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Alors que le COET-MOF célébrera en 2024 son siècle d’existence, retour sur une formidable organisation qui œuvre à la pérennité des talents français.
On parle souvent de la réhabilitation du travail manuel, clef essentielle de la réussite nationale. Avec les Meilleurs Ouvriers de France, notre jeunesse dispose d’un formidable vivier d’exemples et de modèles à suivre.
Un soir de décembre, au septième étage de l’Unesco. Couloirs vides, ambiance résolument seventies. Une magnifique vue panoramique permet au visiteur de découvrir Paris sous un autre jour, une autre nuit. Derrière l’École Militaire, la tour Eiffel semble briller d’un éclat soudain plus intense. Comme si la célèbre « dame de fer » voulait rendre, ici et maintenant, un hommage appuyé aux lauréats du COET-MOF.
Le superbe col bleu-blanc-rouge…
Trêve d’abréviations. COET pour « Comité d’Organisation des Expositions du Travail ». MOF pour « Meilleurs Ouvriers de France ». Un beau symbole de cette France républicaine et méritocratique, celle qui s’évertue depuis quatre-vingt-dix-neuf ans à récompenser l’excellence de la main avec autant de volonté que celle de l’esprit. Couvreurs, fleuristes, bouchers, chefs, sommeliers, sculpteurs, maçons, peintres, orfèvres, tailleurs… Notons que le Président de la République bénéficie du titre de « MOF ex officio ».
Tant de professions sont représentées au sein de ce groupement qui constitue une véritable élite de la France ouvrière. On pense par exemple à Paul Bocuse, lequel porta fièrement son col tricolore de lauréat, si aisément reconnaissable.
La création d’une véritable élite ouvrière
Un mot d’Histoire. C’est en 1924 que le sénateur Albert Lebrun – lequel deviendra d’ailleurs Président de la République en 1932 – décide de réunir au sein de l’Hôtel-de-Ville de Paris les ouvriers d’exception, salués à l’occasion de ce qui constitue un examen et non un concours (du fait que les places ne sont pas limitées en nombre). Si l’esprit COET-MOF se rapproche assez de celui des Compagnons de France, il n’est toutefois pas obligatoire d’être issu de cette corporation pour obtenir le prestigieux titre, placé d’ailleurs sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale.
Raffarin célèbre les valeurs du COET-MOF
Un certain mépris qui prévaut encore un peu… En effet, lundi 11 décembre au soir, aucun membre du gouvernement n’a jugé utile de se déplacer pour visionner en avant-première certains extraits du documentaire qui sera diffusé en 2024, à l’occasion du centenaire COET-MOF. Olivia Grégoire, Carole Grandjean, Olivier Dussopt… Aucun des pontes de l’équipe Borne n’a pas souhaité profiter de cette soirée pour tirer un coup de chapeau au COET-MOF.
Heureusement, Jean-Pierre Raffarin a corrigé l’erreur des « ministres du nouveau monde ». L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac est venu, saluant chaleureusement cette « France d’en bas » qui conduit pourtant notre pays vers les sommets. Lorsqu’il monte sur scène, le natif de Poitiers n’hésite pas : « Je sais bien qu’un ancien Premier ministre, cela ne vaut pas un ministre ou même un secrétaire d’État… ». Critique à peine voilée de l’absence des actuels décideurs.
Celui qui fut président du Conseil régional de Poitou-Charentes en profite pour exprimer sa vision de la formation professionnelle, à propos de laquelle les regards doivent radicalement changer. « Trop souvent, ce ne sont pas les jeunes qu’il faut convaincre, mais les parents ». Oui, pas encore simple pour tant de mères et de pères d’accepter le choix de leurs enfants, désireux d’aller en filière pro’. Jean-Pierre Raffarin, doué de son inimitable franc-parler, n’oublie pas que le COET-MOF constitue un pan de son histoire familiale. Son père, Jean Raffarin, ancien ministre de Pierre Mendès-France, présida un temps le COET.
« Esprit MOF »
Le journaliste et chroniqueur Gilles Brochard, qui assure « la sélection culturelle » au sein d’ÉcoRéseau Business, réalise un travail de longue haleine en donnant la parole aux MOF. Le tout grâce au podcast « Esprit MOF », émission disponible en balado-diffusion sur toutes les plates-formes d’écoute en ligne. Le journaliste-épicurien a également voulu rendre hommage à Lucien Klotz, homme de lettres qui eut dès 1913 l’idée d’une « Exposition nationale du travail ». Alors, Gilles Brochard a pris la plume, s’imaginant dans la peau de cette étonnante figure de la Troisième République… Lisons par exemple cet extrait, dans lequel Lucien Klotz relate la première remise de prix, en 1924.
« Dans son discours inaugural, et en présence du sénateur Albert Lebrun, qui préside le Comité permanent de l’Exposition, Moro comme on le surnomme, a suggéré que les musées fassent l’acquisition des pièces les mieux distinguées, envisageant même la création d’un musée pour contenir tous ces chefs d’œuvre. À la fin des discours, le baryton Maurice Sauvageot, de l’Opéra-comique entonna – accompagné de la musique du 46e régiment d’infanterie -, la Marche des Meilleurs Ouvriers de France composée par Charles Borel-Clerc sur des paroles que j’ai co-écrites. Ça avait de la gueule sous les voûtes de la Sorbonne ! ». Et ça en a toujours autant !