Le sexe connecté

« Ciel, ma femme en ligne… Je suis pris »
« Ciel, ma femme en ligne… Je suis pris »

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Orgasme électronique

Un sexe du futur surprenant se dessine à travers quelques innovations technologiques, qui ne sont déjà plus des fantasmes…

Paris la nuit…

Dans les artères sulfureuses de Pigalle, les affichages présentent de jeunes femmes et de jeunes hommes aux formes et aux positions aguicheuses, tandis que les rabatteurs haranguent les badauds pour les attirer en des lieux de perdition nocturne. Tout en bas de la publicité, une mention fait état de deux prix : 15990 euros pour la version de base et 19990 euros pour la version premium de ces corps affichés tels d’authentiques égéries sensuelles. Le prix d’une voiture à air comprimé ! Ces poupées ultra-réalistes sont le dernier carton des ventes de l’industrie pornographique. Fini le temps du streaming gratuit sur Internet. Oubliée, l’époque des actrices peroxydées multipliant les efforts pour attirer des visiteurs-voyeurs.

En 2050, la mode est aux robots sexuels. La pratique s’est d’abord diffusée dans les maisons closes thaïlandaises au début des années 2040 puis est entrée presque inaperçue dans le Vieux-Continent, dans l’ambiance tamisée des lumières rouges d’Amsterdam. Aujourd’hui, ces mannequins se vendent comme des petits pains dans les magasins qui ne juraient que par le canard vibrant il y a 50 ans. Epiderme en latex proche de la peau en matière de sensation, parties génitales motorisées, paramétrables et calfeutrées d’une matière auto-nettoyante et anti-IST (infections sexuellement transmissibles), haut-parleur qui susurre des mots doux, etc. Le sexe de chaque poupée est même réalisé à l’aide d’une imprimante 3D pour coller le plus possible à l’anatomie intime de certaines célébrités ou à celle de son partenaire. Pour les femmes, le modèle Claude Makélélé, joueur de football du passé, reste le best-seller. Pour les hommes, les modèles vintages tels que ceux de Brigitte Bardot ou Natalie Portman connaissent un renouveau. Un nouveau business model s’est développé, les célébrités obtenant des royalties de leurs mensurations. La bécane est au point, si bien qu’elle se diffuse aussi bien dans les endroits torrides de la ville que dans le dressing de M. et Mme Tout-le-monde. Car le mannequin se connecte aussi en temps réel avec un autre mannequin ou sex toy sur mesure pour pallier la distance entre un couple séparé par plusieurs centaines ou milliers de kilomètres. Ailleurs, jouxtant un chemin de traverse menant au Moulin Rouge, un salon de peep show propose de choisir une des hôtesses du bar afin d’assouvir le moindre de ses fantasmes. 50 euros le massage, 80 euros le strip tease, 100 euros pour les prestations synonymes d’une trop grande solitude qui pèse sur l’usager, 200 euros pour les pratiques hardcores. Le salon se compose de cabines individuelles disposées en rang d’oignons. A l’intérieur, un siège intelligent se calque et s’adapte à chaque physique tout en plaçant des capteurs sur tout le corps : sudation, pouls, activité du cerveau. Un casque, des lunettes de réalité augmentée et quelques best-of de Barry White viennent compléter le dispositif ludique. Ici, pas question de toucher le moindre centimètre carré de peau véritable. Tout est simulé. Tout est virtuel. Les hôtesses configurent les cabines qui retranscrivent par hologramme leur lapdance et leurs mots doux. Bien évidemment, l’ensemble des mégadonnées sont stockées sur le cloud du salon. Anonymes, des statistiques apparaissent sur écran géant et font état des meilleures performances, des appétences en matière de prestations, du temps passé dans la cabine. Tous ces instruments de plaisir trouvent bien évidemment leurs pendants moins sophistiqués dans les foyers. Avec le regain du puritanisme à l’œuvre dans les années 2050, le marché des pratiques masturbatoires connaît son âge d’or. Plus question en 2050 de coucher si ce n’est pour procréer. Les Français sont en pleine schizophrénie. Les technologies leur permettent de s’adonner plus que jamais à leurs envies onanistes et libidineuses alors que le ministère des Mœurs laïques vilipende le sexe en tant que plaisir. En solution, l’on s’invente des avatars. Comme à l’époque des dinosaures des réseaux sociaux qu’étaient Facebook ou LinkedIn disparus depuis le krach boursier de 2027. Sauf qu’ici, il n’est ni question d’un « moi professionnel » où l’on fait apparaître ses meilleures références ou d’un « moi social » paré de ses plus belles photos de vacances. Il s’agit d’un « moi virtuel », avec mensurations et précision des pratiques sexuelles. Une autre manière de faire l’amour qui redéfinit en 2050 la question de l’adultère. Peut-on sérieusement tromper avec une machine ? Et y a-t-il « cocufiage » si les deux amants le réalisent à distance ? Le débat court toujours….

Entretien avec Alain Titeca, sexologue et sophrologue

« Un certain consumérisme dans les relations amoureuses »

Le sexe connecté, une relation qui pimente le couple ou une relation par défaut ?

On ne peut pas cliver la vie affective de la vie sexuelle. De nombreuses personnes de ma patientèle nourrissent des relations à distance. La vraie question que posent ces technologies ? Que fait-on de ces outils au sein de la relation ? Peut-on se limiter à des amours virtuels ? Leur essor s’explique aussi par le consumérisme à l’œuvre dans nos relations amoureuses. Faire l’amour à distance devant une webcam ou par d’autres moyens, cela s’explique aussi par la peur de se rencontrer ou de la paresse. De nombreuses personnes se bornent au virtuel car il subsiste toujours la peur d’être éconduit ou la crainte de ne pas être performant. Chez l’homme, le sexe connecté est aussi une manière de protéger sa virilité.

Quels avantages ? Quels risques ?

La relation peut se définir comme étant une communion entre deux personnes vibrant sur la même longueur d’ondes. En cela, même si la rencontre corporelle est essentielle pour nourrir la dynamique du couple, il n’empêche que le média web, par exemple, permet d’aller à la rencontre de l’autre dans son altérité. Quand chaque personne est connectée, les deux personnes vivent l’instant en pleine conscience et se déconnectent de leur environnement pour vivre un moment à deux hors de toute projection. En cela, le sexe connecté peut se rapprocher du slow sex. Mais la facilité du média peut entraîner la cristallisation de ses envies sexuelles autour de ce type de pratiques. C’est là que commence l’addiction. Et comme on est addict à son smartphone, on peut l’être pour les relations virtuelles. Cela s’explique par l’essor notamment de la webpornographie, des sites de rencontres et de la facilité de lier et entretenir des liens virtuels. Il semble donc prudent de diversifier les supports pour construire une relation.

Propos recueillis par G.F

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