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De Spartoo à Evioo, parcours atypique d’un senior entrepreneur. «L’entrepreneuriat est un sacerdoce. Avant, pendant 30 ans, j’ai eu l’opportunité de réaliser un parcours à 360°. Mais j’étais dans une prison dorée. Surtout, j’étais bien au chaud à la direction générale de Go Sport*. Je voulais porter un projet avec mes tripes et me suis ouvert une fenêtre de deux ans. Dans ce laps de temps, j’ai rencontré mes futurs jeunes associés ce qui a abouti à la création de Spartoo », introduit Philippe Wargnier pour ses débuts dans l’entrepreneuriat. Chez Spartoo spécialisée dans la vente en ligne de chaussures, le choc des générations ne se réalise pas. A croire qu’il est possible que la génération Y et celle d’avant collaborent… Tels sont les débuts de Philippe Wargnier, 57 ans aujourd’hui, père de 5 enfants, également initiateur de Cowork, d’Evioo et président de la FEE, fédération des entrepreneurs engagés.
La start-up, plutôt, son parachute doré ?
« Mon apport d’expérience chez Spartoo s’est concrétisé par l’établissement de partenariat forts comme celui de faire venir le numéro de la chaussure dans l’actionnariat ou celui de crédibiliser le projet auprès des investisseurs », explique Philippe Wargnier. Un différent stratégique fait cependant partir le fondateur d’Evioo de Spartoo. « J’avais surtout moins envie que mes associés d’être dans l’opérationnel. Défricher oui, se lancer oui mais je ne voulais pas rester dans l’opérationnel. Chez Evioo, j’ai recruté une directrice sur l’opérationnel pour me concentrer sur la stratégie et sur l’approche des partenariats ». Là est peut être le choc générationnel. Surtout, Spartoo n’aura jamais été le « bébé » conçu et choyé par Philippe Wargnier. Le choix de l’optique se réalise après une longue réflexion que seul un senior pouvait avoir : « J’avais une bonne connaissance du retail, du web marketing. Ce fut passionnant avec Spartoo mais le web coûte très cher. Je cherchais un concept avec de bons paniers moyens et un bon niveau de marge. Les produit de santé permettent d’avoir cette logique drive to store de qualité », ajoute-t-il.
Evioo et sa seconde vie de startupper
« La digitalisation des magasins, c’est à la mode. On en parle beaucoup mais concrètement, on ne le fait pas ou cela n’existe pas. On se contente d’une borne et d’une tablette et on dit que son espace est digitalisé. Je voulais créer un concept drive to store qui implique de nouvelles technologies et une nouvelle expérience pour le client », explique Philippe Wargnier. C’est aujourd’hui le cas avec le concept Evioo qui ouvre la voie aux magasins de demain en matière d’optique.
Le début du projet remonte à décembre 2013. « Je voulais créer un nouveau concept de boutique d’optique. J’avais créé un réseau d’opticiens partenaires et un concept cross canal en 2010. L’activité n’a jamais décollé. Nous avons ainsi opéré un pivot : nous avons voulu associer notre savoir-faire web à un concept de boutique, véritable concentré de technologies. Nous avons presque mis deux ans pour mettre en place le premier point de vente basé à Valence », résume le dirigeant d’Evioo.
La réalité augmentée, ça fonctionne dans le retail !
Concrètement, un grand écran de 42 pouces est utilisé pour la reconnaissance faciale, la morphologie et les mesures nécessaires pour l’achat d’une paire de lunettes puis un questionnaire stylistique, grâce à un moteur d’intelligence artificielle, se charge de vous suggérer les meilleurs choix de lunettes possibles.
En parallèle, les avantages de la boutique sont nombreux : peu d’espaces – concept qui tient entre 5 m2 et 20 m2, pas de stock physique – et donc charges faibles – avec la même qualité de service et de conseil qu’une boutique traditionnelle. La faiblesse d’espace utilisé permet à la marque Evioo de s’implanter de différentes façons. En kiosque dans les centres commerciaux. Et surtout en corner dans les pharmacies. « Nous accompagnons les pharmaciens dans la volonté de s’affirmer comme des professionnels de santé de proximité en leur donnant clé en main, un nouveau métier, celui de l’optique », note Philippe Wargnier.
Un concept qui paraît audacieux à l’heure où les cabines d’essayage de réalité augmentée n’ont pas encore transformé l’essai dans l’univers du textile et du prêt-à-porter. « L’essayage via réalité augmentée se concrétise dans un cas sur deux par un acte d’achat. Un essayage classique peut être proposé aux plus frileux. Mais les mentalités progressent et notre concept est opérationnel. Chez Spartoo, le doute était également de mise. Les gens se méfiaient également du projet. Car ce n’était pas encore rentré dans les mœurs d’acheter une paire de chaussures sur Internet. Aujourd’hui, ce n’est plus un problème. J’ai juste hâte qu’il se passe la même chose pour la réalité augmentée », s’enthousiasme le jeune startupper de 57 ans. L’originalité du concept a été d’agglomérer les technos existantes pour vendre de l’optique.
Vendre des gogles sans Google
« Je pense que le modèle des pure players n’ a pas d’avenir car il ne repose que sur Google. En tant que retailer, je n’enrichis plus Google au détriment de ma rentabilité. La logique est différente », complète le fondateur d’Evioo. Aujourd’hui, outre le siège d’Evioo qui regroupe une dizaine d’employés, sept points « phygitaux » -contraction de physique et digital – ont vu le jour avec le principe de commission-affiliation. Les projets d’avenir sont nombreux : « il est encore très tôt mais nous réfléchissons également aux connexions possibles avec les métiers de l’audio », poursuit l’entrepreneur. La master-franchise est également dans les tuyaux. Au global, une centaine d’implantations et l’ouverture d’Evioo dans 3 à 5 pays sont visées dans les 5 prochaines années. Concrètement, un investissement en kiosque revient à environ 80 000 euros, 50 000 euros lorsqu’il s’agit d’une implantation en pharmacie. Presque 10 fois moins cher qu’une boutique d’optique actuellement. Ces coûts comprennent le concept clé en main avec la formation, les frais de set-up, les équipements informatiques et les appareils. « L’avenir appartient aux retailers. Comme l’attestent les succès de la FNAC ou de Décathlon, sans oublier que Décathlon avait fermé son site Internet en 2005. Les modes de distribution évoluent », note le dirigeant d’Evioo.
Un engagement pour les start-up grenobloises
L’entrepreneur fervent défenseur de la cause entrepreneuriale agit également au sein de sa région de cœur : Grenoble et ses environs. Ce faisant, il a également cofondé Cowork et a lancé la Fédération des entrepreneurs engagés (FEE) qui a pour objectif d’accompagner des entrepreneurs et de favoriser le partage d’expériences entre entrepreneurs sur Grenoble. A croire que l’énergie et les idées ne sont pas les seuls apanages de la jeunesse entrepreneuriale.
Philippe Wargnier en quelques dates :
Maîtrise d’Economie Appliquée et DEA d’économie à Paris Dauphine
Parcours :
1991 – 94 : Directeur Marketing de Cadbury France
1997 – 99 : Directeur général adjoint du groupement Intermarché
1999-2001 : Directeur commercial et marketing de Virgin France
2001-2006 : Directeur général adjoint puis Directeur général de Go Sport
2006-2009 : Président de Spartoo.com
2010 – : Fondateur et P-dg d’Evioo
Geoffroy Framery