Le conseil en free-lance met-il en péril les grandes entreprises de conseil ?

Par Jie Su et Fatima Ezzahra Lahyane, étudiantes Audencia Grande École.

Temps de lecture estimé : 3 minutes

En cette période d’incertitude politique et économique, tandis que de nombreuses entreprises voient leur part de marché menacée par la « gig economy », soit l’économie à la tâche (Airbnb, Kapten, etc.), le modèle d’entreprise des sociétés de conseil en gestion est plus stable et plus prospère que jamais. Le conseil en free-lance pourrait-il venir bouleverser leur position établie de longue date ?

Le conseil en gestion tel que nous le connaissons…
Le conseil, tel que la plupart des gens « l’imaginent », consiste depuis toujours à envoyer de jeunes consultants brillants dans des entreprises pour une période déterminée afin qu’ils recommandent des solutions toutes faites, moyennant des honoraires élevés. Simple comme bonjour, n’est-ce pas ?

Ce n’est désormais plus le cas ! Comme pour toutes les entreprises du XXe siècle, le modèle archétypal développé par les grandes sociétés de conseil est en proie à de profondes transformations. Comme nous le savons, le conseil est avant tout une industrie centrée sur le client, et les changements que rencontrent aujourd’hui les clients dans tous les domaines obligent les sociétés de conseil à adapter continuellement leurs services, leurs méthodes et leurs stratégies pour survivre.

Les clients sont à la recherche d’une plus grande flexibilité, de coûts réduits et de services plus personnalisés.

L’ère des grandes sociétés de conseil touche-t-elle à sa fin ?
Conséquence de la récession, de plus en plus de consultants indépendants sont entrés sur le marché. Le travail en free-lance offre à la fois plus de flexibilité et de liberté aux consultants, et un service plus personnalisé à moindre coût aux clients. Plusieurs études prédisent que d’ici à dix ans, jusqu’à un tiers de la main-d’œuvre sera constitué de free-lances. La question qui se pose est donc celle-ci : pourquoi de plus en plus de consultants se tournent-ils vers la gig economy ?

« Je me demande pourquoi je ne l’ai pas fait plus tôt », a répondu Thomas (qui a travaillé pendant 6 ans comme consultant pour BCG et qui s’est lancé dans une carrière de consultant indépendant en janvier) lorsque nous lui avons demandé ce qui l’avait le plus surpris dans le domaine du conseil en free-lance. On ne peut pas parler de conseil sans évoquer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ainsi, 76 % des personnes interrogées dans le cadre du sondage B2E ont cité « une plus grande flexibilité » comme l’une des principales raisons pour lesquelles elles avaient opté pour le conseil en free-lance. Thomas ne peut qu’approuver. Selon lui, pouvoir contrôler son agenda et l’adapter à son rythme n’a pas de prix.

En outre, la question financière n’est pas non plus un problème. Comme nous l’a dit notre interlocuteur, « les sociétés de conseil prennent 80 % de ce qu’elles facturent. Pour ma part, je demande 3 ou 4 fois moins et je prends 80 % ». Ainsi, il parvient à gagner en 9 mois ce qu’il serait parvenu à gagner en plus d’un an chez BCG.

De toute évidence, les consultants indépendants ont initialement représenté une faible menace pour les leaders du marché. La principale question qui demeure se formule ainsi : comment trouver des clients et concurrencer les sociétés bien établies ? Réponse : par le réseautage. Clara, consultante indépendante et ancienne consultante junior, a été très surprise de constater à quel point tout dépend de son réseau. Elle s’attendait à devoir attendre quelques mois avant de trouver son premier client, mais après un message posté sur LinkedIn dans lequel elle annonçait sa nouvelle carrière en indépendante, elle a reçu trois demandes exprimant de l’intérêt pour son profil en seulement 2 semaines.

Le monde du conseil en free-lance n’est pas seulement un long fleuve tranquille
Malgré toute la liberté et le prestige qu’offre le statut de consultant indépendant, de nombreux aspects viennent briser quelque peu le rêve. Travailler seul, c’est aussi passer à côté de la culture et du travail en équipe qui vont de pair avec le conseil permanent. De plus, de nombreux consultants indépendants risquent de se retrouver perdus, surtout au début de leur parcours, sans mentor ni manager pour les former et les guider dans leur stratégie, et sans les outils dont ils disposeraient à loisir au sein d’une entreprise.

D’autre part, le plus grand défi évoqué par les deux personnes interrogées est de faire face aux incertitudes et aux risques qui en découlent. La morale de l’histoire, aussi simple que cela puisse paraître, est que le conseil en free-lance n’est pas à prendre à la légère. Il faut une aversion considérable pour le risque, de l’autodiscipline et une grande tolérance à l’égard de l’incertitude.

[Rebondissement] Les sociétés de conseil en gestion sont le principal catalyseur de la réussite des futurs free-lances
Si beaucoup affirment qu’il n’y a pas ou peu d’obstacles à l’entrée sur ce marché, la valeur des grandes sociétés de conseil (du moins pour les consultants) est encore pratiquement irremplaçable. Comme l’explique Thomas, « les sociétés de conseil sont d’excellentes écoles». C’est BCG et son image de marque qui lui ont permis de s’épanouir plus tard en tant qu’indépendant, et il ne voit aucune autre alternative facile.

L’autre raison majeure pour laquelle les grandes sociétés de conseil ne représentent pas vraiment l’ennemi du conseil en free-lance est qu’elles répondent à des objectifs différents des clients. Si les free-lances conviennent parfaitement aux jeunes entreprises, car ils apportent un point de vue unique fondé sur leur expérience. Les grandes sociétés de conseil sont quant à elles plus adaptées aux missions de longue durée ou de grande envergure qui nécessitent d’importantes ressources humaines.

Le conseil en free-lance n’est pas l’avenir, mais « une grande partie de l’avenir »
Cela étant dit, les sociétés indépendantes ne remplaceront jamais totalement les grandes sociétés de conseil, mais une révolution va certainement bouleverser le monde du conseil en gestion, établi de longue date, en poussant ces sociétés à s’adapter et à changer leurs façons de travailler afin de coexister avec le nombre croissant de consultants indépendants.

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