Le verdissement des data centers

Créer son propre climat dans les antres du nuage…
Créer son propre climat dans les antres du nuage…

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Chauffe qui peut

Nouvelles organisations et technologies aident les centres de données, usines numériques du XXIème siècle, à alléger leurs factures et diminuer la consommation d’énergie.

De véritables ogres électriques, les data centers ? L’image peut sembler excessive mais n’est pourtant pas si éloignée de la réalité. Alors que la consommation mondiale de data numériques explose, le nombre de centres de données croît lui aussi de manière exponentielle. Selon le site Datacentermap, on en compte aujourd’hui plus de 4000 dans le monde, dont près de 150 en France. Or la consommation énergétique de ces usines du numérique interroge. Pointés du doigt pour leur impact environnemental négatif, les data centers sont extrêmement gourmands en énergie et voient leur consommation d’électricité augmenter de près de 5% chaque année. Celle-ci, qui sert essentiellement à faire fonctionner et refroidir les serveurs, est aujourd’hui leur principal poste de dépense. Malgré les coûts raisonnables de l’énergie en France, cette surconsommation impacte les comptes des exploitants. Ceux-ci prennent conscience de ces problèmes. Mais lentement. Trop lentement, selon certains constructeurs de data centers et spécialistes du secteur. Pourquoi ? Si le service doit avant tout être sécurisé et disponible, la question énergétique est, elle, souvent reléguée à l’arrière-plan.

La fiabilité avant la propreté

« L’essence même d’un data center n’est pas d’être performant énergétiquement, mais d’être disponible à n’importe quel moment, donc de fonctionner sans arrêt, et d’être sécurisé, confirme Jérôme Gremaud, responsable du développement de Jerlaure, société spécialisée dans la conception de centres de données informatiques. Or plus on est sécurisé et disponible, plus il est difficile d’atteindre de hautes performances énergétiques. » De nombreux exploitants rechignent ainsi à éteindre leurs serveurs lorsque ceux-ci ne sont pas utilisés. Or il s’agit d’un levier simple, mais majeur. C’est par exemple le cas dans le commerce B2B, qui fonctionne essentiellement durant les heures ouvrées, mais dont les systèmes restent allumés 24h/24 et sept jours sur sept. Dans les entreprises, les informaticiens ne sont la plupart du temps pas jugés au regard des consommations d’énergie. « Jamais un informaticien ne prendra le risque d’éteindre les serveurs pour réaliser des économies, alors que cela pourrait entraîner un problème d’exploitation si jamais ils ne redémarraient pas », constate Nicolas Aubé, président de Céleste, spécialiste de la fibre optique et des data centers. Des progrès ont pourtant été réalisés en une dizaine d’années. Le PUE, indicateur d’efficacité énergétique des data centers, est plus satisfaisant qu’auparavant. Certaines entreprises mettent en avant dans leur communication les efforts réalisés pour «assainir» le fonctionnement de leurs centres de données. C’est notamment le cas de Google, qui affirme que ses data centers utilisent 50% d’énergie en moins que les centres classiques. Quelles sont les solutions idoines ?

Ne pas sur-climatiser

Pas de révolution technologique : le premier axe concerne les usages et une mauvaise habitude, celle de trop climatiser les centres. Une des mesures les plus simples pour économiser l’énergie dans un centre de données est ainsi d’élever la température. « Les serveurs supportent des températures de plus en plus élevées. Il est inutile de sur-climatiser les salles, cette mauvaise habitude repose sur un mythe », regrette Nicolas Aubé. Optimiser les composants et les équipements techniques permet également de mieux répartir la chaleur et de travailler à des températures plus hautes. Les exploitants de centres de données peuvent sans danger monter la température des allées froides à 27°C, voire plus, et réduire considérablement la consommation d’énergie de l’installation. C’est ce que fait Google. Mais l’exemple du géant américain reste à prendre avec des pincettes. « Google est seul maître à bord, a ses propres serveurs, fabrique tout pour son propre usage et maîtrise donc l’ensemble de la chaîne. Il est plus facile pour eux de concevoir leur installation que cela ne le sera dans un data center de collocation, conçu et pensé pour abriter des infrastructures hétérogènes », note Jérôme Gremaud. Toujours en matière de régulation de la température, empêcher les flux d’air chaud et d’air froid de se mélanger permet également de réduire les coûts de refroidissement et d’économiser de l’énergie. Soit en travaillant sur le design même des lieux, soit en optant pour des solutions plus «artisanales» (panneaux d’obturation…). Google utilise également la modélisation thermique pour localiser les zones chaudes et mieux appréhender la circulation de l’air dans ses data centers. A la clé, une meilleure organisation de l’espace et une disposition des équipements optimisée en vue d’harmoniser la température ambiante. Le data center doit en outre aujourd’hui être connecté à son environnement. « C’est la première chose à prendre en compte, indique Jérôme Gremaud. Déterminer quelles sont les énergies renouvelables qu’il sera possible d’utiliser, étudier le voisinage, les températures, la pollution… » Les systèmes permettant de réutiliser des sources d’énergie «gratuite» pour refroidir les équipements comme le free cooling (air) ou le geo cooling (eau) pourront ainsi être employés avec davantage d’efficacité et permettre une meilleure réduction des coûts. Les grands hébergeurs l’ont bien compris et installent ainsi leurs centres de données dans des pays du Nord, tandis que des projets sont expérimentés dans des carrières souterraines (Céleste à Saumur) ou sous la mer (Microsoft).

La nature comme aide précieuse

A quoi ressembleront les data centers de demain ? Les concepteurs, avant tout, attendent déjà que les modèles vertueux et efficients qu’ils développent se démocratisent. L’intelligence artificielle pourrait aider dans l’orchestration et la gestion plus efficaces des consommations énergétiques. Le paysage sera en tout cas beaucoup plus atomisé qu’aujourd’hui, avec, des plateformes massives (Paris…) et de grands centres de données, mais également un foisonnement de petits data centers de proximité répondant aux besoins liés aux objets connectés. Tandis que continuent d’éclore des initiatives permettant de réutiliser la chaleur produite par les data centers pour chauffer des bâtiments annexes comme l’illustre, par exemple, le cas de la piscine de la Butte-aux-Cailles, chauffée par des serveurs informatiques, grâce au système mis en place par la société française Stimergy. En attendant, qui sait, l’éclosion de data centers à énergie positive…

Julien Fournier

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