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Les nouvelles briques de la Tech
Création de valeur, nouveaux modèles d’affaires, disruption, relation avec les donneurs d’ordre, nouveaux métiers, services inédits…. La «proptech» réinvente l’immobilier.
La pierre se dépoussière. Ce secteur, qui pèse 13% de la valeur ajoutée de l’économie, est également l’une des chasses gardées de l’Etat. Ce dernier y est encore Providence. Il impose ses normes énergétiques et environnementales, donne sa vision sur le futur du bâti, oriente l’investissement via les dispositifs fiscaux incitatifs… Malgré ces contraintes de marché et des grands noms installés depuis des décennies sur le paysage de l’immobilier et de la construction, des jeunes pousses bousculent les positions dominantes en proposant de nouvelles approches technologiques sur le suivi de chantier, la rénovation, la relation client, l’appel d’offres et toute l’intermédiation entre chaque partie prenante d’un projet immobilier, en numérisant certains services tout en en créant de nouveaux comme la notation des propriétaires par les locataires ou des professionnels entre eux. « Nombreuses sont les start-up qui perturbent le secteur et changent la donne. On constate que faire une visite en VR à distance est une proposition de valeur très forte pour le client tout en lui permettant un gain de temps. Cette technologie intervient comme une brique manquante et complémentaire de l’offre existante car la hauteur de l’investissement nécessite un regain d’informations, et une qualité de services que permettent les nouvelles technologies de l’immobilier. La relation client dans l’immobilier a radicalement changé ces dernières années, le niveau d’exigence est plus élevé, ce qui nécessite entre autres de faciliter l’accès à l’information », explique Hervé Parent, le fondateur du salon RENT dont la troisième édition se tiendra les 11 et 12 octobre à Paris.
BIM (Building Information Modeling), crowdfunding, blockchain, les nouvelles technologies irriguent chaque pan du secteur et touchent chaque acteur du promoteur et des investisseurs au consommateur final. Le numérique est de fait créateur de nouveaux usages qui se répercutent aujourd’hui à l’immobilier. La plus connue des start-up, AirBnb, a engendré une ribambelle de petites sœurs qui attestent déjà d’une forte segmentation de l’offre comme le prouvent les Housetrip, Homelydays, BedyCasa, Sejourning, Morning Croissant et les surprenantes versions gay MisterBnb ou luxe comme Le Collectionnist. En parallèle, les licornes se reproduisent dans ce vaste chantier de l’innovation pour ne citer que HomeLink, SMS Assist, Compass, Opendoor, qui par exemple permet aux propriétaires de recevoir en ligne et sous 24 heures une offre ferme d’achat et aux acheteurs de visiter seuls.
La chaîne de valeur se modifie. Et les codes anciens évoluent, notamment ceux de la vente.
Cette disruption relève de l’innovation technologique tout autant que de l’émergence de nouveaux business models. En parallèle, d’autres start-up réalisent de nouvelles propositions de valeurs en créant de nouvelles briques de services technologiques. Ces dernières s’insèrent comme un nouveau maillon, en soutien aux particuliers ou aux professionnels en tant qu’outils inédits pour améliorer la productivité ou l’offre. Et tandis que les architectes se font uberiser, les notaires, eux, voient leur pré-carré se fragiliser. Ces start-up surtout redessinent les usages de tous les métiers (coworking, coliving, crowdfunding) tout en en important les métiers de l’IT entre les murs du secteur. Tour d’horizon de ces start-up françaises de l’immobilier qui vont changer notre quotidien et celui des professionnels du secteur.
