Michael Oualid et son « free car project »

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Son idée de voiture gratuite a défrayé la chronique il y a deux ans, puis plus rien… La France n’est-elle pas prête à adopter le véhicule et l’écosystème proposé par Michael Oualid ? Ce Géo Trouvetou tente maintenant sa chance aux Etats-Unis…

Le design est déroutant, mais au moins l’idée de gratuité est bien présente…
Le design est déroutant, mais au moins l’idée de gratuité est bien présente…

A 46 ans ce designer-chercheur a les lunettes de soleil et le tutoiement facile, preuve qu’il commence à s’intégrer dans sa patrie américaine d’adoption. Après 20 ans passés dans l’automobile, de Peugeot à Volkswagen en passant par le conseil, Michael Oualid vit dorénavant à Détroit où il participe à l’aventure de voitures de luxe construites à la main, s’occupant de leur homologation. Mais le frère de Patrick Oualid – l’un des fondateurs de Pixmania –, garde à l’esprit son projet phare : le Free Car Project (FCP). « Ce n’est pas une question d’argent, mais plutôt une sorte de croisade parce que je suis mal à l’aise avec cette industrie automobile en manque de rentabilité, d’écologie, de proximité avec les clients. » L’idée ne s’est pourtant pas concrétisée en France, malgré une certaine notoriété. Si EcoRéseau en reparle aujourd’hui, c’est parce que le secteur, aux prises avec une crise structurelle, l’adoptera dans le futur, sous une forme ou une autre.

Steve Jobs de l’automobile ?

Aujourd’hui une voiture ne coûte à la fabrication que 5% du chiffre d’affaires qu’elle génère par ailleurs. L’idée est donc de faire financer la fabrication par les enseignes concernées. FCP repose sur une automobile simple et solide, pas juste utilitaire, mais élégante et simple, open source, d’une durée de vie de 15 ans en moyenne, dont le coût s’élève seulement à 5000 euros. L’autre rupture majeure vient du fait que la voiture est donnée au consommateur, puis remboursée au fur et à mesure des achats qu’il effectue grâce à elle. Les marchands partenaires qui profitent de la mobilité de leurs consommateurs remboursent quelques centimes à chaque paiement. Le lecteur de carte bancaire intégré au tableau de bord permet de valider le déplacement du conducteur jusqu’au magasin, puis l’utilisation à la caisse de la CB valide l’achat. Les marchands peuvent promouvoir le système sous forme de micro-commissions sur le surcroît de CA effectif apporté par la voiture gratuite. Un danger pour la voiture payante ? « Non, un nouveau segment complémentaire, permettant d’équiper des populations qui n’achetaient pas de voiture », explique celui qui a dessiné son modèle dans l’esprit d’un smartphone, simple et vide, prêt à recevoir des applications, des personnalisations. « L’industrie automobile est déconnectée de la vraie vie et recherche toujours plus de poids et de puissance. Il faut tout repenser », ponctue l’entrepreneur visionnaire.

Levée de boucliers

La stratégie du début, consistant à garder FCP secret et à trouver un partenaire sérieux, n’était clairement pas la bonne. Le diplômé de l’Ecole supérieure de l’aéronautique et de la construction automobile (Estaca) a donc fini par rendre publiques ses idées, afin de rassurer les acteurs, ce qui lui a permis d’ouvrir des portes. Entre 2008 et 2012, celui qui avait par le passé monté à Paris un centre de réflexion pour Volkswagen afin d’imaginer « la voiture autrement » a rencontré des patrons automobiles, des partenaires potentiels comme Google Auchan, BNP, Matmut…, des milliardaires suisses ou des politiciens stambouliotes. Mais rien n’y a fait, FCP était trop riche et transversal, « reposant sur l’interconnection de différents corps de métiers – l’industrie, la banque, l’assurance, la grande distribution, l’entertainment, le luxe, le e-commerce – ce qui en a fait le plus grand frein intellectuel à l’engagement d’un de ces acteurs », analyse l’entrepreneur. Celui-ci n’a pas pu non plus se développer sur le mode start-up, à Paris ou dans la Silicon Valley. « Les investisseurs aiment bien les idées simples et courtes qui se racontent dans un ascenseur. Cela peut se comprendre, mais ce n’est pas dans un ascenseur qu’on peut influer sérieusement sur l’écologie, l’économie, la politique ou l’industrie », décrit celui qui se dit « bluffé par l’énergie des gens à Détroit ».

Et c’est pas fini…

Mais n’en déplaise aux pessimistes et conservateurs de tous bords, cette idée est dans l’air du temps. Michael Oualid, qui a déposé les projets et a depuis lors enchaîné les conférences, sait que son raisonnement est déjà en vogue dans d’autres secteurs. « Je me souviens des études sur Nokia, qui offrait un mobile à 150 euros, pour que les gens dépensent 500 euros par an pendant trois ans. Au final le coût d’acquisition client s’élevait à 10% de ce qu’il rapportait. » Cette idée de l’appareil comme cheval de Troie, et d’une rentabilité assurée par les services générés, paraît résoudre beaucoup de problématiques. Ce principe de la nouvelle économie est d’ailleurs suivi à la lettre par Google: « Celui qui paye est celui qui gagne de l’argent avec », sinon la solution est gratuite et bien pratique pour la communauté constituée. Concrètement tout le monde aurait à y gagner. Les utilisateurs verraient leur pouvoir d’achat augmenter du fait de la gratuité et des offres des assureurs « pay as you drive » grâce à l’interface numérique. La planète profiterait d’une voiture qui est simple à produire – alors qu’actuellement le suréquipement des voitures saute aux yeux –, non polluante, facile à recycler, et sûrement plus longue à posséder, car tout le monde aurait intérêt à ce que l’utilisateur conserve ce véhicule le plus longtemps possible. Pour les constructeurs, non seulement le gain serait de 1000 euros annuels en moyenne sur 15 ans, mais en plus ils adapteraient leur offre aux tranches de population de faible pouvoir d’achat, le « bottom of the pyramid ». Or selon une étude A.T. Kearney, dans le monde 16 millions de personnes dépourvues de voiture auront en 2016 les moyens d’en acquérir une pour moins de 3500 dollars. Un segment que les constructeurs ne pourront couvrir en augmentant la puissance, comme ils le font actuellement. Il leur faudra sûrement changer d’orientation. Et Michael Oualid, avec ses lunettes de soleil et son tutoiement américain, ne sera sûrement pas loin…

Article réalisé par Matthieu Camozzi

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