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Wall-e, R2-D2, C-3PO… débarquent
Le renouveau industriel français passe par la robotisation. Mais la filière recèle également de grandes opportunités en dehors des usines.
Ils ne sont que 35000, soit deux à trois fois moins qu’en Italie ou en Allemagne. Et une partie d’entre eux ne seraient pas vraiment des produits dernier cri. Les robots du parc industriel français ont besoin d’un coup de neuf et, surtout, de gagner en nombre pour faire passer les chaînes de production dans une nouvelle ère. Un message que les décideurs au sein des territoires semblent avoir intégré, à en juger par la multiplicité des projets qui ont vu le jour au cours des dernières années.
L’Etat s’efforce de créer les tremplins nécessaires au développement des savoirs à grand potentiel, à l’image du projet « France IA » lancé en grande pompe par le gouvernement en ce début d’année 2017. Il vise à fédérer la communauté française de l’intelligence artificielle afin de valoriser ses capacités en réponse aux besoins des grands groupes. Les start-up du domaine doivent ainsi servir d’appui. Certaines d’entre elles, comme Madbits, se sont déjà illustrées. Cette entreprise se distingue par sa technologie d’analyse et de recherche d’images basées sur le deep learning. La start-up francilienne Moodstocks, elle, spécialisée dans la reconnaissance d’images en réalité augmentée, est une autre de ces pépites qui a vite suscité l’enthousiasme. Deux preuves des espoirs que concentrent la formation et la recherche françaises en la matière.
Industrie du futur et robots médecins
La région des Hauts-de-France cherche ainsi à se doter d’une image 2.0, loin de son étiquette de cimetière industriel. En terre picarde en particulier, la robotique a été identifiée comme l’un des quatre Domaines d’activités stratégiques (DAS), portés par la plateforme d’innovation pour l’industrie IndustriLAB. La filière Robonumérique développée autour de l’agglomération de Saint-Quentin affiche déjà un fort dynamisme avec une croissance annuelle de 8%.
Plusieurs fleurons locaux de la robotique, de la mécanique et du numérique mettent en commun leurs compétences au service de cette ambition commune, à l’image de Yamaha, Boubiela ou Sylpheo. L’idée de la région est de développer des projets collaboratifs portant sur la précision des robots, la fiabilité et répétabilité des taches, ou encore la robotique collaborative. La pépinière Créatis, qui accueille une trentaine d’entreprises et une douzaine de projets innovants, doit jouer un rôle de tremplin sur ce plan. Une dynamique régionale qui s’est renforcée avec les outils et équipements d’excellence apportés localement au réseau national spécialisé Robotex, en particulier sur un volet dédié à l’automobile et aux véhicules électriques intelligents coordonné par le laboratoire Heudiasyc de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) et sa plateforme de tests.
Plus à l’Est, le territoire franc-comtois, et plus précisément l’écosystème de la technopole TEMIS (Technopole microtechnique et scientifique), s’efforce également d’être aux avant-postes dans ce domaine. La région se caractérise par l’émergence de projets collaboratifs en matière de haute précision, d’ingénierie des micro-systèmes et de micro-fabrication. Les connaissances historiques liées à l’industrie horlogère et à la miniaturisation des systèmes fonctionnels expliquent cette orientation. Bruno Favier, directeur de la technopole, indique que « l’automatisation des process de bioproduction, les savoir-faire robotiques dans le domaine médical figurent parmi les compétences d’avenir, en raison des connaissances solides amenées par cet héritage ». La start-up iin medical est l’un des acteurs innovants de premier rang de la région, avec son dispositif robotique chirurgical qui intéresse déjà de nombreux blocs opératoires. Il s’agit de tubes spéciaux permettant d’éviter les tremblements de la main humaine et rendant les interventions moins invasives. Des applications sont possibles en arthroscopie ainsi que pour la neurochirurgie en cœlioscopie.
