Flottes automobiles : Tendances de marché et best practices

Un marché de l’hybride toujours dynamique malgré la fin des dispositifs incitatifs.
Un marché de l’hybride toujours dynamique malgré la fin des dispositifs incitatifs.

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Trouver la bonne équation

Bien que les entreprises soient toujours consommatrices de véhicules, alors que le marché du particulier est lui, plus capricieux, leurs besoins et leurs demandes ont évolué avec le temps. Car, en plus d’être un outil de productivité, la voiture de société est devenue un outil de communication interne et externe. Le point sur les nouveaux enjeux.

Pour une société disposant d’une flotte de 300 à 500 véhicules en location longue durée, le coût de revient est estimé dans une fourchette qui varie de 8 000 euros à 10 000 euros par voiture et par an. Des chiffres colossaux qui n’empêchent pas, malgré un contexte général de réduction des coûts, de voir le marché du véhicule d’entreprise croître encore et toujours. D’après l’Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE), plus de 800 000 nouvelles immatriculations ont été enregistrées en 2017, un chiffre record, pour une croissance de 1,5 %. Mieux, sur le premier trimestre 2018, selon les chiffres de l’OVE, le cumul des mises à la route en entreprise affiche une hausse de 6,5 % par rapport à 2017 sur la même période, avec un jour ouvré de moins cette année. Au total, le nombre de véhicules immatriculés au nom des entreprises excède les quatre millions. « Environ un quart de ce parc global est financé via la location longue durée », note Laurent Penhouet, directeur commercial et marketing d’Alphabet France, filiale du groupe BMW, mais loueur BtoB multimarque qui gère en France une flotte de plus de 97 000 véhicules, répartis entre entreprises du CAC40, grands comptes, PME et TPE. Pour les sociétés n’étant pas en mesure de débourser des sommes à cinq chiffres d’une seule traite, il s’agit du mode de financement idoine pour équiper leurs collaborateurs de véhicules neufs. En moyenne, les contrats de LLD s’étalent sur 36 mois, quand le particulier change en général de voiture tous les huit ans. Mais le lissage des coûts n’est pas la seule raison du succès de ce service. « La LLD s’accompagne en général d’un service de gestion de flotte externalisé, ajoute Laurent Penhouet. Ensuite, vous ne payez que les coûts liés à l’utilisation du véhicule, l’assurance et l’entretien étant pris en compte dans le contrat. De plus en plus de sociétés sont attirées par la LLD. » Toutefois, il convient de ne pas occulter une source de dépenses supplémentaires : les frais de remise en état. A la remise du véhicule, à la fin du bail, il arrive parfois que la facture s’alourdisse. Il est donc important de l’avoir à l’esprit. Jean-Loup Savigny, directeur commercial et marketing chez  Leaseplan témoigne  « Le marché du véhicule d’entreprise reste en croissance. La LLD est toujours très présente. Avec la mise en place du plan de mobilité, les entreprises doivent désormais implémenter d’autres solutions de mobilité qui réduisent certains risques. Cela passe par un audit. Et cela permet par exemple de se demander s’il faut privilégier la voiture ou le train pour un trajet de 300 km. Le diagnostic permettra de chiffrer le coût de la mobilité mis en perspective avec le coût du travail. Nous accompagnons ainsi les entreprises en menant des audits de mobilité qui recensent le coût de la mobilité, le coût du travail et l’ensemble des mobilités au sein de l’entreprise ». Ajoutons également que l’obligation du plan de mobilité pour les entreprises fait évoluer les moeurs.

Fin de «la deux places» avec logo

Plusieurs facteurs expliquent cette conjoncture. Il faut dire que désormais, le véhicule fait partie intégrante de la politique salariale des entreprises. Cet avantage en nature n’est plus réservé au top management et est utilisé comme argument pour attirer ou conserver des talents, alors que l’utilisation à des fins privées et familiales est entrée dans les mœurs des employeurs. Le marché est également tiré vers le haut par la multiplication des véhicules utilitaires. L’essor du e-commerce et des nouveaux modes de consommation “depuis son canapé” implique forcément d’acheminer les produits depuis les rayons aux logements des clients. Or, les grosses agglomérations se sont peu à peu fermées aux gros transporteurs pour des questions écologiques et de régulation du trafic : une aubaine pour les fourgons et autres camionnettes. Conséquence, face à ce constat macroéconomique, de plus en plus de constructeurs ont vu dans le véhicule d’entreprise une opportunité de développement, à l’heure où le marché des particuliers patine. C’est le cas, par exemple, de Toyota. « Nous avons augmenté de 35 % les ventes aux sociétés par rapport à l’année passée, suite à une réorientation stratégique », appuie Arnaud Martinet, chef du département ventes société chez Toyota Europe. Il a vu la demande et le marché du véhicule d’entreprise évoluer, avec l’assouplissement des pratiques RH. « Autrefois, la voiture de société était assimilée aux “deux places”. Il y en a moins désormais. Les commerciaux qui se déplaçaient chez clients et fournisseurs en voiture blanche avec banquette arrière condamnée et logo sur la portière sont de plus en plus rares. Ils roulent en voiture classique. » Véritable facteur de fidélisation et de valorisation des collaborateurs, la voiture de fonction moderne est de surcroît de mieux en mieux équipée. « La voiture est envisagée comme une extension du bureau, illustre Arnaud Martinet. L’accent est davantage mis sur les finitions et les technologies, quitte à avoir des motorisations plus basses. »

