Badis Diab, ex joueur pro de football, créateur de Galactik France et d’une fondation

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Ballon sans frontière

Comment transformer une expérience mitigée de joueur dans le football mondialisé, en une entreprise prometteuse et une fondation humanitaire ?

« Dans 5-10 ans ? Je souhaite être heureux, et laisser une trace, avoir par exemple aidé un demi-million d’enfants en Afrique. Je n’aime pas me projeter, cela ne m’a pas porté chance par le passé… » Rien ne s’est effectivement déroulé comme prévu pour Badis Diab. Destiné à devenir un joueur de football professionnel dans un championnat de haut rang, celui qui a grandi à Romans-sur-Isère dans la Drôme dirige aujourd’hui une entreprise florissante d’accompagnement de jeunes joueurs amateurs en France et aux Etats-Unis, ainsi qu’une fondation fournissant du matériel scolaire aux enfants africains. Rencontre.

Quatre continents en trois ans

Le sportif d’origine algérienne est formé à l’AS Saint-Etienne. « Mais comme beaucoup de jeunes joueurs, je ne suis pas bien conseillé par mon entourage. J’ai le choix entre continuer d’apprendre chez les Verts, ou partir en Algérie où on me propose un premier contrat professionnel, au MO Constantine. A 18 ans, j’opte pour l’aventure dans un pays que je ne connais qu’au travers des vacances depuis les années 2000, mes parents ayant évité de s’y rendre durant la “décennie noire”. » Seul, le jeune adulte souffre de problèmes d’adaptation, d’un point de vue personnel, mais aussi sportif. « J’ai peu de temps de jeu et le club m’invite rapidement à… aller voir ailleurs. Je signe dans la foulée au Los Angeles Galaxy, où jouent des stars comme Beckham et Donovan. La découverte de la langue et de la culture américaine sont enrichissantes, mais après six mois sans beaucoup fouler la pelouse en compétition, le scénario se reproduit », déplore celui qui, via un autre agent, s’engage au T&T Hanoï au Vietnam. Cette fois le jeune pro peut pratiquer son art, mais les retards de salaires se multiplient, « dans un pays où les clubs ne sont pas encore bien structurés. Je passe alors par un dernier club, le NK Travnik en Bosnie Herzégovine ». A 21 ans vient le temps des questions sur son avenir. « Le rapport de forces s’est en quelque sorte inversé : à 16 ans les entraîneurs me disaient que j’avais les capacités de jouer dans un grand club, et j’avais plusieurs choix. Désormais mon temps de jeu réduit et mon parcours atypique me condamnaient à une suite de carrière dans des championnats de seconde zone. Ma bonne vision du sport et du marché m’autorisait en revanche à faire carrière en dehors du terrain comme entraîneur, agent, éducateur… » Plus mature, maîtrisant l’anglais, connaissant les transferts internationaux de joueurs et ayant noué des contacts, il décide de se lancer.

Etoile montante du football consulting

Jorge Mendès ou Mino Raiola, grâce à leur entregent hors du commun, parviennent à gagner autant d’argent que les plus grands joueurs. « Je voulais faire de même, prendre une revanche car la vie de joueur ne m’avait pas assez rapporté », déclare celui qui commence par travailler avec Marco Kirdemir, l’agent qui a fait grandir le championnat turc en attirant Roberto Carlos ou Guti. « J’ai géré le marché français pour lui. Puis, ayant tissé nombre de liens en France, j’ai attiré l’attention de Mino Raiola qui a fait appel à moi pour être un de ses “scouts”. Il m’était facile de jouer les recruteurs auprès de joueurs de 22 ans, qui avaient mon âge et avec qui je pouvais facilement échanger. » Badis Diab apprend vite, il part ensuite en Angleterre pour travailler avec Triple S de Paul Stretford, qui détient un portefeuille important de joueurs, dont Wayne Rooney. En vrai superviseur il enchaîne les déplacements entre le siège de Manchester, Londres qui comporte 39 clubs professionnels et l’Hexagone d’où viennent les joueurs recherchés. En parallèle il devient recruteur pour quelques clubs anglais, s’attachant dans ce cas uniquement à l’aspect sportif. « Allier les casquettes de scout et de recruteur, commerciales et techniques, est très complet », explique l’ex-collaborateur du club de Watford.

Envol entrepreneurial

A 25 ans, constatant que le gâteau était déjà partagé entre les grands agents, il décide de voler de ses propres ailes en revenant au bas de la pyramide : le monde amateur sans qui rien ne serait possible. Il crée Galactik France pour épauler les joueurs qui pensent vouloir et pouvoir être pros. « Ces jeunes signent avec nous une convention de six mois, pour 150 euros, durée pendant laquelle nous leur donnons des armes sportives, physiques et mentales pour y parvenir. Ils ont chaque semaine au téléphone des téléconseillers, qui élaborent des programmes d’entraînement. Ils s’améliorent physiquement et mentalement – passant de DH à CFA et pourquoi pas Nationale ou Ligue 2 –, ou au contraire s’aperçoivent qu’ils ne sont pas faits pour cette vie et ces sacrifices. Nous leur évitons en tout cas de gâcher leur vie à poursuivre un rêve impossible. » Le cabinet met en relation ceux qui réussissent avec des agents. « Nous ne souhaitons pas nous investir dans le monde professionnel, notre métier est la signature de conventions, et l’organisation de détections pour les clubs », explique celui qui atteint 576000 euros de CA pour la première année, et qui embauche 19 personnes pour faire face à l’afflux de demandes. Les médias français, algériens mais aussi américains relaient l’histoire de Badis Diab, qui ouvre en janvier une antenne de cinq téléconseillers à New-York. « Le marché américain est le deuxième plus grand en nombre de licenciés – 4,5 millions – et celui qui progresse le plus vite. C’est pourquoi nous avons encore signé un partenariat avec le club de Jersey Express pour mener des détections », explique-t-il. Un succès qui l’oriente aussi vers une fondation. « Je ne fais pas de l’humanitaire par passion, je me l’impose devant ce contexte africain inquiétant. En juillet 2015 j’ai fondé une académie de football à Tamale au Ghana. Mais cela ne suffisait pas. Le matériel scolaire fourni aux régions délaissées est un vrai coup de pouce à l’éducation et donc au développement. Les gens se noient en Méditerranée non pas parce qu’ils sont passionnés par le mode de vie européen, mais parce qu’ils n’ont aucune perspective d’avenir dans leur pays d’origine. Nous devons changer cela, à notre échelle », déclare-t-il, souvent interrogé sur les moyens de lutter contre la radicalisation. L’entrepreneur récolte des fonds par le site Internet, et par les 300 bénévoles des universités et quartiers populaires en France qui démarchent dans la rue. Les interventions en Kabylie, dans le sud de l’Algérie, au Ghana, et bientôt au Togo, au Maroc ou Nigéria ont permis d’aider 2500 enfants. « Sur le plan business nous évitons que des jeunes gâchent leur vie avec de fausses idées sur leurs capacités footballistiques, sur le plan fondation nous les encourageons à s’engager », résume-t-il. L’exemple type d’un mauvais choix au départ, transformé en succès…

Julien Tarby

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