Leader : pourquoi le storytelling est devenu incontournable ?

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Vincent Capra

Le storytelling est un mot à la mode pour réinventer la démarche des grands leaders : savoir raconter le bon récit. Par Vincent Capra, scénariste et spécialiste des récits collectifs.

TRIBUNE. « Homo sapiens règne sur le monde parce qu’il est le seul animal capable de croire en des choses qui n’existent que dans son imagination : les dieux, les nations, les droits de l’homme, l’argent », Yuval Noah Harari, Sapiens. 

Dans un monde en mutation permanente où les repères traditionnels vacillent, les salariés comme les citoyens attendent bien plus de leurs leaders que la seule capacité à décider ou à exécuter des stratégies. Ils réclament du sens, de la cohérence et de l’inspiration. L’autorité verticale ne suffit plus : elle doit être relayée par une capacité à fédérer autour d’un projet commun.

La force du récit collectif

Pour atteindre cet objectif dans les entreprises, un même message doit souvent toucher quatre générations différentes : les baby-boomers, la génération X, les millennials et désormais la génération Z. Chacune de ces générations a ses propres références culturelles, ses attentes professionnelles et ses modes de communication préférés. Dans un tel contexte, une communication uniforme, purement factuelle ou descendante est vouée à l’échec. Raconter une histoire devient alors indispensable pour créer un langage commun, à la manière d’un film à succès réunissant toute la famille devant le même écran. Et de nos jours, fédérer autour de récits communs est devenu une vraie prouesse. Le phénomène Netflix est à l’image de notre société, symptomatique d’un phénomène de niche, avec des individualités captivées devant leurs séries fétiches. D’ailleurs, l’un des cadres de HBO regrette le temps de la série Happy Days. À l’époque, tous les écoliers discutaient des aventures de Fonzie dans la cour de récréation. Désormais, les univers sont fragmentés.

Transformer un projet en récit collectif est donc devenu essentiel. Dans les entreprises, le narratif permet de donner du sens, plutôt que d’exposer une liste d’objectifs ou une feuille de route technique. L’incertitude liée aux évolutions sociétales ne permet plus de communiquer uniquement avec des chiffres. C’est d’ailleurs la faillite de notre classe politique : une gouvernance de l’arbitrage dépourvue de vision. Même le récit de la construction européenne est conditionné par l’injonction de rester sous les fameux 3 %. Un chiffre sans histoire ! Alors que le narratif magnifie le projet en une aventure humaine où les défis, les réussites et les échecs sont autant d’étapes qui contribuent à une cause commune.

D’ailleurs, les grands récits collectifs comme les mythes fondateurs, fédèrent leurs protagonistes autour d’une cause qui les dépasse. Le leader qui raconte son projet n’invite pas seulement ses collaborateurs à accomplir des tâches, il leur propose de prendre part au récit dans lequel ils ont un rôle à jouer. L’émotion ressentie éveille le désir de se transformer en acteur. Elle suscite l’engagement, alimente la motivation et renforce l’adhésion. Les dirigeants qui savent raconter leur vision deviennent des figures d’identification et non plus seulement des figures d’autorité.

Et à travers l’Histoire ?

De tout temps, les grands leaders sont aussi des conteurs. Barack Obama, lors de sa campagne de 2008, n’a pas simplement proposé des programmes : il a raconté l’histoire d’une nation capable de se réinventer. Des chefs d’entreprise comme Satya Nadella (Microsoft) ou Emmanuel Faber (ex-Danone) ont su, chacun à leur manière, incarner une transformation culturelle par des récits clairs, cohérents et incarnés.

Dans l’Antiquité déjà, Périclès avec son célèbre discours funèbre est un exemple de rhétorique puissante. Il raconte l’histoire collective des Athéniens, exalte leurs vertus, et transforme la douleur de la guerre en un devoir glorieux pour la cité. Alexandre le Grand se servait d’histoires sur sa propre destinée divine (fils de Zeus-Ammon, selon certaines légendes) pour renforcer sa légitimité auprès de ses soldats et des peuples conquis. Ses campagnes étaient accompagnées d’une propagande narrative, faite de récits d’exploits héroïques.

Ces exemples montrent que le storytelling est un mot à la mode pour réinventer la démarche des grands leaders : savoir raconter le bon récit. Mais attention ! Il ne s’agit pas d’inventer des histoires, mais de les faire émerger pour magnifier la réalité. Ne jamais mentir est la règle d’or !

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