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Comment attirer les clients en magasin ? Côté site Web, on peaufine la sacro-sainte « expérience utilisateur ». Côté boutique, avoir pignon sur rue ne suffit plus. Le chaland s’attire et se fidélise. On appelle ça le marketing sensoriel. L’Œil décalé a reniflé sa mise en œuvre.
Qui dit sensoriel dit sens, cinq exactement. Cette déclinaison du marketing fait appel à la vue, l’ouïe, le toucher et l’odorat pour rendre inoubliable l’expérience client en magasin.
Dit ainsi, on a l’impression de toucher à des secrets d’alchimiste. Le marketing sensoriel pourtant fait appel à des notions vieilles comme le monde. Ranger un magasin pour donner envie au consommateur d’y entrer, aérer et faire en sorte que l’endroit sente bon font partie des réflexes de tout commerçant consciencieux et respectueux de sa clientèle, depuis belle lurette. Du reste, une étude Jack Morton mettait en avant dès 2006 que 70 % des consommateurs considèrent que les émotions comptent pour moitié dans leur décision d’achat. Ils étaient même 82 % à penser que le marketing événementiel était la forme de communication la plus susceptible de conduire à un acte d’achat. Pourquoi ? Parce qu’elle anticipe le plaisir de consommation. Plus récemment, une étude menée par Mood Media a mis en évidence que 78 % des consommateurs estiment qu’une ambiance agréable est un facteur clé pour privilégier un achat dans le commerce traditionnel plutôt que sur le site Internet de la marque.
Les magasins comme lieux d’expérience
Une partie de l’enjeu consiste à faire sortir le consommateur de chez lui alors qu’il peut tout acheter depuis son canapé. Mais pourquoi le faire bouger ? « Le magasin est devenu une sorte de showroom où l’on vient tester et expérimenter le produit même s’il n’est pas acheté, explique Gabriel Dabi-Schwebel, fondateur de l’agence marketing 1m30. Les magasins sont aujourd’hui moins des lieux de distribution que d’expérience. En un sens, ils participent au marketing de l’e-commerce. » Des showrooms où l’article est sublimé, dans un univers où chaque détail se travaille pour rendre l’expérience la plus agréable possible au client. « Les marques doivent faire en sorte que la visite en point de vente soit réenchantée, renchérit Kamel Chelbab, directeur de Midiscom, une agence spécialisée dans le marketing sensoriel. Les bienfaits pour les marques se mesurent ensuite en termes d’image, mais aussi de “confort visiteur”, et aboutissent à un temps de visite amélioré. » Les consommateurs sont les premiers à estimer, à hauteur de 75 %, quitte à enfoncer des portes de magasin ouvertes, qu’une ambiance agréable incite à rester plus longtemps en magasin (25 % s’en contreficheraient donc complètement ?). Ils sont 90 % à expliquer que le cadre les fait revenir et en parler autour d’eux.
Faire appel à tous les sens
Mais qu’entend-on par « ambiance agréable » ? C’est là qu’entre en scène le sensoriel : l’ambiance se crée par la vue, l’ouïe, le toucher, bien sûr le goût ou même l’odeur. Chez Midiscom, par exemple, la spécialisation en marketing sensoriel est venue d’une demande précise d’un client au fondateur de l’agence : créer des playlists sur-mesure pour une enseigne afin de ne pas subir les publicités lors de la diffusion de la radio en magasin. Aujourd’hui, l’agence conçoit pour des marques de magasins des programmes qui s’efforcent de retranscrire une ambiance fidèle à l’ADN de la marque au moyen de musique, de vidéos ou même d’ambiance olfactive. Ah ! L’odeur ! Elle a le vent en poupe, si l’on ose dire. La raison ? « Les entreprises sont en recherche de nouvelles pratiques par rapport à d’autres, saturées », constate Yohann Lavialle, directeur général de Natarom, une agence spécialisée dans le marketing olfactif. Il fait partie des convaincus du procédé : « Contrairement aux autres sens, le cerveau travaille de façon instinctive avec les odeurs. Une ambiance olfactive a l’avantage d’être diffusée auprès de toutes les personnes présentes dans la pièce. » Lavialle y va de son image : c’est comme « coller un Post-it dans le cerveau » !
Des odeurs pour favoriser l’achat ?
Pour choisir un parfum emblématique d’une marque, « tout part d’un brief marketing que nous traduisons ensuite en brief de parfum où chaque note doit rappeler un aspect des valeurs de la marque », révèle Yohann Lavialle. Un hôtel fera appel à des notes fraîches pour rappeler la propreté et le confort, là où les boulangeries diffuseront des odeurs gourmandes. Jusque-là, on suit. Certaines marques, les plus matures en termes de marketing, vont même jusqu’à se faire créer un parfum sur-mesure. À l’instar de la Juventus de Turin, nous raconte Kamel Chelbab : « Toujours très en avance en matière de marketing, ils souhaitaient obtenir la même griffe olfactive lors des visites du musée du club, dans les salons et dans la boutique. » C’est aller toujours plus loin dans la création de l’identité de la marque.
Mais s’il est possible d’influencer le client à l’aide d’une ambiance et particulièrement d’une odeur, existe-t-il un parfum miracle pour que les gens achètent plus ? « On peut nous le demander, sourit le patron de Natarom, mais nous ne travaillons pas à la magie. Il est certain qu’il existe des ambiances qui favorisent la consommation, comme diffuser une odeur de gazon coupé pour vendre des affaires de sport. Mais il faut faire attention à la disruption de l’expérience client : si vous diffusez une délicieuse odeur de croissant alors que vous vendez des croissants, mieux vaut que lesdits croissants ne déçoivent pas votre client. » N’est-ce pas au fond tout le drame de la mode ? On s’identifie visuellement aux mannequins, mais…
Nicolas Pagniez