« Oui, oui ! Je vous la lance, mais je vous ai observé, vous auriez quand-même pu y mettre du vôtre… »
« Oui, oui ! Je vous la lance, mais je vous ai observé, vous auriez quand-même pu y mettre du vôtre… »

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Montagnes russes

A quoi carburent ces multimillionnaires qui n’hésitent pas à faire le yoyo ? Des vécus riches d’enseignements

Dans la société française où l’échec est mal vu et la réussite  comme signe de force, les entrepreneurs ont souvent peur de tomber de haut. « Dans l’Hexagone, 60000 entrepreneurs font faillite chaque année », rappelle Philippe Rambaud, président de l’association 60000 rebonds qui aide moralement et psychologiquement les entrepreneurs en faillite. « Il est très difficile de tout perdre du jour au lendemain. Souvent, les dirigeants d’entreprise passent par plusieurs sentiments mais surtout par celui de la honte. Eux, qui ont toujours eu l’habitude de se débrouiller par eux-mêmes, deviennent fragiles, se remettent en question et n’ont pas envie de demander de l’aide à qui que ce soit », ajoute le président de 60000 rebonds. Comment font alors certains pour en sortir plus forts?

Les riches pleurent aussi

Si la faillite est vécue comme un drame professionnel et personnel, elle est d’autant plus dure à digérer quand la perte s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros. C’est notamment le cas de personnalités inattendues du monde économique comme Henry Ford, Steve Jobs ou encore Bill Gates. Le premier, pour cause de soucis de santé notamment, voyait son entreprise perdre des dizaines de millions de dollars par mois. Pour autant son nom est inscrit dans l’histoire et il a su rebondir grâce à son entourage et ses ressources intérieures. Steve Jobs a dû également tomber plusieurs fois de haut pour finalement fonder Apple. En effet, au départ ses ordinateurs ne se vendaient pas comme il le souhaitait. Quant à l’homme le plus riche du monde selon Forbes, Bill Gates, sa première entreprise Traf-O-Data, qui analysait le trafic routier via des tubes noirs installés sur les voies de circulation, a depuis fait faillite. Et ce n’était que le début… Quant aux entrepreneurs français, plus d’un se sont déjà retrouvés sur la sellette… Dans le livre « Grandeurs et misères des stars du Net », Marc Simoncini (fondateur de Meetic) et la journaliste Capucine Graby mettent en lumière six entrepreneurs français du Net, dont Xavier Niel, qui ont su rebondir après leur échec. Parmi ces chutes, la plus retentissante reste celle de Denys Chalumeau. En 2001, il souhaite vendre Promo-vacances. La banque d’affaires lui trouve alors des acheteurs prêts à débourser 200 millions d’euros. Au même moment, les médias annoncent l’attentat des Twin towers ! Il réalise alors que le tourisme mondial va s’effondrer. En un mois, il se retrouve au tribunal de Commerce. Il est alors complétement ruiné. Aujourd’hui, il est difficile de croire que cet homme a été confronté à une situation aussi catastrophique et pourtant… il a su rebondir et toucher de nouveau le succès avec la vente du site “Se Loger” pour 650 millions d’euros, dix ans plus tard ! Un coup de chance ?

La clé du rebond

Nous apprenons de nos erreurs. « Ce n’est pas vraiment le cas en France, tranche Philippe Rambaud. Ce modèle s’applique plus aux Etats-Unis, où on ne glorifie pas l’échec, mais où l’on considère que sans ce dernier, on ne grandit pas. Le pays a un mythe de réussite et vit dans la confiance que demain sera mieux qu’aujourd’hui. Cette confiance est également présente dans leur système d’éducation. En France, la confiance n’est pas inculquée. Nous entourons en rouge ce qui est faux et écrivons «Peut mieux faire !». Il y a un certain manque d’optimisme. » Ainsi, les entrepreneurs américains ont cette capacité de l’estime de soi et travaillent sur leurs échecs. Grâce à ce bagage, ils ont plus de facilités à affronter leurs défaites, leur état psychologique brisé car ils sont habitués à les analyser, comme une étape incontournable de construction. « Les entrepreneurs français se posent beaucoup de questions dans leur coin, mais contrairement aux Américains, ils ont du mal à parler de l’échec et à montrer leurs cicatrices. Alors qu’au final, il n’y a pas deux camps de celui des entrepreneurs qui réussissent et celui de ceux qui ne réussissent pas » L’association aide près de 150 entrepreneurs par an. Ils sont pour la plupart détruits moralement et n’osent pas avancer. « Nous les aidons à comprendre que personne n’est nul. Nous leur redonnons confiance en eux et les faisons réfléchir, non pas sur ce qui a failli, mais sur la manière avec laquelle ils pourraient changer les choses. Il faut qu’ils puissent se reposer et prévoir les éventuelles erreurs en préparant des «plans B». Ainsi, leur rebond est souvent dû à leur entourage qui les pousse et les encourage à avancer. ». La chance y serait-elle pour quelque chose ? « Je ne crois pas au facteur chance. C’est la pugnacité qui finit toujours par porter ses fruits », explique Capucine Graby, selon qui « la confiance en soi et une approche très visionnaire ont aussi été déterminantes dans le cas de Denys Chalumeau. »

Les mœurs changent

« Pour instaurer cette confiance en soi, il faut casser les tabous de la réussite. Un mouvement de société doit se créer. Les programmes scolaires et les mœurs au sein de la famille doivent être revus, affirme Philippe Rambaud. Nous avons tous conscience que la réussite est précaire, il faut donc que l’on intègre l’échec dans le domaine professionnel et personnel. Il faut se dire que ce n’est pas un drame. La société doit détacher l’individu – c’est-à-dire ses valeurs– de son histoire professionnelle. Ainsi, serait-il plus facile de rebondir. » Il semblerait que la France commence à comprendre que l’échec est un «passage obligatoire». Nous le voyons avec les FailCon, un mouvement qui tire l’enseignement de l’échec et témoigne du rebond possible. « Sur le thème de l’échec, Emmanuel Macron me disait qu’il en faisait son cheval de bataille. Je crois que les mentalités sont vraiment en train de changer. C’est une excellente nouvelle pour fluidifier l’économie », confirme Capucine Graby. Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort. N’est-ce pas ? Que ce soit un multimillionnaire, un entrepreneur d’une PME/TPE ou même un salarié, nous pouvons tous nous tromper, tout perdre et nous retrouver face à ce drame – la faillite. Mais seuls ceux qui ont une confiance en eux peuvent rebondir. La confiance en soi n’est pas un trait de caractère, elle passe par un travail sur soi et des efforts de l’entourage.

Anna Ashkova

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