Le diesel, toujours le meilleur allié des gros rouleurs ?

La motorisation, voilà justement l’un des enjeux majeurs du marché du véhicule d’entreprise. Un domaine sur lequel la fiscalité, les problématiques environnementales et le récent Dieselgate ont changé pas mal de choses. « Il y a dix ans, 98 % de nos clients étaient au diesel », estime ainsi Théophane Courau, président de Fatec, premier gestionnaire indépendant de flottes automobiles en France. « Aujourd’hui, nos clients nous demandent de calculer chaque mois leurs émissions de CO2, signe que les mentalités ont changé. Ensuite, la différence de coût entre le diesel et l’essence s’est considérablement réduite. » Ainsi, l’essence conquiert à petit feu des parts de marché et se positionne de plus en plus comme l’alternative au diesel dans les parcs automobiles des boîtes. A la fin du premier trimestre 2018, l’essence représente en effet 14,20 % des immatriculations au nom des entreprises. Soit 3,9 points de plus qu’à la même époque il y a un an. Dans le même temps, “seulement” 63 000 immatriculations de véhicules diesel professionnels ont été comptabilisées en mars 2018, soit un recul de 3 %. Pour autant, le gasoil reste selon Théophane Courau le meilleur type de motorisation pour les collaborateurs dont le compteur facture plus de 20 000 kilomètres par an. « A vrai dire, nous conseillons aux entreprises qui doivent équiper de gros rouleurs «diesel ou diesel» », s’amuse-t-il. Pour les besoins intermédiaires, entre 15 et 20 000 kilomètres par an, l’essence semble une solution raisonnable, adaptée au rouleur moyen, qui a un usage quotidien mais essentiellement urbain.

Bien évidemment, d’autres types de motorisation modernes peuvent s’adapter à des usages professionnels, tout dépend des contraintes. Quid de l’hybride, par exemple ? « Sincèrement, hormis Toyota, qui est abordable, l’ensemble des modèles hybrides sont réservés aux personnels de direction tant cette technologie est chère, notamment les marques allemandes », avance le président du groupe Fatec. Ce à quoi il faut ajouter la disparition des aides à l’achat depuis le 1er janvier dernier. Mais ce changement de législation n’a pas eu d’impact négatif, bien au contraire : l’hybride vient d’enregistrer une hausse de 42 % des immatriculations BtoB. En revanche, le président du Fatec tient à souligner la percée de l’électrique, dont les progrès en matière d’autonomie n’ont pas laissé les entreprises insensibles. La voiture étant un outil de communication informelle, rouler en électrique permet de renvoyer une image positive. La preuve en chiffres : les immatriculations de véhicules électriques affichent une croissance de 32 % en février et de 55,4 % en mars. « 300 kilomètres d’autonomie effective, ce n’est pas négligeable. Doter son parc de véhicules électriques peut être cohérent sur un usage de «site à site», avec borne de rechargement implantée, ou dans des grandes métropoles type Paris ou Grenoble. Mais à mon sens cette technologie ne convient pas à un commercial qui va de ville en ville. L’accès à l’infrastructure est primordial », analyse Théophane Courau. Il se souvient d’un client qui, il y a deux ans, a remplacé 30 Clio par 30 Zoé, le modèle électrique de chez Renault. Ce dernier s’était heurté à des craintes du personnel, qui craignait de voir son utilisation du véhicule dans le cadre privé chamboulée. « Finalement, ceux qui ont basculé vers l’électrique ont une certaine fierté et ont changé leur mode de conduite. L’électrique n’a plus vocation à se développer exclusivement chez l’écolo-geek », note Théophane Courau. Toutefois, la transition des parcs autos vers ce type d’énergie reste marginale. Et Jean-Loup Savigny, directeur commercial et marketing chez Leaseplan de tempérer sur le sujet des motorisations : « Les cartes vont être rebattues au mois de septembre qui annonce de nouveaux arbitrages. Le calcul des émissions de CO2 va être encore plus contraignant pour les constructeurs. Et le coût de détention va de nouveau être travaillé. »

