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Avec son appellation austère, l’expert-comptable a longtemps évoqué des bilans peu attractifs. Erreur : voilà longtemps que cet expert de l’entreprise, homme et femme de confiance, s’apparente davantage à un coach conseiller aux compétences multiples. Fort des nouveaux outils numériques et de sa capacité à rester proche du client, l’expert-comptable est plus que jamais le partenaire majeur de l’entreprise.
Contrairement aux apparences, le métier d’expert-comptable n’est pas un long fleuve tranquille, bordé de tableaux Excel, de liasses fiscales et de rendez-vous réguliers avec les clients. Cette profession qui se portait comme un charme dans les années 1970 a subi de plein fouet dès le début des années 2000 l’arrivée d’Internet, comme l’explique Fabrice Heuvrard, expert-comptable à Asnières-sur-Seine et l’un des trois rapporteurs du 74e Congrès de l’Ordre des experts-comptables organisé au Palais des congrès de Paris du 25 au 27 septembre, L’expert-comptable au cœur des flux. « Naguère, les cabinets d’expertise-comptable pouvaient se permettre de pratiquer des prix élevés. À partir des années 2003-2005, la donne a changé avec l’apparition de Google. Les clients ont pu comparer en quelques clics les honoraires, phénomène qui a tiré les prix à la baisse. Sauf que dans le même temps, les salaires ont progressé afin de rémunérer des professionnels de mieux en mieux formés et répondre à des sollicitations toujours plus complexes. » Aujourd’hui, le secteur enregistre environ mille nouveaux diplômés par an et peine à recruter. « Bien sûr, l’expert-comptable est plus que jamais au cœur des flux, mais la ressource humaine constitue selon moi un enjeu majeur pour la profession. » Si l’on en croit ce jeune professionnel, et contrairement à certaines prédictions, le vrai souci du métier reste bien la recherche de collaborateurs. « L’intelligence artificielle est loin de remplacer l’humain. L’expert-comptable doit comprendre les besoins du dirigeant, sa psychologie, le rassurer. De plus, nous sommes les seuls à connaître tout le fonctionnement de l’entreprise, ses achats, ses ventes, les salaires, etc. »
Un dirigeant maîtrise mal sa trésorerie
L’Ordre des experts-comptables en ordre de bataille s’intéresse notamment à une meilleure utilisation de la donnée avec l’objectif d’obtenir une comptabilité en temps réel. « L’enjeu est de taille tant les flux de données semblent désormais intarissables. Actuellement, nous nous appuyons sur les données comptables et sociales. Mais demain, nous pourrons également travailler les données issues de CRM, des réseaux sociaux ou encore de sites Internet. En connectant tous les flux du client, nous pourrons analyser d’une manière pertinente, par exemple, sa clientèle. Mieux, l’expert-comptable sera capable de livrer sa prédiction et pas seulement de l’analyse », explique Sanaa Moussaid, expert-comptable, vice-présidente du conseil supérieur de l’ordre, présidente du secteur Stratégie numérique et rapporteuse du 74e Congrès de l’Ordre [lire sa chronique ici].
Confiante, Sanaa Moussaid : « Les clients sont fidèles, mais ils désirent encore plus d’accompagnement pour gérer leur entreprise. Le numérique va nous donner les moyens de les conseiller sur la stratégie, les multiples sources de financement, le pricing de leurs produits ou services, la gestion des flux de trésorerie. La raison principale d’une faillite d’une société reste la mauvaise connaissance par le dirigeant de sa trésorerie. Libérés de tâches chronophages, nous pourrons accompagner nos clients pour mieux appréhender les facteurs d’impact sur leur trésorerie. »
Les petits cabinets ne disparaissent pas
Au-delà, les experts-comptables entendent jouer un rôle dans l’effort sociétal et environnemental engagé par les entreprises. « Nous traitons actuellement les données en valeur, c’est-à-dire en euros. Mais demain, nous allons également intégrer la consommation électrique et enrichir ainsi notre analyse prédictive », complète Fabrice Heuvrard.
Le futur du métier passe par le traitement de toujours plus d’informations dans le but de servir au mieux les dirigeants sans sacrifier le capital humain sur l’autel de la technologie. Fabrice Heuvrard : « C’est la multiplication des talents susceptibles d’apporter un conseil pertinent qui fait la valeur d’un cabinet. On a sans doute tort de craindre la disparition des petits cabinets au profit des grosses structures. Ceux qui sauront se monter proches du client sont à mon avis promis au contraire à un bel avenir alors que le service sur-mesure rendu possible par le numérique tend à devenir la norme. »
Pierre-Jean Lepagnot