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L’entreprise de Zola ou de Ford est définitivement aux oubliettes ! Le modèle de l’unité de lieu et de temps du XIXe siècle qui a défini le salariat comme étant la règle applicable à tous a volé en éclats. Aujourd’hui, le contexte économique et social a changé. La vie d’une entreprise est passée de 75 à 15 ans. L’activité des équipes est aussi plus volatile. Et les formes d’emploi connaissent une transformation sans précédent. Avec ce constat, tous les systèmes sociaux, organisationnels, politiques et syndicaux, qui ont été construits autour du modèle industriel ne sont donc plus adaptés à cette nouvelle réalité qui se dessine.
La question qui est posée dans nos sociétés modernes, et encore plus en France où la liberté et la protection sont des attentes fortes des citoyens, c’est d’inventer un modèle qui puisse permettre aux indépendants de bénéficier d’une protection et en même temps de donner corps à ce besoin de liberté qu’ils expriment par leur choix de vie professionnelle.
Le premier levier pour arriver à cette adaptation est la prise de conscience par les pouvoirs publics et les syndicats que les indépendants méritent que nous nous occupions d’eux autant, sinon plus, que les salariés. Nous ne pouvons pas rester dans des univers qui ne s’intéressent qu’à ceux qui sont les plus protégés et non à ceux qui sont seuls, souvent en recherche d’activité ou en transition professionnelle, ou qui veulent créer et développer activité et donc richesse. S’il n’y a pas une évangélisation partagée de cette problématique et une prise de conscience des institutions de la profondeur de cette transformation, alors jamais le mouvement ne sera ambitieux.
Le deuxième levier est que nous devons réussir à résoudre cette double équation, extraordinairement complexe : « je veux être libre mais je ne veux pas prendre de risque. Je veux de la sécurité mais je veux être autonome ». Nous devons être capables de trouver une solution pour accompagner les indépendants dans leur vie quotidienne, pour les protéger de la précarité, et pour qu’ils puissent accéder au logement et à l’emprunt. Aujourd’hui, l’indépendant est un paria de la société. Il ne peut pas prendre un logement car il n’a pas de contrat de travail or les bailleurs et les banques ne considèrent que ceux qui ont un contrat de travail et un CDI. Certes, la protection sociale est un des éléments de réponses, mais nous n’arriverons pas à résoudre cette équation uniquement par ce biais. Tout ceci ne sera possible que par un changement de mentalité de nous tous et des systèmes institutionnels pour qu’ils intègrent une réalité qui est celle de concitoyens de plus en plus nombreux.
Le troisième levier est celui de l’accompagnement des indépendants sur la totalité de leurs besoins. La proposition de la Fondation Travailler autrement est de créer des tiers de confiance, qui soient une interface pour les problématiques de gestion, qui proposeraient aux indépendants des formations, leur garantiraient de la protection sociale et leur donneraient des conseils en termes d’orientation et de développement d’activité. D’une certaine manière, nous devons être capables d’assurer un développement efficace et pérenne de l’activité des indépendants sans que nous ne finissions avec une ensemble de mini-jobs tels que les Français les refusent.
Ces questions-là sont au cœur du débat présidentiel et vont s’imposer à l’ensemble du corps social français, toutes institutions confondues, dans les années qui viennent.
Patrick Levy-Waitz