Certaines situations sembleraient plus fortes en apprentissages de vie que d’autres…
Certaines situations sembleraient plus fortes en apprentissages de vie que d’autres…

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« J’ai toutes les chances de me planter »

A 33 ans, Sylvain Tillon dirige sa troisième entreprise. L’échec de sa première TPE, Lucyf’Hair, lui sert encore dans le pilotage de Sydo et de Tilkee.

Mercredi 9 septembre 2015. 200 porteurs de projets sont réunis au pôle Pixel à Lyon pour parler création d’entreprise dans le cadre de la 2e édition de Lyon Start-up. Parmi les guest-stars, Sylvain Tillon. Sac à dos, jean, baskets et polo griffé du logo Tilkee, il est venu parler… d’échec, sur le thème « Les dix façons de planter sa boite ». Ses multi-expériences défilent sur les slides. Il renouvelle le témoignage la semaine suivante lors de la première FailCon organisée à Lyon. Tout droit débarquée des Etats-Unis, la conférence réunit des dirigeants qui ont échoué. Là encore, Sylvain Tillon déroule son histoire. Pourquoi lui ? Homme de communication, il a toujours largement expliqué le pourquoi du comment. « On apprend plus de ses échecs que de ses réussites. »

Premiers revers, premiers apprentissages

Il a 21 ans en 2003. En première année à l’EM Lyon, il transforme son projet d’étudiant en business, arrivé pourtant avant-dernier d’un concours interne en création d’entreprise. Lucif’hair conçoit et commercialise des bijoux de cheveux. « Je me suis abonné à Biba et Jeune & Jolie. J’y croyais à fond mais je ne connaissais rien à mon marché. » Premier enseignement : se lancer sur un secteur totalement inconnu est un risque évident de planter sa boite. « J’ai développé un concept qui nécessitait un brevet mondial avec 15000 euros et deux prêts étudiants. Sans capitalisation suffisante, les développements sont limités. » Autre enseignement : le client ne vient pas frapper à la porte. « J’étais un mauvais vendeur. Je restais au bureau de 8h à 20h et j’attendais qu’on m’appelle ! » Sa soif d’entreprendre le pousse à multiplier les initiatives. « Je commercialisais à peine une première gamme de bijoux de cheveux que je pensais déjà aux bijoux anti-poux et aux bijoux pour chiens… » Parti tout feu tout flamme, sans prendre de vacances pour souffler un peu, ni de salaire pour vivre au quotidien, le jeune dirigeant perd pied. « L’aventure a duré six ans et nous avons déposé le bilan avec un chiffre d’affaires de 500000 euros pour un résultat net positif de 10000 euros en 2008. La crise est arrivée. Des échéances de prêts et d’avances remboursables allaient tomber. Je n’avais plus d’énergie et même les cinq salariés étaient épuisés. J’ai tout tenté pour revendre ou remettre l’entreprise à flot. »

Un million de petites erreurs

L’expérience du tribunal de commerce marque le jeune entrepreneur. « Six ans de ta vie sont tranchés en deux minutes à la barre, raconte amèrement Sylvain Tillon. Lucif’hair possédait 120000 euros d’actifs dont 80000 euros de brevet. Le liquidateur l’évalue à… 3500 euros. » Tout part en fumée en juin 2009. « Même ma copine m’a liquidé… » Il perd 200000 euros mais il tient à partir sans dettes. « Je n’ai pas disparu du jour au lendemain. J’ai continué à communiquer auprès de mes partenaires et de mes actionnaires pour leur dire que nous avions tout donné pour sauver l’entreprise. » Comment analyse-t-il son échec ? « Un million de petites erreurs le constituent. Des détails qui plantent la boite. Nous avons manqué de volonté commerciale par moment. Je m’engluais dans une tonne de choses à faire sans me concentrer sur l’essentiel. Surtout, j’avais peur de l’échec… »

Le temps du rebond lui ouvre les portes de nombreuses entreprises. « Il est facile de trouver du travail en tant que jeune entrepreneur. » Mais est-il vraiment fait pour le salariat ? Il bouillonne de projets et se lance rapidement dans une nouvelle activité. Sydo, l’agence de conseil en formation et création d’outils pédagogiques, démarre en publiant la BD Lucy et Valentin… créent leur entreprise, destinée à sensibiliser les collégiens de 3e à la création d’entreprise. « J’ai travaillé dans mon coin, sans beaucoup sortir pendant un an et demi. Il fallait que je me prouve à moi-même que je pouvais réussir. »

Plante-toi tout de suite ou réussis !

Le développeur ne consacre aujourd’hui plus qu’un tiers de son temps à Sydo. L’entreprise lyonnaise a trouvé son marché, son positionnement. Elle a réalisé 1,1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2014. « Trois entreprises existent, analyse Sylvain Tillon. Celles qui se plantent. Celles qui survivent. Et celles qui explosent. » Il a testé la première formule. Sydo fonctionne sur un bon rythme. Il compte désormais sur Tilkee pour entrer dans la troisième catégorie. Créée début 2014, elle développe une solution pour améliorer la prospection commerciale, principalement des grands comptes, et augmenter le taux de transformation de la proposition commerciale. « Ce projet innovant ne répond pas à une demande explicitée mais à un vrai besoin. Il faut aller chercher le client. » L’expérience Lucyf’Hair n’est jamais très loin. « Les résultats sont bons et je n’ai plus peur de vendre », confie Sylvain Tillon. L’entreprise a levé 500000 euros en juillet 2014 et vise une seconde levée de fonds de l’ordre de 2 M€ pour 2016. Poussé par ses actionnaires, le boulimique de business veut aller vite. « Ils me disent plante-toi tout de suite ou réussis ! » Bien que le démarrage semble porteur, chat échaudé craint l’eau froide. « Malgré les bons chiffres, je sais que j’ai 60% de chance de réussir et 40% de me planter. » Les levées de fonds lui permettront d’ouvrir des structures en Allemagne et en Grande-Bretagne. Il estime que l’entreprise doit réaliser au moins 2 M€ de chiffre d’affaires pour pouvoir réellement décoller et devenir n°1 en Europe sur ce marché encore naissant mais porteur, selon l’exemple des Etats-Unis. « Je ne suis pas sûr d’être le meilleur pour faire plus. On verra d’ici là… » Pour aller plus loin dans le partage d’expérience, Sylvain Tillon prépare l’ouvrage 100 conseils pratiques pour planter sa boite. « La réussite ne s’explique pas et chacun gagne à sa façon. Je n’ai pas de leçons à donner mais il est plus intéressant de parler de ses échecs que de sa réussite. » Le livre, en cours d’écriture, est riche de son expérience mais aussi de celles d’autres dirigeants. L’échec fait aussi partie de la réussite.

Stéphanie Polette

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