Temps de lecture estimé : 2 minutes
Traiter le froid quand il fait chaud
Et si l’entreprise ne dormait pas complètement durant la pause estivale ? Pour un manager, il est possible de tirer parti des congés, une période « pas comme les autres »…
«Chaque année, quand nous approchons de la grande pause estivale, je me dis que c’est la tuile. Ouvert 7 jours sur 7, je ne ferme jamais à cause de coûts fixes importants, ce qui oblige à une certaine gymnastique au niveau des horaires et des jours de congés », raconte Yann Lavigne commerçant dirigeant une fromagerie de six salariés à Dijon. Mais si l’été n’était pas qu’une période dévolue à la plage et au rosé sous la pinède ? De nombreux conseils en management expliquent que ce temps différent est une respiration, occasion d’aborder des problématiques organisationnelles impossibles à traiter durant les temps forts de l’année. « Auparavant je négligeais totalement cette période, en me disant que ceux qui n’étaient pas en vacances marchaient de toute manière au ralenti. Mais depuis quelques années je me suis aperçu, alors que les affaires courantes sont rapidement expédiées, qu’il reste plusieurs heures par jour pour traiter des dossiers laissés de côté, ou simplement pour préparer la rentrée », observe Augustin Regal, directeur adjoint chez GES, entreprise d’édition de livres scolaires à Nantes.
Place à la vraie concentration ?
Le téléphone sonne moins, les mails ont tendance à moins remplir la boîte et les sollicitations quelles qu’elles soient fondent comme neige au soleil. Une fenêtre de tir pour réfléchir à l’organisation en général, et à s’ouvrir aux propositions de tout le monde pour améliorer le fonctionnement, à l’exemple de cette agence de contenu, dont Jean-Louis Henrion est dirigeant à Boulogne Billancourt (92) : « Nous avions constaté quelques couacs dans les transmissions entre les producteurs de contenu, correcteurs, maquettistes et graphistes, et parlions à chaque fois de tout remettre à plat. Mais ce chantier était un peu l’Arlésienne depuis quelques années. Nous en parlions mais ne trouvions jamais le temps de nous y atteler. Cela va se faire en août ». La période creuse peut se révéler utile. « Chez nous l’activité baisse surtout en juin. L’équipe privilégie donc les nettoyages spéciaux, mais aussi vide les stocks… Et j’organise mes visites auprès d’éventuels fournisseurs accompagné de salariés, afin qu’ils se sentent plus investis », reconnaît Yann Lavigne. Les travaux de fond peuvent être traités : « Mettre en place des programmes de formation, des évolutions d’organisation, réfléchir aux évolutions de postes et missions, donner du temps à un projet innovant de l’équipe, qui peut être fédérateur… », énumère Chantal Motto, coach d’entreprises et de dirigeants à Paris, qui était auparavant manager.
Les bienfaits de l’ambiance plus détendue
Des effectifs réduits facilitent la communication. Les sujets de conversations des pauses sont évidemment moins professionnels, portant plus sur les vacances et les loisirs, et les esprits sont en général plus légers. De quoi créer du lien social, d’autant plus si le manager a la bonne idée d’organiser une sortie ou des pauses atypiques pour que tout le monde apprenne à mieux se connaître. « Comme le magasin doit rester ouvert, et comme je ne pense pas que les employés aient envie de faire une sortie durant leur temps libre, il nous arrive d’organiser des repas en arrière-boutique », note Yann Lavigne, faisant chorus avec Augustin Regal, qui facilite les réunions d’organisation, « les messages ayant plus de chances de passer et surtout de ne pas braquer certains ». L’occasion d’aborder les sujets qui fâchent ? « C’est le moment de discuter, échanger, partager des visions. La période du 1er juillet au 15 juillet – la fenêtre de tir est courte car ensuite les absents sont trop nombreux – est d’ailleurs parfaite pour organiser un séminaire visant à faire du team building, mais aussi à creuser les dysfonctionnements. De quoi partir ensuite en vacances avec des choses plus sereines et constructives dans la tête », soutient Chantal Motto.
Changement de rôles instructif
Enfin les beaux jours permettent aussi au manager de montrer la confiance qu’il a envers certains collaborateurs, en leur confiant par exemple les clés du service, ainsi que des missions inhabituelles. De quoi renforcer leur autonomie et leur motivation, mais aussi détecter des qualités insoupçonnées dans la gestion des affaires courantes. « Un jeune était en contrat d’apprentissage chez nous, et je lui ai donné des missions dépassant son périmètre habituel, faute d’effectifs. Il a parfaitement assuré ses nouvelles responsabilités, ce qui me porte à lui en confier plus dans l’année, et à signer son embauche au vu de sa capacité de progrès », illustre Yann Lavigne. C’est donc à chaque été une période hors du commun qui s’ouvre, qui peut être propice « pour peu que le manager l’ait préparée et montre la voie par son attitude et ses demandes », rappelle Jean-Louis Henrion. Par mimétisme, ceux qui ne sont pas partis en vacances prendront le pli et se conformeront à ce nouveau rôle durant cet intermède dans la vie de l’entreprise…
Julien Tarby