Et si dans les contextes les plus hostiles se cachaient les germes de la réussite future ?
Et si dans les contextes les plus hostiles se cachaient les germes de la réussite future ?

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Les dessous d’une renaissance

Antoine Duranson est aux premières loges. Associé à Lyon au sein du cabinet de conseil financier Oxigen, il épaule des PME et ETI de 25-100 millions de CA en difficulté. Retour d’expérience.

En quoi consiste au juste  votre mission ?

Nous pouvons intervenir de plusieurs manières quand la situation est difficile : effectuer des missions d’audit financier pour éclairer la situation, assister opérationnellement les dirigeants en renforçant ponctuellement leur direction financière et organiser un rapprochement d’entreprises ou un renforcement des fonds propres.

Vous évoquez un problème de timing dans les procédures. Quel est-il ?

Nous voyons régulièrement des cas de PME en procédures collectives qui pourraient trouver une solution de pérennisation de leurs activités au travers d’adossement industriel, notamment auprès de groupes étrangers. L’organisation de ce type d’adossement est complexe et requiert du temps et une forte mobilisation pour faire aboutir une solution. Il est regrettable que les discussions ne s’ouvrent parfois qu’en fin de procédure de redressement judiciaire ou de sauvegarde (au bout de 6, 12 et même 18 mois) impliquant une recherche précipitée de solution de cession.

Que faites-vous concrètement lorsqu’on fait appel à vous ?

Le premier point à traiter est la trésorerie à très court terme. Ce qui souvent ne résout pas le sujet – il s’agit plutôt d’une conséquence des difficultés – mais constitue la condition sine qua non de la survie. Il faut gagner du temps, repousser la pression financière des créanciers pour mettre en œuvre les « vraies » solutions de redressement.

Après ces mesures d’urgences, quelles sont celles qui vont préparer l’avenir ?

Il faut rapidement identifier et surtout activer les leviers du retournement qui doivent permettre de retrouver la profitabilité : recentrage sur certaines activités profitables, redynamisation commerciale, cession d’actifs non stratégiques ou d’activités déficitaires, optimisation des coûts, ajustement de l’organisation, reprise en main des processus clés (tel que le recouvrement de créances au travers du cash marathon)….

Les problèmes tiennent donc bien souvent à un mauvais aperçu de la situation de l’entreprise par son dirigeant ?

L’information est souvent tronquée parce que la fonction financière est parfois défaillante voire inexistante : le DAF de PME est une perle rare difficile à trouver, car il doit maîtriser la « technique » comptable et fiscale, avoir une sensibilité contrôle de gestion, gérer et anticiper à la perfection le cash, être à l’aise avec l’ERP, être capable de traiter une crise… Au-delà de l’analyse, c’est surtout la mise en œuvre des mesures qui pèche.

Doit-on souvent passer par la case restructuration lourde que tout le monde redoute ?

Dans les dossiers que nous voyons rebondir, les fondamentaux de la société sont généralement bons, notamment le positionnement sur le marché. Il s’agit souvent de difficultés ponctuelles. Dans ce cas les premiers réflexes du retournement peuvent être bénéfiques et pallier la déstabilisation financière. Au contraire si l’entreprise fait face à des pertes significatives, elle nécessite généralement une opération de restructuration plus lourde, avec une redéfinition des axes stratégiques, des fermetures de site, des licenciements dont les coûts sont souvent difficiles à supporter en dehors d’une procédure collective…

Il existe donc une feuille de route standard à suivre pour une reprise en main ?

Pas vraiment, non. Car il reste le point le plus délicat, l’humain. L’entreprise peut formuler le bon diagnostic, prendre les mesures adéquates, avoir les bons fondamentaux, et pourtant ne pas renaître de ses cendres si le management est usé.

Le mental des dirigeants est-il si crucial ?

Les dirigeants de PME, qui supervisent généralement directement la direction commerciale ou la direction technique de leur entreprise, sont souvent seuls à la manœuvre pour prendre les décisions stratégiques. Leur psychologie est donc décisive, particulièrement en période de crise. Chaque situation est unique, mais on retrouve des modèles de comportements tels que le déni ou la suractivité – la prise de décision à outrance n’étant pas toujours la bienvenue. Il arrive par exemple que le dirigeant communique trop ou mal avec l’extérieur. Dans un rebond il est essentiel de prendre du recul pour manager les équipes différemment. Si l’entreprise va dans le mur, il y a forcément une raison initiale. La remise en cause s’impose, avec un plan de bataille à édicter, un temps à raccourcir, de nouveaux indicateurs de gestion à mettre en place. Bref ce sont de nouveaux réflexes à adopter. Or tout le monde n’a pas l’esprit préparé à ce genre d’aggiornamento.

Pouvez-vous influencer ce domaine ?

Par habitude, nous formulons vite un diagnostic, et réagissons donc rapidement. Soit le dirigeant accroche, soit il ne se fait pas à la nouvelle donne ou n’a pas l’énergie pour se transformer. Mais dans tous les cas nous n’avons pas vocation à rester. Nous intervenons de un à six mois sur les problématiques de trésorerie, la gestion, la négociation – bref la partie ingrate –, et laissons le chef d’entreprise s’occuper exclusivement du business. Il doit être en capacité de muter, d’évoluer dans cette zone qui peut être inconfortable, et souvent d’être accompagné.

Les nombreuses faillites post-crise et la littérature croissante sur le sujet ne préparent-elles pas plus les gens à ces déconvenues ?

Pas forcément. Les chefs d’entreprise ne s’y préparent pas, il serait anxiogène d’anticiper de tels désagréments pour des dirigeants qui doivent rester optimistes pour créer, développer et manager leurs équipes. On voit revenir certains dossiers traités au moment de la crise, quand la mise en place de procédure amiables ou collectives a permis de gagner du temps… Mais les entreprises qui n’ont pas su ou pu redéfinir leur modèle économique, reprendre en main le pilotage de la performance, sont inévitablement retombées dans leurs travers. La situation financière est bien souvent la partie émergée de l’iceberg, la conséquence d’un dysfonctionnement plus profond dans le management ou le positionnement stratégique.

Quelle est globalement la santé des PME que vous observez aujourd’hui ?

Comme toujours on constate 63000 défaillances d’entreprises à l’année, mais ce chiffre n’est pas révélateur du climat social. Il faudrait distinguer les PME et ETI des structures unipersonnelles (qui représentent l’essentiel du volume). Je perçois toutefois quelques signaux positifs : les entreprises respectent plus leurs budgets prévisionnels. Mais elles ne sont pas plus structurées en termes de pilotage.

Julien Tarby

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