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Booster le moral et l’ambiance, réduire le stress, apporter plus de créativité… Ah oui, l’humour au travail, quelle panacée ! Sauf que… l’arme du rire aux larmes du dérisoire est à double tranchant, pour managers comme collaborateur·rices. Du rire au malaise, du bon mot à la vacherie, le sous-rire est ambigu. Mode d’emploi.

C’est lundi matin, reprise un peu difficile… La manager arrive à son bureau et lance d’emblée à ses collaborateur·rices : « Pas un mot avant mon café ! Au fait, je ne prends jamais de café. » Une bonne petite blague pour détendre l’atmosphère au travail ? Alors que 63 % des salarié·es estiment que l’humour n’est pas assez mobilisé dans leur entreprise bien qu’il soit important pour 96 % d’entre eux·elles (Petit traité de l’humour au travail, Eyrolles, 2011), force est de constater que la place du rire au bureau est un sujet de plus en plus pris au sérieux par le monde très (trop ?) raisonnable des cols blancs. De plus en plus d’études conduites par des institutions aussi réputées que la London Business School ou le MIT confirment l’impact positif de l’humour au travail, tant il peut jouer un rôle clé dans la motivation des équipes. « En créant du lien, de la cohésion, gages de décloisonnements, de dédramatisation de certaines situations, de prises de conscience, de réconciliations… », commente de son côté Serge Grudzinski, dirigeant du cabinet Humour Consulting Group et auteur du livre Laugh to Lead – Le rire pour manager – (Iggybook, 2019).

 

Libérer sa sérotonine !

Un véritable feu d’artifice pour le cerveau cette sérotonine et autres hormones du bien-être… C’est peu ou prou l’effet physiologique que procure « le grand rire unanime lorsqu’il jaillit des êtres humains », explique notre consultant en management, « parce qu’il dégage une énergie physique colossale – hurlements, gesticulations… –, miroir de phénomènes très puissants qui se passent à l’intérieur du corps ». Un·e collaborateur·rice démoralisé·e ? Dans l’incompréhension face au changement ? Ou en conflit avec ses collègues ? « Quand nous sommes en tension, bloqué·es dans des situations peu confortables, le rire produit des effets tels qu’il va faire tomber nos murs de rigidité, analyse Serge Grudzinski, car c’est souvent en secouant l’individu, son intellect, ses émotions, notamment grâce à un humour bien maîtrisé, qu’on peut in fine l’aider à faire un pas de côté, à adopter un autre point de vue. »

Des bienfaits à foison, oui, mais reste à savoir quand et comment pratiquer l’humour au travail ! Car il s’agit d’une vertu tellement puissante « qu’elle peut faire autant du bien que du mal, avertit le consultant. L’humour, dit-il, doit toujours se manier avec précaution, surtout dans un terrain aussi miné et hiérarchisé que l’entreprise ». Bousculer les règles, transgresser les interdits pourtant en nombre dans le milieu professionnel, l’humour reste une arme à double tranchant, autant facteur de rire que de malaise. « À l’image des bouffons qui débitent des vannes à la minute et finissent par écorner les relations dans une équipe, et pire avec leur manager », illustre l’expert. Exemple probant : un salarié est convoqué par son chef : « C’est la quatrième fois que vous arrivez en retard, que dois-je en déduire ? » « Ben, qu’on est jeudi ? », sourit le retardataire. C’est dire s’il y a des limites à ne pas franchir…

 

Des styles comiques

L’humour va parfois trop loin. « Quand ça vient d’un manager, attention danger ! », alerte Serge Grudzinski. Si l’humour bienveillant, rassembleur, révèle largement le charisme du leader en entreprise, gare à ces managers qui taquinent leurs collaborateur·rices en abusant de plaisanteries douteuses capables de blesser, rabaisser l’autre… « La frontière entre humour et moquerie est délicate », dixit le consultant, « et les blagues potaches autorisées par le passé, parfois à connotation sexiste, raciste…, ne sont plus admises dans la société, encore moins dans l’entreprise. Ce type de débordement risque aujourd’hui d’aller très loin, conduire même à des sanctions, et pourrir l’ambiance de travail. » Alors que cache réellement l’humour en entreprise, et même ailleurs ? « La manière de le pratiquer révèle finalement tout de son auteur, tant l’humour que l’on adopte – aussi complexe que l’être humain lui-même – reste un concentré de la personnalité de chacun. » Si le manager empathique, conscient des sensibilités des uns et des autres, a tout intérêt à doper son potentiel humoristique – et parfois dans un but pédagogique pour faire progresser ses équipes (exemple, « On va faire sauter la banque avec un tel budget prévisionnel ! ») –, a contrario, celui qui est malveillant, « doit absolument se taire. Au risque sinon d’en subir les conséquences ! ». Car pour l’expert, « l’humour positif, bienveillant ne s’apprend pas vraiment… On l’a en soi, ou pas. Chacun exprime un type d’humour, reflet de sa propre culture, éducation… Exagération, pince sans rire, anecdote, répétitivité, dérision… » Sans oublier l’autodérision, via laquelle il semble difficile de faire un faux pas. Car avant de rire avec les autres, surtout au travail, ne faut-il pas mieux d’abord être capable de rire de soi ?

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