Recyclage, responsabilisation à tous les étages

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La poubelle jaune, le tri sélectif, la responsabilisation de toutes et tous face au défi de la gestion et du recyclage de nos déchets, autant d’« inévitables » d’aujourd’hui, encore inexistants il y a trente ans. Pour relever le défi, économique, environnemental et logistique, qu’incarnent le déchet et ses millions de tonnes pour la société, le recyclage est un levier et un outil vertueux, vecteur d’une économie circulaire. Qu’il s’agit de développer encore et encore. Derrière le pictogramme vert et triangulaire : un vaste écosystème d’acteurs, des innovations cruciales et de sacrées responsabilités.

La gestion structurée des déchets ne date pas d’hier. Dès la fin du xixe siècle, la collecte s’organise, avec notamment l’interdiction du dépôt des déchets ménagers sur les voies publiques en 1870 et l’invention en 1883 par le préfet de la Seine Eugène Poubelle du récipient à ordures qui porte son nom. Près de 140 ans plus tard, que de chemin parcouru !

La gestion des déchets devient l’un des grands défis logistiques de notre société et le recyclage l’un des plus ambitieux. Selon l’Ademe (Agence de la transition écologique), quelque 326 millions de tonnes de déchets ont été produites en 2017, soit 4,9 tonnes par habitant, dont 39 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés (DMA), 63 millions de tonnes produites par les entreprises et 224 millions de tonnes par le BTP. Le recyclage – procédé de traitement des déchets et de réintroduction des matériaux qui en sont issus dans le cycle de production d’autres produits – réduit les volumes de déchets et donc leur pollution, pour un prélèvement allégé de ressources naturelles.

À ce jour, la réussite du recyclage est inégale : les emballages ménagers sont recyclés à environ 70 % et le verre à 86 %, mais le plastique, particulièrement polluant et complexe à traiter, ne l’est qu’à 30 %. À coups d’incitations, financières et réglementaires, à la valorisation des déchets, les entreprises se responsabilisent. Depuis l’introduction légale en 1975 de la Responsabilité élargie du producteur (REP), les entreprises qui commercialisent un produit polluant sur le marché doivent prendre en charge sa gestion, jusqu’au bout. Un principe qui fonde aujourd’hui la chaîne du recyclage. Entre responsabilisation et recyclage, il n’y a qu’une série de pas. Et tout un écosystème d’acteurs publics et privés.

De la collecte au recyclage

En France, la gestion des déchets diffère selon qu’il s’agit de DMA ou de déchets d’activité économique (DAE). Les déchets industriels et fruits de l’activité économique sont gérés par les industriels et les entreprises en direct avec des entreprises du recyclage, en respect des obligations réglementaires françaises et européennes. La chaîne de gestion des DMA, incombe, elle, aux collectivités territoriales et fait intervenir éco-organismes et prestataires privés. En France, la responsabilité de la collecte des déchets (DMA et DAE non dangereux) revient aux communes qui transfèrent souvent leur mission aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Depuis 2015 et la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République), les régions sont responsables de la planification de la gestion et de la prévention des déchets. La collecte est donc un service public qui vient alimenter les quelque 180 centres de tri. Les cadors français de l’environnement et de la gestion des déchets, Suez et Veolia, sont souvent mandatés par les collectivités pour assurer la collecte et le transport des déchets. Sur le recyclage en lui-même, le leader se nomme Paprec, créé par Jean-Luc Petithugenin en 1994. Sur le domaine des emballages ménagers et des papiers, l’éco-organisme Citeo, né en 2017 de la fusion entre Éco-emballages et Écofolio, intervient à tous les étages. Jean Hornain, le directeur général de Citeo, présente ainsi sa marque : « Citeo a été la première entreprise française à exercer la Responsabilité élargie du producteur, il fallait un organisme pour exercer cette responsabilité, des entreprises se sont donc regroupées pour créer Éco-emballages en 1992, qui deviendra Citeo. » Une entreprise créée par des entreprises, donc, qui a aujourd’hui pour clientes 30 000 entreprises productrices d’emballages et de papiers. En vertu de son statut d’entreprise à mission, dédiée à « réduire l’impact environnemental des emballages et des papiers », Citeo collecte des contributions payées par les entreprises pour chaque produit, en fonction du type d’emballage. Au total, ce sont 800 millions d’euros de revenus qui sont réinvestis pour des recherches d’écoconception (technologies de recyclage et meilleure recyclabilité), des programmes de sensibilisation et, surtout, pour financer la collecte et le tri en partenariat avec les communes. Collectivités territoriales, éco-organismes, prestataires privés… Le recyclage, c’est tout une économie et tout une industrie, en plein essor.

Recyclage et économie circulaire

Les déchets sont une ressource, leur gestion une économie et une industrie. Selon l’Ademe, le recyclage approvisionne aujourd’hui 67 % de l’industrie de la papeterie, 49 % de la sidérurgie et 56 % de l’industrie verrière. Et les déchets engendrent plus de 110 000 emplois directs. L’industrie du recyclage en elle-même réunit quelque 1 300 entreprises spécialisées, regroupées et représentées au sein de la Federec (Fédération des entreprises du recyclage), pour près de 30 000 salarié·es, réparti·es en 12 filières. Le recyclage est un levier économique et d’emploi incontestable, en plus de sa nécessité écologique et environnementale. Comme le rappelle le patron de Citeo, « le recyclage des emballages et papiers et très franco-français, 85 % sont recyclés en France, on a développé une véritable industrie du recyclage ». Surtout, le recyclage participe et pérennise ce que l’on nomme l’économie circulaire. L’Ademe définit le concept : « Un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien-être des individus. » Le concept est simple : celui d’un cercle vertueux qui va briser le paradigme de l’économie « linéaire » en passant notamment par un recyclage efficace et une réduction du gaspillage. Le recyclage et la gestion des déchets sont l’un des trois piliers de l’économie circulaire autour de la prévention et de la gestion efficace des ressources, avec l’offre des acteurs économiques (écoconception, écologie industrielle, commerce durable…) et les comportements des consommateur·rices. On y revient, le déchet et l’environnement sont l’affaire de tous. Et les défis sont encore nombreux, les progrès encore nécessaires. Pour parvenir à mieux gérer la fin de vie de nos plastiques et de nos déchets polluants, trois maîtres mots : écoconception, écocitoyenneté et responsabilité individuelle et collective.

Le défi de l’innovation

« Je dirais que la France est dans le milieu de tableau en Europe au chapitre du recyclage. Nous ne devons ni nous autoflageller ni nous enorgueillir, des pays sont meilleurs que nous, on cite souvent l’Allemagne, mais le souci c’est que les façons de calculer les taux de recyclage diffèrent selon les pays », explique Jean Hornain. Comme le soulève le DG de Citeo, les disparités statistiques entre pays européens et leur capacité de recyclage sont difficilement opposables (certains pays comptent l’incinération comme du recyclage), mais l’Union européenne a décidé d’une harmonisation prochaine des taux de recyclage. Outre la législation européenne, il est certain que la France du recyclage a encore des progrès à accomplir. Techniques surtout. Jean Hornain érige l’écoconception en levier idéal : « Grâce aux programmes de R&D d’écoconception, la bouteille plastique, par exemple, a perdu 45 % de son poids ces 15 dernières années. Il nous faut progresser, notamment sur les plastiques. Vingt-cinq pourcents offrent des propriétés très utiles, mais on ne sait pas encore les recycler. Il faut mettre le paquet sur l’écoconception pour améliorer leur recyclabilité, simplifier leur composition ou trouver des substituts. » Une ambition partagée par Paprec : « Pour le plastique, il faut collecter davantage et placer davantage d’écoconception dans les emballages pour favoriser les plastiques monocouches. » Une autre solution d’avenir est le tri à la source des biodéchets. Il passera par l’adoption du tri ménager comme réflexe quotidien. En ce sens, une récente directive européenne prévoit que les États membres doivent veiller à la collecte séparée et au recyclage des biodéchets à la source au plus tard le 31 décembre 2023.

Au-delà du recyclage, l’enjeu global est celui de la valorisation de nos déchets qui passe et passera également par le réemploi, le marché de l’occasion et du troc, le reconditionnement et la production raisonnée. Un objectif que Citeo et Jean Hornain appellent le « 100 % solution ». À chaque déchet sa solution, sans plan de fin de vie. En définitive, on en revient à l’essence même du recyclage, représentée par le ruban de Möbius en forme de triangle de son pictogramme : celle d’un cercle vertueux et responsable, un moindre prélèvement des ressources de la planète, mieux produire et consommer, et responsabiliser chacune et chacun. La boucle est bouclée.

Adam Belghiti Alaoui

Au Sommaire du dossier 

1. Recyclage, responsabilisation à tous les étages

2. Conscience écologique intégrée : ces entreprises qui surfent sur la vague !

3. Des déchets sur nos territoires 

4. L’ère de la régénération

 

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