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Le besoin d’optimisation et les impératifs écologiques font évoluer les territoires et les méthodes qu’ils emploient en matière de gestion du réseau d’eau potable.
Les 850000 kilomètres de canalisations qui acheminent l’eau potable en France seraient-ils un énorme gruyère ? A la lecture des conclusions de l’Opération Transparence lancée au cours des dernières années par la fondation Danielle Mitterrand-France Libertés et 60 millions de consommateurs, la question paraît légitime. La vétusté du réseau national est telle que, chaque année, 1,3 milliard de mètres cubes d’eau traités par les usines ne parviennent jamais jusqu’aux robinets. « Soit 20% des volumes qui se retrouvent perdus, alors qu’ils sont finalement payés par les consommateurs », indique Emmanuel Poilâne, directeur général de la fondation. Autant dire que le besoin d’innovations et de modernité dans le domaine est important.
Mais le remplacement d’un seul kilomètre de canalisations coûte entre 400000 et 800000 euros selon les villes. En ces temps de restrictions budgétaires, toutes les autres alternatives sont donc les bienvenues. Pour une efficacité accrue à court terme, les décideurs privilégient ainsi la recherche de solutions innovantes, basées sur les technologies récentes, pour optimiser les consommations.
Bordeaux soigne son image de modernité
La région Nouvelle-Aquitaine et notamment l’agglomération bordelaise ont tenu à être un porte-drapeau du phénomène Smart Water qui vise à s’orienter vers une exploitation et une utilisation raisonnée et maîtrisée de l’eau, au même titre que dans le secteur énergétique. En contrat avec le groupe Suez Environnement, la ville girondine fait figure de vitrine des innovations du groupe en la matière, à l’image du système technologique Ramses, déployé afin de gérer de façon intelligente les eaux pluviales et usées. « Il s’agit d’une approche nouvelle de l’assainissement qui constitue un outil unique pour lutter contre les inondations, anticiper les risques et prendre des décisions plus pertinentes », explique Philippe Maillard, directeur général de la gestion de l’eau chez Suez Environnement. « Il y a bien sûr aussi l’extension progressive des compteurs intelligents qui permettront à l’usager de connaître et maîtriser sa consommation d’eau. » La collaboration entre la ville et le groupe est allée jusqu’à la mise sur pied d’un laboratoire commun baptisé Lyre. Celui-ci regroupe des chercheurs de la Lyonnaise des Eaux, filiale de Suez Environnement, d’Ondeo Systems, la société du groupe qui porte l’offre Smart Water, et des universitaires bordelais. Il est doté de deux millions d’euros, développe des programmes de recherche sur l’eau et l’assainissement et mène des analyses de nombreuses données collectées par les compteurs connectés.
L’eau, source d’optimisation en Normandie
Renforcer la performance opérationnelle des services pour l’exploitation du réseau d’eau potable. Tel est l’objectif de la Communauté d’agglomération du Havre (CODAH) qui a décidé d’équiper l’intégralité de son territoire de compteurs d’eau intelligents. Quelque 100000 unités ont été déployées récemment au sein des 17 communes qui constituent l’agglomération pour un investissement global de 15 millions d’euros. Grâce à une automatisation du processus de relevé et de facturation des consommations, et à la mise à disposition de meilleurs outils, les tâches des agents de la régie locale en ressortent grandement modernisées, tout comme la qualité de service offerte aux usagers. Ces derniers peuvent bénéficier d’une solution d’alerte en cas de fuite d’eau, par simple envoi de SMS ou d’email. La facturation se fait désormais sur la base de la consommation réelle de chaque ménage, ce qui n’implique plus de déplacements relatifs à la relève du compteur d’eau.
La CODAH a fait le choix de solutions technologiques prometteuses qui font en sorte que chaque compteur communique ses informations par l’intermédiaire d’ondes radio à des relais GSM. Ces derniers réacheminent les données auprès de l’opérateur m2ocity, filiale commune d’Orange et de Veolia Eau, en contrat avec le territoire. Les informations sont par la suite transmises aux services de l’eau de l’agglomération qui les met à son tour à disposition des habitants. L’ensemble du système vise à influencer le comportement des usagers en matière d’utilisation d’eau. Une baisse moyenne de 15% par an des consommations est attendue avec cette innovation.
Des investissements pour défendre un modèle écologique
En matière de gestion de l’eau, Grenoble présente un visage atypique. Avec 137000 mètres cube par jour, la ville dispose d’une capacité théorique de distribution trois fois supérieure aux besoins actuels, le tout provenant d’un vaste système de captage d’eau de source d’une grande pureté. Grenoble est la seule ville française avec Mulhouse à ne pas utiliser de chlore. Une configuration qui demande des activités d’entretien régulières et de nombreux contrôles. Pour autant, le prix du mètre cube n’est que de 2,20 euros, bien au-dessous des autres villes. « C’est la preuve que l’on peut obtenir une eau de qualité sans alourdir les factures. Pour conserver cette qualité, nous nous efforçons d’entretenir le patrimoine public local. Nous avons investi des montants annuels trois fois supérieurs à ceux déboursés lorsque nous étions en délégation privée », souligne Jacques Tcheng, directeur général de la Société publique locale (SPL) Eaux de Grenoble Alpes.
Pour garantir un système assaini à tous les niveaux, le modèle en place implique des usagers de l’eau qui siègent au conseil d’administration de la SPL Eaux de Grenoble Alpes. Ceux-ci peuvent ainsi toucher du doigt les problèmes rencontrés. « Ce partenariat optimise la gestion. Les habitants se retrouvent acteurs de la gestion de l’eau. A l’avenir, nous souhaitons maintenir ce modèle en étroite collaboration avec les usagers », poursuit Jacques Tcheng.
Mathieu Neu