Conscience écologique intégrée : ces entreprises qui surfent sur la vague !

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Peut-être avez-vous succombé au Black Friday ? À l’achat d’un smartphone, d’un électroménager ou de tout appareil que vous avez estimé urgent de remplacer ? Par du neuf. L’occasion, vous n’y avez pas pensé ? Le faire réparer ou vous mettre vous-même à la réparation, non plus ? Normal. Ou presque. Voilà quarante, cinquante ans que nous consommons du neuf, du flambant neuf, de l’emballé, de l’immaculé, de l’inédit, du nouveau, de l’original, du vierge ! Autant d’attaques à notre vieil environnement. Dans le grand green business qui infuse les entreprises, la priorité était tournée vers la production respectueuse de la nature, par les matériaux, la pollution, les déchets. Une autre stratégie d’entreprendre conjugue les verbes reconditionner, autoréparer, recycler. Visite d’usine en compagnie de David Mignot, cofondateur de YesYes, Augustin Jaclin, à la tête de Lemon Tri et Olivier de Montlivault, PDG de SOS Accessoire.

«Nous vivons dans un monde de dingues ! » L’ancien cadre Darty, Olivier de Montlivault, PDG de SOS Accessoire, résume à sa façon son concept. Comme il ne voulait plus participer à la folie du gaspillage, il a adjoint à son entreprise de catalogue de pièces détachées moins chères la dimension de la réparation de cet électroménager jeté à la moindre panne. Il rejoint les concepteurs d’une autre manière de consommer. « J’ai vendu pendant des années des téléphones neufs, tous les six mois, il fallait que je dise pourquoi le dernier modèle était bien meilleur que son prédécesseur… Tout ça n’avait aucun sens », regrette David Mignot, qui a travaillé près de 17 ans chez Sony. « Un non-sens » qui l’a conduit à créer YesYes en 2018 pour s’aventurer sur le marché des smartphones reconditionnés. Son projet, Augustin Jaclin, lui, l’a mûri durant son passage en école de commerce : « On souhaitait monter une entreprise qui soit liée à notre sensibilité pour l’environnement, on a décidé de se porter sur la problématique de la gestion des déchets, car si le tri se révèle plutôt bien organisé à la maison, hors domicile, la gestion des déchets apparaît beaucoup moins évidente », explique le cofondateur de Lemon Tri avec Emmanuel Bardin, son ami d’enfance. Chez Darty, Olivier de Montlivault a eu le déclic : « C’est là-bas que j’ai remarqué la difficulté avec laquelle les client·es tentaient de se procurer une pièce détachée, à plus forte enseigne si elle était complexe : faute de la trouver, il fallait souvent racheter tout un appareil pour cette pièce manquante. Dans ce cas, j’ai fait mon business plan et me suis lancé, mais, au départ, sans conscience écolo du tout », raconte le fondateur de SOS Accessoire, une société qui encourage désormais à réparer plutôt qu’à racheter !

Casser les codes

Trois entreprises qui tentent de bouleverser de A à Z notre consommation, de l’achat au recyclage. Chez Lemon Tri, l’essentiel de l’activité repose sur la gestion des déchets auprès des entreprises. « Très concrètement, les entreprises nous donnent les clés de leurs déchets, à nous d’en assurer la gestion. Après l’installation, notamment, de bacs pour optimiser le tri à la source », explique Augustin Jaclin. YesYes ne dit pas non aux robots récupérateurs de bouteilles en plastique : le chaland le localise volontiers dans les supermarchés contre une petite récompense sous forme de bons d’achat ou l’invite à faire un don à des associations. YesYes tente aussi de s’attaquer aux mauvaises habitudes. Oubliez les smartphones tout neufs au profit de produits reconditionnés. David Mignot : « On achète les smartphones auprès des particuliers, on dispose aussi de partenariats avec des réseaux de distribution, puis les produits sont envoyés dans notre Atelier à Caen où toutes les données seront effacées et l’objet entièrement contrôlé avant remise sur le marché. » Plus écologique. Plus économique aussi. YesYes fonctionne en circuit court. Moins d’intermédiaires et prix de revient réduit pour un prix optimal.

Chez SOS Accessoire, adepte de l’autoréparation, on donne dans le tuto : « Plutôt que de jeter, il suffit souvent de changer une seule pièce pour qu’un appareil électroménager fonctionne à nouveau », entonne Montlivault. SOS Accessoire s’engage alors à identifier la panne, puis propose la pièce détachée à acheter. Quand elle arrive chez le client, reste à l’heureux propriétaire de l’objet en panne à visionner les vidéos et tutoriels accessibles gratuitement pour procéder à l’autoréparation. Inutile d’être le·la roi·reine du bricolage !

