Quels droits pour les robots ?

La double nationalité pour le robot conçu dans un pays mais assemblé dans un autre ?
La double nationalité pour le robot conçu dans un pays mais assemblé dans un autre ?

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Des limites à ne pas franchir

Accorder un statut juridique aux robots dotés d’une intelligence artificielle ? De la science-fiction que certains eurodéputés espèrent voir devenir réalité. Alors que cette proposition a été débattue à Bruxelles au printemps dernier, gare aux dangers que peut induire une telle mesure.

Avis d’expert : Serge Tisseron, membre de l’Académie des technologies, et auteur du Petit traité de cyber-psychologie, pour ne pas prendre les robots pour des messies et les IA pour des lanternes

« Des perspectives vertigineuses sur le plan technologique comme éthique »

Pourquoi avoir cosigné – avec 200 experts – une lettre pour alerter l’Europe des risques liés à l’attribution d’un statut juridique spécifique à certains robots ?

Il est pertinent d’engager une réflexion sur les droits des robots, tant ils seront amenés à l’avenir à prendre plus d’autonomie et de décisions. Mais aujourd’hui, nous en sommes encore très loin ! Cette proposition récemment débattue à Bruxelles repose sur une surestimation des capacités actuelles des robots. C’est pourquoi il ne serait pas judicieux d’accorder une personnalité juridique aux modèles actuels, encore archaïques. Au risque de tomber, sinon, dans un engrenage : si nous attribuons déjà des droits aux robots actuels, quels seront-ils demain avec des modèles bien plus perfectionnés ? Pour éviter cette surenchère, il convient de différer cette réflexion à un moment plus opportun : lorsque les robots seront construits en partie via des matériaux biologiques, et non plus seulement inertes comme aujourd’hui. Laissons la robotique faire des progrès qui pourraient d’ailleurs être entravés par l’adoption – bien avant l’heure – d’un tel statut juridique.

Comment, exactement ?

Si accorder un statut légal aux robots doit garantir l’indemnisation des victimes en cas de dommages, et ce, via la création d’un fonds dédié, cela n’est pas sans risque. Et pour cause : le seul moyen d’améliorer une innovation est justement de s’interroger sur la cause de ses dysfonctionnements. C’est ainsi que progresse la R&D ! Or en créant un tel fonds d’indemnité, on évite les expertises qui aideraient à déterminer l’origine des accidents et ainsi d’identifier les responsabilités éventuelles, notamment celles du constructeur. De plus, un tel fonds profiterait indirectement aux gros fabricants déjà installés, davantage en mesure d’y cotiser, et non les nouveaux entrants sur le marché.

Accorder des droits aux robots ouvre aussi de nouvelles interrogations d’un point de vue philosophique ou psychologique…

Des perspectives en effet vertigineuses ! Car quels critères seront alors pris en compte pour accorder de tels droits ? La capacité des robots à marcher ? A parler ? Face aux modèles multiples existants, difficile de décider lesquels auront – ou pas – des droits. Avec le risque de les diviser en deux catégories, les « supérieurs » et les « inférieurs ». A l’image des animaux ! En distinguant les animaux domestiques, cajolés et humanisés, de ceux des abattoirs élevés pour être mangés, l’être humain a perdu toute capacité d’appréhender, dans sa globalité, sa relation à l’animal. Un écueil à ne pas reproduire avec les robots : pour comprendre notre relation particulière avec les machines, ne les morcelons pas en plusieurs catégories, au risque de complexifier la donne. Après tout, les humains – malgré leurs différences – ne sont pas censés, eux, avoir des droits distincts ! Ma dernière crainte est bien sûr d’ordre psychologique : si un robot a un statut de « personne », les humains les plus fragiles, comme les seniors, risquent encore plus de croire que ces machines auraient de véritables émotions, qu’elles simuleront d’ailleurs toujours mieux. Avec comme danger de se laisser manipuler par ces engins avant tout guidés par des programmateurs…

Pour aller plus loin, quelques références culturelles

Ce futur où cohabitent avec grande difficulté humains et robots inspire, depuis plusieurs décennies déjà, de nombreux films ou livres cultes. Tour d’horizon :

-Terminator : Ce must de la science-fiction américaine a marqué toute une génération. Et ce, en retraçant l’histoire d’un robot humanoïde, envoyé d’un futur où les machines livrent aux humains une guerre sans merci. Sa mission : éliminer Sarah Connor, mère du futur chef de la résistance.

-Blade Runner 2049 : Si cette suite du film de Ridley Scott, a trouvé un accueil mitigé en salles, peut-être faudra-il attendre plusieurs années – comme le premier opus d’ailleurs – pour qu’elle s’impose comme un film culte. Car l’un comme l’autre dépeignent avec brio ce monde apocalyptique où les humains cherchent à mater des robots androïdes en pleine révolte.

-Les cavernes d’acier : Écrit par Isaac Azimov, auteur majeur de science-fiction américain, ce livre décrit un monde futuriste où les robots ont un rôle prééminent. Résultat : une peur panique à leur égard s’installe parmi les humains dans ce récit jalonné de scènes d’émeutes anti-robots.

-Real Humans : Cette série suédoise retrace un monde proche du nôtre, où les «hubots» (human robots) ressemblent aux êtres humains qu’ils remplacent dans les tâches domestiques. Cependant, certains androïdes – peu satisfaits de leur condition de machines – cherchent à gagner leur liberté…

Charles Cohen

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