Gaudin
Jean-Claude Gaudin, avec Christian Estrosi en arrière-plan. (Crédits : Shutterstock)

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Les obsèques de Jean-Claude Gaudin ont eu lieu, jeudi 23 mai 2024, en la cathédrale La Major à Marseille.

Gaudin l’inamovible, Gaudin le mystérieux, Gaudin le madré. Mais qui était donc ce maire de Marseille à nul autre pareil ? 

Il était devenu une figure du paysage provençal, ayant trouvé sa place, quelque part dans le petit théâtre des santons. De Marseille il avait tout, à commencer par la culture classique et l’accent qu’il forçait un peu, pour faire « couleur locale ». Élu maire à quatre reprises et sans discontinuer, entre 1995 et 2020, l’enfant du pays parvint à dépasser – ou au moins égaler – la figure de son prédécesseur socialiste et vieil ennemi, Gaston Defferre.

Cet homme incroyable laisse un goût d’inachevé

Jean-Claude Gaudin eut à « gouverner Marseille », impossible défi, tant cette ville rebelle aime le désordre, parfois même le bordel, explosant sans cesse telle une boule d’énergie enivrée d’elle-même. Un souffle inextinguible et incontrôlable. S’il fréquenta évidemment les succès, ses longues années de mandature laissent toutefois un arrière-goût d’échec. Marseille n’est pas « la capitale de la Méditerranée », ce grand projet dont il rêvait. L’insécurité et la saleté dominent. La fracture sociale est béante. Le drame de la rue d’Aubagne reste évidemment dans tous les esprits. Mais à sa place, qui aurait pu mieux faire ?

Avec ses mains à la Pagnol et ses yeux de curé de Cucugnan, Jean-Claude Gaudin rêvait aussi de Paris. Inamovible vice-président du Sénat, il comptait dans les couloirs feutrés de la capitale, loin de se contenter du rôle de local de l’étape. Il aurait tellement aimé présider la Chambre haute et s’il échoua, ce ne fut que de peu. N’oublions pas qu’Alain Juppé le nomma également ministre de l’Aménagement du Territoire, entre 1995 et 1997 – années où il conserve également la mairie, au paroxysme de sa puissance. Enraciné, Jean-Claude Gaudin vivait encore dans sa maison de Marzagues, petit quartier excentré, où il goûtait sa retraite de célibataire. Toujours, il fut l’archétype du chrétien-démocrate, cette figure rassurante et pateline, ayant soif de compromis, quitte à sacrifier ses convictions. Ce qui comptait c’était de durer, de continuer, de redoubler, fusse au prix de l’immobilisme.

Son destin politique, forcément ancré dans l’Histoire

Professeur de métier, il en gardait toujours un goût pour l’anecdote, n’ayant pas son pareil pour déclencher l’hilarité. D’abord, dans les années 70, Gaudin est une petite main de l’équipe Defferre, avant que ce dernier ne troque l’alliance avec les centristes contre un rapprochement avec les communistes – hier ennemis jurés. Gaudin se retrouve dans l’opposition. Arrive 1981, la vague rose. Gaudin sera le seul élu de droite à conserver son siège de député dans la cité phocéenne. Le voilà de facto leader de son camp.

En 1983, Gaston Defferre, devenu ministre de l’Intérieur, recoupe les cartes électorales à son profit et conserve la mairie grâce à cette magouille en bonne et due forme. Donc, Gaudin ronge son frein. Les municipales de 1989 voient le triomphe inattendu – et très provisoire – de Robert Vigouroux, qui a succédé à Defferre, décédé en cours de mandat.

Gaudin devra attendre 1995 pour s’imposer, grâce au rassemblement qu’il construit avec les néo-gaullistes du RPR, alors conduits par l’ambitieux Renaud Muselier. Dès son arrivée à l’Hôtel-de-Ville, Gaudin s’évertue à surtout ne rien changer. S’en suivra trois réélections en 2001, 2008 et 2014. Blanchi sous le harnais, Gaudin appliquera à la lettre les bonnes vieilles méthodes de Gaston Defferre.

Gaudin le cauteleux incarnait à lui-seul la fameuse phrase de Lampedusa : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Ce méridional pur-jus faisait partie de la race – désormais bien éteinte – des hommes politiques qui entrent en République comme d’autres entrent en religion. Il avait d’ailleurs l’air énigmatique de certains hommes d’églises…


Les perles de la politique

Rester au pouvoir, la méthode Gaudin · Se faire rare. Savoir disparaître. Présent une partie de la semaine à Paris et aimant goûter, en fin de semaine, aux charmes de sa résidence varoise, Jean-Claude Gaudin était finalement assez peu présent à Marseille. Il le regretta sur le tard : « Je ne me suis pas intéressé au fonctionnement des choses ». Le plus souvent, Gaudin laissait faire Claude Bertrand, son tout-puissant directeur de cabinet. Et puis soudain, il apparaissait. Sur les marchés, les étales, les brocantes. Rayonnant de joie de vivre, serrant les mains, toujours flatteur, maniant sa grosse voix comme une arme de séduction des foules. Faconde et copinage furent, il faut bien l’avouer, les deux mamelles de sa méthode.

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