Quand l’appareil reprend vie, l’économie se révèle souvent spectaculaire : « Le panier moyen s’élève à 25 euros », chiffre Olivier de Montlivault. Pendant la crise covid, « les gens ont eu davantage de temps, ont dû trouver des occupations, et le bricolage en faisait partie. Notre service s’affiche covid-friendly», sourit le PDG. Si la pandémie a, en revanche, freiné l’activité de Lemon Tri, l’entreprise connaît depuis 2011 une forte croissance, de l’ordre de 50 %. Quant au business de YesYes, accoutumé à la vente en ligne, et dont l’atelier a pu rester ouvert, il n’a guère souffert.

Une ambition mais des obstacles subsistent…

Nos comportements se modifient très lentement. Hors le neuf, point de salut. D’abord parce que nous sommes attaché·es à la qualité que nos petites têtes associent à… neuf. Pourtant, David Mignot, cofondateur de YesYes avec Christophe Perrin, insiste sur la phase de diagnostic à laquelle les smartphones sont soumis : « On réalise 45 points de contrôle pour vérifier scrupuleusement l’état de l’appareil. On regarde si les capteurs fonctionnent, on inspecte l’écran, teste la batterie, et on fait les réparations nécessaires. À côté de ça, on fournit tous nos smartphones avec chargeur et câble garantis dix ans, 100 % recyclables et certifiés Apple pour nos modèles iPhone. » Alors, le neuf…

Objectif : rassurer le·la consommateur·rice qui a peut-être subi des expériences malheureuses sur le marché de l’occasion. Mais pas au point d’entrevoir l’époque peut-être lointaine d’une production-recyclage-achat circulaire. Pour Olivier de Montlivault, on achète encore bien plus que l’on ne répare, un phénomène dont il rend responsable le manque d’information. Bien trop souvent, on pense que « c’est trop compliqué, que l’on n’y connaît rien », ou « que faire appel à un·e technicien·ne prendra trop de temps et d’argent ! ». Encore une fois, dit-il, « nous, on prône l’autoréparation ».

Augustin Jaclin regrette l’absence de consignes sur le recyclage en France, comme on peut en trouver en Allemagne. Pour ce pro-consigne, la bonne méthode est de distribuer directement de l’argent (quelques centimes) pour chaque bouteille injectée dans un automate et recyclée. D’ailleurs, les pays qui ont mis en place les consignes sont ceux qui affichent le meilleur taux de collecte des bouteilles : 98 % en Allemagne ! Pour le cofondateur de Lemon Tri, la France se situe « bien en dessous de la moyenne européenne » pour le recyclage des plastiques en général. Motif d’espoir, des efforts sont lancés, essentiels pour atteindre l’objectif de 100 % de plastique recyclé pour 2025. Irréalisable, peut-être, dans un laps de temps aussi court, il faut y injecter de la volonté politique, Barbara Pompili, ministre de l’Environnement. Mais Lemon Tri se voit un avenir serein avec en filigrane le désir de « couvrir complètement l’offre proposée dans l’hexagone, puis poursuivre la recherche de partenaires », espère Augustin Jaclin. Au passage, y ajouter une empreinte sociale, marquée par la création de Lemon Aide en 2016 : « Une dizaine de personnes en réinsertion viennent travailler tous les quatre mois pendant huit mois, sous forme d’un roulement. D’abord en CDD puis ces personnes sont éligibles à des contrats plus longs chez nous ou ailleurs après avoir bénéficié de cette expérience de l’économie circulaire. »

Du côté de YesYes, l’heure est à la diversification. En plus des smartphones reconditionnés, « on s’apprête à proposer des tablettes, des ordinateurs, des PlayStations… », liste David Mignot.

D’autres entreprises ont, elles aussi, fait le pari d’une consommation plus responsable, comme Kokozenn, une marque qui propose une gamme de vêtements en textile 100 % recyclé et même des bracelets conçus à partir d’une collecte des déchets marins. Ou le fameux Vinted, plate-forme de rencontre entre vendeur·ses et acheteur·ses de vêtements d’occasion, rempart à la fast-fashion, cette tendance qui renouvelle à la vitesse de l’éclair les vêtements proposés à la vente. Sans doute un des nombreux exemples du fameux « monde de dingues » dénoncé par Olivier de Montlivault !

Geoffrey Wetzel

Au Sommaire du dossier 

1. Recyclage, responsabilisation à tous les étages

2. Conscience écologique intégrée : ces entreprises qui surfent sur la vague !

3. Des déchets sur nos territoires 

4. L’ère de la régénération

 

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