La santé et son système, poids lourd français

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Le système de santé français. Voilà bien une institution, une pierre centrale de l’édifice France, tantôt érigée en modèle international de couverture maladie, tantôt présentée comme un gouffre financier et un poids pour le budget national. Derrière la Sécurité sociale et la couverture quasi gratuite et universelle, pas de recette miracle, mais un système de financement et de pilotage caractéristiques. État des lieux.

On présente souvent le modèle français comme l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. S’il est vrai que la France se distingue sur ce point, le think tank britannique Legatum Institute n’a classé son système de santé qu’au… 16e rang de son classement annuel ! Qui se fonde sur : le taux d’obésité, la couverture vaccinale, la mortalité infantile, le nombre de médecins par habitant·e ou encore l’espérance de vie. