« Encourager et valoriser le rebond pour ne plus craindre l’échec » par Isabelle Saladin

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Le regard et les discours sur l’échec entrepreneurial commencent à changer en France. Pour aller plus loin encore, il faut que l’échec soit vu comme une simple étape dans un parcours, l’important étant de développer et de laisser s’exprimer la capacité de rebond des entrepreneurs.

Initiatives d’associations comme 60 000 Rebonds, SOS Entrepreneurs ou 24H Chrono rebondir… Prises de parole dans les médias de “serial entrepreneurs” qui racontent leur histoire, idée d’un droit à l’erreur pour les entrepreneurs soulevée par l’Etat, puis création d’une commission « Création, transmission, rebond » dans le cadre des discussions préliminaires sur le projet de loi Pacte… Partout en France, en ce moment, il se dit qu’il ne faut plus regarder l’échec comme une fin rédhibitoire, qu’il y a toujours un « après ». Sauf que souvent, cet « après » consiste uniquement à limiter les dégâts.

Sans minimiser le traumatisme vécu par l’entrepreneur, il me semble que le plus important est de l’encourager à rebondir et de maximiser ses chances et opportunités d’y arriver.

L’art du rebond, une compétence que doit avoir tout entrepreneur

Etre entrepreneur est un métier en soi qui consiste à créer et développer une entreprise. Comme pour tout métier, des qualités et compétences sont requises parmi lesquelles l’audace, la détermination, l’écoute, un savoir-faire managérial, la capacité à imaginer le futur d’une activité, à décider, à prendre et à assumer des risques, à anticiper et à s’adapter à des retournements de situation, etc.

Surtout, maîtriser l’art du rebond est un atout pour faire croître une société : si un entrepreneur échoue mais qu’il sait rebondir, alors il ne reproduira pas les mêmes erreurs dans son projet suivant ; s’il voit son activité péricliter ou en danger mais qu’il sait rebondir, alors il saura chercher d’autres pistes pour la relancer. Ce qui fait la différence, c’est de toujours avoir un plan A et un plan B, de savoir que l’on peut échouer et donc d’anticiper des voies de sortie … C’est pourquoi il est essentiel 1/ d’attirer l’attention des entrepreneurs français sur ce point 2/ de les encourager, 3/ de les aider en s’appuyant sur ceux qui l’ont déjà fait (ou ‘‘Have it done”) à développer cet état d’esprit très bien exprimé par l’industriel Henry Ford : « Echouer, c’est avoir l’opportunité de recommencer de manière plus intelligente ».

Des freins au rebond à lever

Encore faut-il que cette force puisse s’exprimer. Lorsqu’un entrepreneur est confronté à la liquidation de sa société, il doit surmonter trois traumatismes :

un traumatisme personnel qui l’amène à s’interroger sur le pourquoi il n’y est pas arrivé ;

un traumatisme financier qui lui impose de trouver rapidement comment honorer ses engagements, notamment à l’égard des organismes sociaux qui réclament leur dû moins d’une semaine après une clôture d’activité, et parce que s’il a dû se porter caution personnelle auprès des banques pour sa société, il devra rembourser les emprunts et les garanties d’emprunts sur ses biens personnels, visite d’huissier à la clé ;

et un traumatisme social qui lui impose de se demander ce qu’il va faire demain, la réserve fréquente des financiers et les fichages 050 et 060 qui demeurent à la Banque de France limitant considérablement les possibilités pour un entrepreneur de pouvoir relancer une autre entreprise en France avant 12 à 18 mois. Sans compter le changement de regard qui pèse sur lui et ferme beaucoup de portes.

Ce sont tous ces verrous qu’il est important de faire sauter : les délais de remboursement des dettes, le fichage Banque de France, le regard des financiers…. Si l’on admet qu’être entrepreneur est un métier, alors il doit être possible de continuer à exercer ce métier même après avoir échoué dans un projet, comme un salarié qui se mettrait en quête d’un nouveau poste après avoir été licencié ou qui suivrait une formation pour se reconvertir. De tels dispositifs n’existent pas pour les entrepreneurs.

Glorifier le rebond

Pour que le changement d’état d’esprit soit effectif, il faut aussi valoriser et féliciter ceux qui ont surmonté l’épreuve de l’échec pour aller de l’avant. Il est communément admis qu’un sportif puisse essuyer quelques défaites avant de devenir champion. Et s’il échoue entre deux podiums, personne ne lui en tiendra vraiment rigueur, c’est sa réussite qui sera glorifiée. Tout comme l’on se réjouira d’un artiste qui revient avec brio après une potentielle traversée du désert. Ces temps intermédiaires contribuent à la régénération – du sportif, de l’artiste, de l’entrepreneur. C’est d’ailleurs dans le cadre des responsabilités qui m’ont été confiée après la liquidation de mon entreprise que j’ai imaginé la suivante.

Il n’existe pas de bon chef d’entreprise qui n’a pas connu l’échec à un moment ou à un autre de sa vie. Parmi les entrepreneurs emblématiques, nombreux ont connu plusieurs échecs entrepreneuriaux avant de rencontrer le succès qui les a rendus célèbres comme Steve Jobs, Bill Gates, Elon Musk, Alexandre Mars, Pierre Kosciusko-Morizet, Xavier Niel, etc. C’est pourquoi aujourd’hui, je m’engage. Pour que les entrepreneurs aient ce droit d’échouer qui est intrinsèque à leur métier et pour qu’on glorifie ceux qui rebondissent. Aux Etats-Unis, un échec est un « plus » sur un CV. On pourra dire que les choses auront changé en France quand ce sera aussi le cas ici. »

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