Happy Renting
Le TripAdvisor du logement locatif
Créée en 2016 par Edouard Toutain et Marc Laurent, Happy Renting permet aux locataires de donner leur avis sur les appartements dans lesquels ils ont vécu afin de rassurer les futurs locataires. « L’expérience en tant que locataire est souvent désastreuse. On doit se décider très vite. Et c’est une décision qui finalement se base sur très peu d’informations. Souvent, il n’est pas rare que l’on découvre la vraie nature de l’appartement qu’une fois après avoir emménagé », introduit Edouard Toutain. Les agences immobilières restent pour l’instant dubitatives, leurs premiers clients étant les propriétaires. « Nous avons décidé de prendre la démarche dans le sens inverse. Les agences redoutent de se mettre à dos des propriétaires mal notés, mais d’autres sont néanmoins intéressées car le taux de vacance est parfois fort dans certaines zones géographiques moins cotées. Publier un avis cela permet de valoriser une location », continue le co-fondateur. A l’heure où nous écrivions ces lignes, 1500 logements étaient déjà évalués dont 25% en région parisienne. Un droit de réponse pour les propriétaires et les agences était alors à l’étude. « Aujourd’hui on met l’accent sur les petites villes. Nous nouons des partenariats avec des associations étudiantes et d’autres de locataires à Clermont-Ferrand ou à Lille. L’idée est de quadriller, d’avoir un maillage sur certaines zones en particulier », vulgarise le co-fondateur.
Immodvisor
La notation BtoB et BtoC
Actuellement installée au sein du « Hub Creatic » à Nantes et fondée par Jean-Phillipe Emeriau, cette plateforme d’avis entre particuliers sur les professionnels de l’immobilier, du bâtiment et de l’habitat est l’un des premiers sites web d’avis clients pour l’immobilier. Il se distingue néanmoins de Happy Renting avec un positionnement BtoB. Outre les particuliers, les société de construction, de location, peuvent donner leur avis au sujet d’une entreprise du secteur.
monCarnetMaison
1er carnet de santé immobilier
La start-up incarne les prémices du carnet de santé de l’habitat et permet de suivre l’évolution d’un logement durant toute sa vie. Question data, l’entreprise met en place un système d’archivage sécurisé qui peut être ensuite partagé pour améliorer les conditions de vie et la durabilité du logement. Il donne par ailleurs aux acteurs des secteurs de l’immobilier et du bâtiment l’accès des informations qui leur sont essentielles au quotidien. Soutenu par le ministère du Logement et de l’Habitat durable, monCarnetMaison a ainsi été retenue par le plan Transition numérique dans le bâtiment.
BulldozAIR
Sécuriser les investissements en atteignant l’excellence opérationnelle
« C’est grâce au hardware et ensuite aux applications web que les choses ont changé dans la construction tech, introduit Ali El Hariri, CEO et ancien ingénieur de formation, passé par Bouygues Construction. Cela nous a permis de formaliser notre idée. Et de couvrir avec de nouveaux outils toute la durée de vie d’un chantier avec la capacité de piloter le projet depuis son bureau. Cela me prenait deux jours pour rédiger un compte rendu de chantier, y compiler les réserves. C’était un document très normé. Et tout cela sans compter les déplacements sur les chantiers. Finalement, je passais beaucoup de temps sur des tâches à faible valeur ajoutée. Il fallait changer les choses dans cette profession traditionnelle. » Aujourd’hui, BulldozAIR continue un déploiement plein de promesses. Hébergé à la plateforme d’innovation Boucicaut à Paris, à la Station F ainsi qu’au prestigieux Y Combinator, la start-up développe de nouvelles briques en lien avec sa nouvelle technologie : « Beaucoup de professionnels vous le diront : le principal asset, c’est l’humain et l’expérience. Grâce à nos technologies, pièges et best practices sont catalogués et mutualisés, ce qui permet aussi à l’entreprise de sécuriser ses compétences. Enfin, nous ôtons une des grandes frustrations de l’industrie : celle qui concerne la question de l’état précis de l’avancement d’un chantier. Il existe beaucoup de data sur les chantiers mais c’est souvent difficile à consolider. »
BulldozAIR fournit ainsi des photos à l’instant T en donnant des indicateurs clés. Carrefour, Air Liquide, ADP… autant de maîtres d’ouvrage qui ont déjà eu recours à ces services innovants. « Nous avons créé des outils d’aide à la décision et des standards de reporting tout en faisant le lien entre le terrain et le bureau, ce qui permet d’aboutir à une excellence opérationnelle », explique le CEO.
Le modèle d’affaires repose sur la vente de licences d’entreprise par utilisateur et par an tout en réalisant des missions de conseil et d’accompagnement pour les grands groupes. Aujourd’hui, 40 grands donneurs d’ordres constituent l’essentiel du portefeuille commercial de la start-up qui compte 20 employés. « Des relations permises notamment par le travail d’intermédiation de la plateforme Boucicaut », se remémore le fondateur et dirigeant.
