Un futur storyteller ? Quand Emmanuel parle Macron

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Avec la présidentielle, une nouvelle façon de parler élyséenne est née.

Inventaire en mots.

Du « vote utile » à « l’autoritarisme »

Macron est porté au pouvoir par « le vote utile », sur fond de « naufrage de Marine Le Pen » et d’ « étoile morte du socialisme». Fillon est pour lui « un bourgeois de province du XIXème siècle » et Hollande un « zigoto ». Alors qu’à l’Assemblée nationale arrivent « des débutants », le leader « en marche » recadre son chef d’état-major des armées. Attitude qualifiée « d’autoritarisme ». Mais, cet « autoritarisme » n’est pas revendiqué par l’intéressé qui préfère « l’audace ». Et il reprend à son compte « l’écologie » affichée par le candidat Hamon. Un plan climat est annoncé et le Parisien réplique « Alors, chiche, M. Hulot ? ».

Chiche pour les mots inattendus

Celui qui veut notamment faire de la France « la nation des start-up » cultive son lexique. Il y avait eu « la poudre de perlimpinpin » du débat de l’entre-deux-tours puis son affection pour les expressions latines : « pacta sunt servanda », « in petto » – dans son for intérieur – et même « totipotent » lors d’un discours aux préfets. « Totipotent », terme qui dénote chez Monsieur Macron une affection pour les mots oubliés. « Croquignolesque », prononcé lors de l’interview télévisée du 15 octobre 2017 signe cette création d’un dictionnaire hétéroclite. Si hétéroclite que sa prose s’accommode de « bordel » pour qualifier l’attitude des grévistes. Ce « bordel » appartient à « un lexique populaire » répond le locataire de l’Elysée en se fiant au dictionnaire de l’Académie Française.

En même temps c’est le temps présidentiel

« En même temps », c’est le tic de langage de l’homme qui désire « faire de la politique autrement ». La « rupture » promue par Mélenchon s’estompe, place à la « transformation ». « Transformation », pourtant Macron est qualifié de « président du système » mais lui se veut « hors système », comme chaque candidat à cette présidentielle. Et « en même temps », certains termes forgent un système présidentiel :

« macroniser \ma.kʁɔ.ni.ze\ transitif ou pronominal 1er groupe (conjugaison)

Soumettre à l’influence d’Emmanuel Macron. » relate Wikipédia,

« Macronisme[makronism] n.m. (2017 ; de macron-, et -isme). De droite et de gauche, gaulliste et mitterrandien, jeune et vieux, européen et français, libéral et libéral, individualiste et collectif, et en même temps système et anti-système. » signale Libération à sa Une du 12.05.17.

Gaffes Macroniennes

Ce président prônait dès octobre 2016 la nécessité d’une « présidence jupitérienne ». Autrement dit, être en posture haute, sans tomber dans « l’hyperprésident » Sarkozyste ou les « couacs » du président « normal » Hollande.

Pour autant, il sème déjà quelques maladresses. En visite à la Halle Freyssinet à Paris, il décrit la gare comme le lieu où se croisent « les gens qui réussissent » et « les gens qui ne font rien ». Depuis Athènes en septembre 2017, il affirme qu’il ne cédera rien aux « fainéants » s’opposant à sa politique de réformes. Et sa « blague » sur « le kwassa-kwassa » qui amène les Comoriens à Mayotte n’a pas suscité l’hilarité.

Synchronisation des paradoxes

Les mots d’Emmanuel Macron symbolisent peut-être les paradoxes assumés et le pragmatisme. Il veut revenir « tous les ans » devant le « Congrès, pour rendre compte de son action », par souci de « pédagogie ». Cela ne l’empêche pas d’avoir régulièrement des formules qui pourraient le mener vers une « mise en récit » de sa politique si tous ses discours étaient plus reliés entre eux. Il veut « refonder l’Europe », rêve de se placer dans « un esprit pionnier » en se rapprochant totalement de l’Allemagne et parallèlement, il se fait chantre des villes. «J’ai besoin de vous » dit-il en cette fin d’année aux maires sceptiques.

Il est le président qui a son « coach vocal ». Il a fait dépenser à l’Elysée « 26 000 euros de maquillage en trois mois », et dans « une mise en scène à l’américaine », depuis son bureau, « le patron de la nation France » ratifie le texte sur la « confiance dans la vie politique ».

Quant à Brigitte, elle apparaît dans cette fresque au juste moment et certains savent déjà que son tendre surnom est : « Bibi ».

Notre « jeune président » veut « renouer avec l’héroïsme politique », « réinvestir un imaginaire de conquête » ?

Notre observatoire lexical le souligne : le verbe de l’année est « sauver ». Emmanuel Macron pourrait donc apparaître comme un sauveur. N’est-ce pas une opportunité à saisir ? Et dans la mosaïque de ses discours variés, il gagnerait peut-être à trouver le fil d’or qui relierait entre elles chacune de ses prises de parole et mettrait en relief sa vision du quinquennat. Il n’est pas loin de pouvoir devenir un vrai storyteller et pourrait posséder l’astuce technique de Shéhérazade. Il saurait alors nous tenir en haleine et de discours en discours, nous offrir une grande histoire ? A suivre.

 

Jeanne Bordeau Fondatrice de l’Institut de la qualité d’expression
Jeanne Bordeau
Fondatrice de l’Institut de la qualité d’expression

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