Aider les ETI locales à faire des sauts qualitatifs
De l’autre côté de l’Hexagone, la région Pays-de-la-Loire a mis en place un vaste arsenal qui doit favoriser le décollage de cette filière. La Plateforme régionale d’innovation (PRI) Proxinnov, visant à permettre à chaque entreprise d’intégrer une démarche d’innovation en robotique, est au centre de la dynamique, tout comme le Centre technique des industries mécaniques (CETIM), le laboratoire de l’Institut de recherche en communications et cybernétique de Nantes (IRCCyN), ou encore l’IRT Jules Verne. Ce dernier rassemble des industriels et des laboratoires de recherche appliquée pour la création de solutions de prototypage et de démonstration industrielle, autour de défis technologiques. Veolia, PSA Peugeot-Citroën, Renault, Daher ou Alstom sont quelques-uns des géants qui partagent leur savoir-faire au sein de cette gigantesque plateforme. L’IRT Jules Verne a ainsi élaboré un démonstrateur opérationnel, baptisé Robofin, dont l’objectif est de développer des solutions robotisées pour des opérations de parachèvement des pièces composites et métalliques de grande dimension (activités de préparation des surfaces, de perçage…). Bruno Hug de Larauze, président de la CCI régionale, rappelle qu’il s’agit là du « seul IRT où les industriels sont majoritaires. On y trouve un volet collaboratif très important. Un important travail de clusterisation des centres de recherche, des industriels et des sous-traitants est mené pour en faire un levier efficace de la robotique en Vendée. Le but est d’aider les ETI locales à faire des sauts qualitatifs grâce à l’ensemble de l’écosystème ».
L’Occitanie a elle aussi fait de la robotique un cheval de bataille, comme en témoignent les initiatives lancées localement. « La région a engagé une politique volontariste en direction du secteur de la robotique, avec 25 millions d’euros mobilisés en 2016 au titre notamment du plan Robotique et Drones », rappelle Christophe Nicot, directeur général de l’agence Madeeli, l’agence régionale de développement, de l’export et de l’innovation. Le territoire avait déjà donné naissance à quelques joyaux du secteur comme l’entreprise Wyca, spécialisée dans les robots de téléprésence d’accueil et d’assistance, ou encore la société Symétrie qui conçoit des simulateurs et qui figure parmi les lauréats 2017 du Concours des Inn’ovations régional pour son simulateur de houle baptisé Mistral. Les acteurs de la robotique font partie des structures éligibles aux appels à projets régionaux Easynov qui ont vocation à accélérer les projets prometteurs des domaines d’activités prioritaires, en particulier en leur allouant une enveloppe de 10 millions d’euros.
Robots collaboratifs
La robotique collaborative est un autre axe de développement, tout comme dans la région Nouvelle Aquitaine où le CRITT Informatique de Poitiers rassemble les savoir-faire de l’Université locale et de l’Institut Pprime pour mettre à disposition des PME des solutions pour programmer très simplement des robots collaboratifs. Celles-ci rencontrent un franc succès, car les PME ne peuvent pas se permettre de confier à un ingénieur la programmation du système, alors qu’il s’agit précisément de gagner du temps et de réduire les coûts par l’acquisition d’équipements robotiques. L’offre est d’autant plus séduisante qu’il est aujourd’hui possible d’acheter un robot à partir de 45000 euros.
Plusieurs sociétés sont devenues les porte-drapeaux de cette robotique d’un nouveau genre, à l’image de RB3D qui a conçu un exosquelette pour la construction routière. Cette innovation assiste les ouvriers, et en particulier les tireurs de râteau lors d’opérations manuelles de dépose de revêtements comme des bitumes. Une manière de diminuer la pénibilité pour ces travailleurs. La robotique collaborative trouve aussi des applications dans la santé, comme le montre l’entreprise Endocontrol, lauréate 2015 du Concours national de robotique collaborative. Elle propose un porte-aiguille cœlioscopique robotisé, un instrument co-manipulé pour la réalisation de gestes opératoires en chirurgie laparoscopique.
Mathieu Neu