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L’énergéticien français envisage de déplacer sa cotation principale à New York. Une menace pour la crédibilité française.
Tenants et aboutissants d’une idée qui fait son chemin… Et qui sera sans doute débattue en septembre prochain, lors d’un conseil d’administration.
Ce serait une très mauvaise nouvelle. Un camouflet pour le CAC. Mais nous n’en sommes heureusement pas encore là. Il n’empêche : TotalEnergies, géant français, réfléchit sérieusement à installer sa cotation principale à New York. Patrick Pouyanné, PDG de l’énergéticien, le confiait à Bloomberg la semaine passée, justifiant cette possibilité « au nom du business et non de l’émotion ». Simple ballon d’essai ? La suite de l’exposé est pourtant limpide : « Nous faisons face à une situation dans laquelle les actionnaires européens sont vendeurs ou se maintiennent, quand les actionnaires américains sont acheteurs. Alors, qu’est-ce qui serait le plus pratique pour des actionnaires américains ? Préfèrent-ils des actions dont la cotation principale est à New York ou en Europe ? Je crois que quand vous posez la question, vous avez la réponse ». Le schéma privilégié est donc la traversée de l’Atlantique.
Bruno Le Maire dit qu’il « se battra »
Bruno Le Maire réagit face au risque. Sur RMC, jeudi 2 mai, le ministre sonne l’alerte : « Est-ce que l’intérêt suprême de la nation est de garder le siège social de Total en France et la cotation principale de Total en France ? Oui. Et donc, je me battrai pour ça, parce que c’est l’intérêt supérieur des Français (…) Nous avons besoin de Total ».
Deux éléments principaux peuvent expliquer cette décision. Le premier tient à l’ambiance générale. TotalEnergies est régulièrement pointé du doigt par une partie de l’opinion française, surtout à gauche et chez les écologistes. Certains en font l’exemple archétypal des fameuses « multinationales » dont il faudrait prélever les « superprofits ». Un climat délétère que l’entreprise voudrait fuir ?
Pouyanné s’en plaint d’ailleurs, dans cet entretien aux airs de pavé dans la marre : « En Europe, au lieu de soutenir les entreprises européennes qui veulent faire cette transition, même si c’est difficile, ils nous regardent et nous disent : regardez, vous continuez à produire du pétrole et du gaz ».
Un décrochage de l’actionnariat européen
Plus sûrement encore, et comme l’indiquait plus haut Patrick Pouyanné, la difficulté du groupe réside désormais dans la capacité à trouver des investisseurs. Pas moins de 47 % des actionnaires de TotalEnergies sont américains et ce pourcentage tend à s’accroître au fil des ans. En effet, c’était seulement 33 % en 2012. Pourquoi cette dichotomie aux airs de décrochage ? François Lenglet de TF1-LCI tente de l’expliquer : « Les Français et les Européens ne veulent plus acheter d’actions de sociétés pétrolières, à cause des critiques écologistes. Une pudeur que n’ont pas les investisseurs outre-Atlantique ». Ainsi, le groupe chercherait à se rapprocher de son « cœur de cible » en intégrant le S&P 500 à Wall Street.
Le 29 avril dernier, Patrick Pouyanné a eu l’occasion d’en dire davantage devant les sénateurs, au sein d’une commission d’enquête menée par l’écologiste Yannick Jadot. « D’abord, ce n’est pas décidé, on l’étudie », a tempéré le grand patron devant les élus de la Chambre haute… Celui-ci sait ménager le chaud et le froid : « On regarde la réalité de notre marché et on se rend compte que les entreprises énergétiques européennes sont très décotées par rapport aux entreprises américaines ». Finalement, après la bousculade, Pouyanné rassure un peu : « On n’a pas parlé de bouger le siège social de l’entreprise ». Même dans l’éventualité d’une cotation principale à New York, le groupe conserverait une cotation secondaire à Paris.
Ce n’est pas pour demain la veille
Quoi qu’il en soit, ce transfert préjudiciable à l’économie française – s’il devait se confirmer – prendrait du temps. En effet, plusieurs conditions sont à remplir pour intégrer le S&P 500 à Wall Street. Si du côté de la capitalisation, le géant français n’a aucun souci à se faire (il dispose de 170 milliards de dollars là où seulement 18 sont exigés), la question du siège social s’avère plus épineuse… Théoriquement, le S&P 500 fixe comme condition une domiciliation aux États-Unis d’Amérique, ce que TotalEnergies se refuse d’envisager. Mais le groupe pétrolier pourrait jouer avec les mots, en ouvrant là-bas un « siège opérationnel » qui pourrait éventuellement satisfaire aux critères. Patrick Pouyanné envisage de soumettre sa proposition à débat lors du prochain conseil d’administration du groupe, en septembre. Nul doute que la rentrée économique y accordera une grande importance.