Jean-Luc Hudry : 30 ans de galères constructives

Liquidation, accusations, formation…
Liquidation, accusations, formation…

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Jean-Luc Hudry a hérité de deux affaires « plombantes » : reprendre une brasserie familiale en perdition, faire reconnaître un dol devant les juges suite à une décision naïve de ses proches. Défis relevés et situations inspirantes.

Une histoire qu’on ne rencontre pas tous les jours. Celle d’un homme emporté malgré lui dans une spirale infernale. La voie de Jean-Luc Hudry était toute tracée, après des études à Dauphine et un troisième cycle international à l’ISG, une année passée à San Francisco, six mois au Japon… et une embauche chez Procter & Gamble. Un parcours facilité par l’aide indéfectible de ses parents, gérants d’une importante brasserie dans le 7ème arrondissement de Paris. « Ils m’ont tout donné, et m’ont même caché leurs difficultés afin de me préserver. En 1985, quand j’ai compris qu’ils étaient au bout du rouleau après 30 ans de dur labeur, j’ai décidé de mettre entre parenthèse ma carrière durant six mois pour les épauler, passant subitement de salarié à chef d’entreprise. Ce que j’y ai trouvé m’a effrayé, l’entreprise n’avait plus que quelques semaines à vivre. J’y suis finalement resté 18 ans durant ! », s’étonne encore Jean-Luc Hudry, qui a relaté tout ce vécu instructif dans un ouvrage qui fait référence (1), sélectionné pour le livre optimiste 2014.

Reprise en main musclée

« Tout tombait en désuétude : il n’y avait plus assez de modernité, de contrôle, de vision de long terme. Seul l’emplacement était très bon », se souvient celui qui a alors appris à mobiliser, à créer de la confiance et de la motivation. « Ces mots sont très souvent prononcés, mais mieux vaut les vivre pour comprendre ce qu’ils recouvrent ». Le nouvel arrivant n’était pas préparé à répondre au banquier agressif, à la manière de recréer la confiance quand tout le monde sent que le bateau tangue. « J’ai eu beau chercher dans les manuels de management… ». Celui qui est parvenu à franchir les premières semaines fatidiques, puis mois, à raison de 15h par jour de travail acharné, a finalement fait ses armes. « Il fallait rappeler aux gens que nous étions dans une mauvaise passe, et leur proposer un objectif supérieur et mobilisateur d’être les plus innovants du secteur, et que, pour y parvenir, leurs suggestions étaient les bienvenues et les objectifs devaient être remplis. Les idées ont fusé. Je me souviens de ce gâteau de 30 mètres de long que nous avons installé sur la devanture pour célébrer l’anniversaire de l’établissement. Nous avons enchaîné les jeux, dégustations, concours, questionnaires aux clients ».

Liquidation, accusations, formation…
Liquidation, accusations, formation…

Second évènement massue

C’est alors qu’un second drame survient. En 1989 la sœur de Jean-Luc Hudry, touchée par une maladie invalidante, doit cesser son activité. Son mari doit améliorer sa situation professionnelle pour subvenir aux besoins. Un ami de 30 ans de ses parents, empereur de la distribution dans leur région d’origine, leur propose un magasin de 1 000 mètres carrés comme une juteuse affaire. « Ceux-ci acceptent malgré mes réticences, le bilan étant assez flou. Ils veulent que leur gendre en prenne la direction et réinjectent de l’argent. Mes parents remettront trois fois au pot et se sur-endetteront, mettant en danger leur première affaire, alors que je la supportais à bout de bras ! », se souvient amèrement celui qui est aujourd’hui secrétaire général de l’association française des conférenciers professionnels. L’affaire se solde par une liquidation judiciaire et une bataille juridique de 12 ans, émaillée par moult retournements, parce qu’elle était un canard boiteux et que Jean-Luc Hudry devait faire reconnaître le dol. Il a fallu travailler le jour sur la première affaire, et la nuit sur la seconde afin de prouver les chiffres tronqués, « ce qui est survenu une fameuse nuit après l’absorption d’un certain nombre de cafés et la lecture de tous les dossiers », se remémore celui dont la famille a été anéantie par ce coup de Trafalgar. Le conflit juridique a été remporté en 2013, une victoire à la Pyrrhus au vu des dégâts familiaux et financiers.

Deuxième vie riche et prometteuse

Au total, ce sont 25 années de bataille juridique acharnée, des parents surendettés, des gestions de conflits par dizaines, « notamment avec des banques, avec un propriétaire qui a tenté à huit reprises d’expulser mes parents sans aucun dédommagement », explique celui qui a failli un jour tout abandonner. « Au fur et à mesure que la première affaire se redressait, la seconde absorbait l’argent, telle le tonneau des Danaïdes », explique ce fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’entrepreneur qui a amassé de l’expérience sur la confiance, la motivation, le leadership, l’innovation quant au développement de la personne : « seuls les gens qui ont connu un cancer, la guerre ou tout évènement d’une telle intensité et dureté peuvent comprendre ces moments où l’on doit aller chercher des ressources insoupçonnées au fond de soi en mettant en avant les valeurs qui nous constituent. J’ai décidé de partager ce vécu », déclare celui qui tient le blog Moralotop, développe tout un concept autour, écrit des livres – à l’exemple de « Devenez un leader irrésistible : créez la confiance à tous les étages par tous temps » qui sort le 23 juin -, et donne des conférences pour exposer sa philosophie de vie. « Donner le meilleur de soi-même, aussi longtemps que nécessaire, puis ne plus s’inquiéter du résultat. C’est le seul moyen de réduire la pression », explique-t-il dans une de ses solutions pratiques, tirées de situations réelles. De même, « quand le banquier nous dit, à mon père de 80 ans et moi, qu’ « il ne peut pas nous prendre plus que ce que nous avons, mais qu’il prendra tout », il importe de relativiser et de se dire qu’il répond aussi à des impératifs. Je suis devenu un optimisme de terrain, qui s’en tient aux faits et met le moins d’affect possible », ajoute celui qui a créé une appli de conseils, qui a été n°1 sur l’Appstore en 2012, téléchargée dans 63 pays. « Les gens aiment les histoires personnelles quand elles leur apportent des solutions applicables dans leurs propres vies », énonce, pragmatique, celui qui a redressé deux situations « inredressables » à première vue.

(1) Craquer ou pas ? l’incroyable histoire vraie qui améliore la vôtre, de Jean-Luc Hudry, éd. Moralotop, 2013

Julien Tarby

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