposition, notamment d’extrême droite et de gauche, promettent dans ce contexte, des augmentations significatives des dépenses publiques et envisagent de revenir sur des réformes majeures des retraites et du marché du travail, soutenues par Bruxelles.
Ces propositions pourraient pourtant d’après les chiffres actuels aggraver davantage le déficit et la dette publique de la France, compromettant donc la promesse du gouvernement de ramener le déficit sous la barre des 3 % d’ici à 2027. Face à cela, Bruxelles estime que le déficit français sera de 5,3 % cette année et de 5 % en 2025, loin des objectifs européens de 3 %.
Réactions et perspectives
Le ministre italien de l’Économie, Giancarlo Giorgetti, a souligné l’engagement de l’Italie à suivre un « parcours de responsabilité et de finances publiques durables », qui semble plaire aux marchés et institutions de l’UE. En comparaison, la situation française semble plus complexe, nécessitant des ajustements budgétaires significatifs pour respecter les normes européennes.
Les règles imposent aux pays en déficit excessif de réduire leur déficit d’au moins 0,5 point par an, impliquant des efforts de rigueur importants. D’ici au 20 septembre, les États membres devront ainsi soumettre à Bruxelles leurs plans budgétaires pluriannuels, lesquels seront analysés par la Commission et le Conseil de l’UE. Bruxelles émettra ensuite en novembre des recommandations pour rétablir les comptes publics.
La France, malgré ses défis budgétaires persistants, doit donc naviguer entre les exigences européennes et les réalités politiques internes. Les prochaines élections législatives seront alors déterminantes pour l’avenir économique du pays.