Temps de lecture estimé : 2 minutes
Je vous emmène à la rencontre de René Azoulai, ancien ingénieur aéronautique de 59 ans, reconverti aujourd’hui en CEO de Peptinov, une start-up spécialisée en biotech.
Fondée il y a 10 ans par Jean-François Zagury, normalien, médecin et biologiste informaticien, à la tête d’un laboratoire de génomique du Cnam, l’entreprise parisienne, incubée au cœur de l’hôpital Cochin, développe un vaccin censé pouvoir à terme, réduire, voire annuler les effets de la douleur. Comment fonctionne-t-il concrètement ?
Quand c’est trop. C’est trop.
À première lecture, on pourrait se dire que le mécanisme est bien connu de tous : une injection de drogue et c’est réglé. On endort la douleur, jusqu’à la prochaine dose. Mais on le sait, la substance produit des effets secondaires indésirables et ç’en est trop pour les patients. Et puis, disons-le, rien à voir avec un vaccin, sinon la ressemblance avec la seringue.
Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, on va plutôt rechercher ce qui induit la douleur : l’inflammation. Plus précisément, la protéine en excès qui cause l’inflammation chez la personne par le dérèglement de son organisme.
« Le corps est son meilleur médecin. »
C’est bien l’idée ici, me confie René, « On va demander au corps de fabriquer des anticorps pour réguler par lui-même l’excès de ses propres protéines responsables de l’inflammation. Dans notre jargon, on appelle ça le vaccin contre le soi. C’est là l’originalité du traitement, car, de manière générale, on demande au corps de produire des anticorps pour combattre un pathogène extérieur. »
Injection, réaction
Le principe, ici décrit par le CEO dont on sent la passion et la maîtrise du sujet, quand bien son CV n’afficherait aucun cursus en biologie, est celui de l’immunothérapie active. Elle est, dans son fonctionnement, en contradiction avec l’immunothérapie passive dont le principe est d’injecter des anticorps issus de souches animales modifiées, impliquant parfois des formes d’incompatibilité et des rejets par l’organisme. « Il y a tout d’abord le coût. Produire des anticorps depuis des souches animales coûte cher et, avec le temps, des formes d’intolérance risquent de se créer. Le corps pourrait produire des anticorps contre les anticorps injectés et induire le rejet du traitement », explique l’ancien ingénieur IT en aéronautique.
Alors que dans le cas de l’immunothérapie active proposée par la start-up française, on va chercher à injecter un agent extérieur qui ressemble à la protéine capable de causer l’inflammation lorsqu’elle est en excès, en vue d’encourager le corps à produire une réaction par lui-même : la création d’anticorps ciblés contre cette protéine… D’où la notion de vaccin.
Deux ou trois fois par an
Le traitement serait très supportable par les patients, si on en croit la « prescription » qui sonne comme une promesse faite par l’entreprise. Seulement deux ou trois injections par an seraient nécessaires, contre deux ou trois par mois dans le cas d’un traitement par immunothérapie passive.
Un traitement, haut gradé
Dernier frein de l’immunothérapie passive, la réduction de la douleur liée à l’inflammation dépend de la puissance du traitement. L’immunothérapie active, plus douce et ciblée, répond aux maladies dites de bas grade qui ont un faible niveau de nuisance, sur lequel on peut encore agir en vue de prévenir les symptômes de la douleur et offrir du confort au patient.
Étude clinique de phase 1 en cours
Après avoir brillamment passé les tests sur l’animal (souris, lapins et singes) chez qui on a constaté 100 % de résultats positifs sans effet secondaire, l’entreprise a commencé son étude clinique chez l’homme à travers une phase 1, portant sur 24 patients séparés en deux groupes pour mesurer les réactions au traitement à mi-chemin. L’inflammation ciblée, c’est celle causée par l’arthrose du genou.
La phase 2, c’est pour 2022
« Si ça marche, on passe en phase 2 », se réjouit très prudemment le CEO dont on sent l’incarnation d’une force tranquille. Il me montre une assurance relative, plutôt réconfortante à constater, sur un sujet aussi sensible à une époque où la mouvance anti-vaccin est forte et les inquiétudes sont grandes. « En réalité, ce seront plusieurs phases 2 », ajoute-t-il. « Trois plus précisément, basée sur une seule phase 1, sur des inflammations de différentes natures. La première portera sur l’objet de la phase 1, l’arthrose du genou. La deuxième, sur les douleurs postopératoires. Enfin la troisième sur des maladies rares, arthrites, uvéites et vascularites. »
Et moi alors ?
Si on prête de nombreux espoirs à ce vaccin « miracle », on ne peut qu’être impatients de voir sa sortie dévoilée au grand public qui n’est pas prévue pour tout de suite. Le seul moyen d’en bénéficier serait de participer aux études cliniques, si on aime faire avancer la science.
À cette fin, c’est de l’hôpital Cochin dont il faudrait se rapprocher, même si René Azoulai rappelle que l’entreprise Peptinov ne peut en aucun cas recruter des candidat·es aux études, objet d’un parcours médical strict.