Télématique à grands renforts de lecteurs de badge et de clefs personnalisées

L’autre point sur lequel les entreprises disposant de flottes automobiles sont très regardantes, la télématique et les technologies embarquées. Quoi de plus logique, alors que nous vivons dans l’ère du tout-connecté ? Si la géolocalisation des véhicules en temps réel, grande thématique des années 2000, occasionnait parfois des problèmes RH internes, les collaborateurs ayant tendance à assimiler cette technologie à du “fliquage”, la barrière semble s’être écroulée. « Maintenant, même des comptes publics, des mairies ou des collectivités s’équipent de ces solutions. Il suffit d’en expliquer les bienfaits pour que ce ne soit pas perçu négativement », explique ainsi Julien Rousseau, PDG de SuiviDeFlotte.net, solution de géolocalisation. « D’une, cela permet par exemple de donner des informations précises aux clients qui attendraient un dépannage. Ensuite, la géolocalisation est vecteur de confiance de la part de l’employeur. Résultat, on peut élargir l’usage et offrir au technicien la possibilité de rentrer à son domicile avec le véhicule de l’entreprise. Enfin, il y a un gain administratif non négligeable. Tout est reporté informatiquement, fini le carnet sur lequel on note une intervention sur le capot du véhicule… » Sur les 24 derniers mois, deux tendances ont fait leur apparition en termes d’innovation. En premier lieu, le lecteur de badge et la clef personnalisée. Depuis le premier janvier 2017, la loi impose aux entreprises l’identification du conducteur en cas d’infraction. Voilà qui retire une épine du pied des entreprises adeptes des véhicules multiconducteurs. Retrouver le contrevenant au volant du véhicule tel jour à telle heure, autrefois un casse-tête, devrait être largement simplifié. L’autre problématique actuelle concerne l’optimisation de la conduite. Les véhicules intelligents étant désormais générateurs de data, l’employeur peut s’assurer que ses salariés qui prennent la route conduisent dans le respect du véhicule, faire des comparaisons si besoin, et les recadrer le cas échéant. « L’idée derrière cette technologie étant d’aider les conducteurs à s’améliorer. Il s’agit d’un élément supplémentaire de sécurité », appuie Julien Rousseau. Sa société a notamment mis au point une appli à destination des salariés, qui leur communique en temps réel les données compilées, et la notation que l’algorithme leur a attribuée. Si la télématique représente une vraie valeur ajoutée pour les véhicules d’entreprises comptant plusieurs utilisateurs, reste un enjeu de taille : la valorisation de la multitude de données collectées. C’est en tout cas l’avis de Théophane Courau. « Cette data doit être traitée. Les entreprises ont tout intérêt à créer un poste pour les analyser et les convertir positivement en termes de management. Car il est délicat en matière de RH de simplement dire à un commercial qui a des impératifs de rentabilité de freiner moins fort lorsqu’il va d’un rendez-vous à l’autre. »

Marché du véhicule d’entreprise

Focus sur la croissance de l’électrique

Malgré de nombreux débats actuels sur le mix énergétique et notamment les alertes lancées par les constructeurs, l’électrique continue de grignoter des parts de marché. Dans les rues, l’engouement s’observe à l’aune des scooters électriques de plus en plus nombreux à rouler silencieusement dans nos métropoles. Côté entreprises, l’année 2017, a enregistré une hausse des immatriculations de 44,2 % selon l’OVE (Observatoire du Véhicule d’Entreprise) soit 6 556 unités de plus. La part de marché passe ainsi à 1,4 % dans les VP, contre 0,97 % il y a un an. Notons que tous segments confondus, l’électrique a vu ses immatriculations progresser de 25,1 % en 2017, avec un total de 11 811 unités, pour une part de marché de 1,47 %. Et pour le début de l’année 2018, les immatriculations de véhicules électriques, qui affichaient une croissance molle depuis le début de l’année (+32 % en février et +28,8 % en janvier), ont bien rebondi en mars, avec une hausse de +55,4 % à 1 672 unités (VP + VUL). Les immatriculations de VP électriques affichent pour leur part une progression de +70,1 % à 1068 unités.

Marc Hervez

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