MyNotary.fr
Uber rime avec notaire ?
Dématérialiser tout ce qui peut se faire sans le notaire. Telle est l’ambition de MyNotary.fr qui permet d’accélérer la démarche notariale d’acquisition d’un bien immobilier tout en la clarifiant. Les promesses de vente, signature de bail commercial, pièces justificatives, réservation en ligne pour achat sur plan… Tout se réalise en ligne et tout est mutualisé entre chaque partie prenante.
INOD
Accélérateur de business BtoB et BtoBtoC
Mars 2016, les cofondateurs Anthony Hasques, ancien chargé d’affaires pendant dix ans dans l’habitat, le tertiaire, l’agricole et Julien Ranchoux, architecte travaillant avec un centre de R&D de Laval fondent INOD. « Je suivais des réunions de chantier. Le client me disait souvent, confronté au résultat, qu’il n’imaginait pas la chose ainsi, avec une mine déçue. Avec mon associé nous avons décidé de créer INOD dans une logique BtoB et une autre BtoBtoC : d’une part réaliser des visites de logements en VR afin que les investisseurs, promoteurs et collectivités locales soient rassurés quant à l’utilisation de leur investissement. Et pour notre client direct, ces visites d’un nouveau genre permettent d’accélérer les ventes, d’optimiser la construction et d’assurer une meilleure communication tout en travaillant sur l’image de marque », explique Anthony Hasques. La start-up qui travaille aujourd’hui avec 25 grands comptes monétise selon deux façons. Une première où les promoteurs leur fournissent des plans qui sont ensuite modélisés par INOD. « Nous proposons aussi des dispositifs de communication plus larges, tout comme nous pouvons modéliser en 3D sans intervenir. Dans ce cas précis, l’entreprise nous donne déjà les plans en 3D. Notre logiciel est alors vendu sous forme d’abonnements », précise le cofondateur. INOD se targue aujourd’hui d’être un accélérateur de business. Les retours clients évoquent un taux de transformation qui augmente de près de 50% après visite en réalité virtuelle. « La VR permet de vivre le projet. C’est un outil de communication et d’aide à la vente. Mais cela reste un outil complémentaire qui ne remplace pas les outils existants », conclut Anthony Hasques.
Widdim
Concilier virtuel et réel
La jeune pousse est spécialisée dans l’univers des visites virtuelles 3D, pour mettre en valeur les patrimoines mobiliers et immobiliers, entreprises, commerces. Les solutions proposées consistent en des visites virtuelles 3D intérieures et extérieures enrichies, plans 2D cotés et 3D, vidéos 360°… Widdim se développe en France depuis plus d’un an et propose désormais un mode de développement en réseau commercial organisé.
Ouiflash
Le drone et la photo pro au service de l’immo
Cofondée par Thibaud Lemonnier, Julien Jacob et l’agence digitale Cosa Vostra, Ouiflash met à disposition une communauté de photographes. Une partie est dédiée aux reportages immobiliers. Cette plateforme a pour l’instant séduit Nexity, Century 21, Orpi, Optimhome, Pierre & Vacances ou encore Guy Hoquet et Stéphane Plaza Immobilier.
Mon Maître carré
Battle royale d’architectes
La start-up entraîne une levée de boucliers des architectes effrayés de devenir une nouvelle facette de l’uberisation. Son de cloche inverse chez les donneurs d’ordres, Saint-Gobain étant rentré récemment au capital de la jeune pousse. Un propriétaire particulier peut ainsi mettre en concurrence trois architectes pour des plans en deux et trois dimensions fournis avec des devis pour l’ensemble des travaux.
Hubstairs
La communauté au service du particulier
La start-up se revendique en tant que communauté d’architectes, décorateurs, designers et passionnés de déco qui accompagnent les acquéreurs/locataires/propriétaires dans les travaux, l’aménagement, la déco ou l’ameublement de leur maison. Le but ? Permettre à chacun de s’installer dans un bien personnalisé. Les étapes sont simples : poster le projet (photo, lien d’une annonce, question etc…), puis réponse de la communauté : projection, devis, inspirations, idées, propositions d’aménagement, de travaux ou de déco. Et enfin le client décide de ce qu’il veut réaliser selon les propositions émises.
Geoffroy Framery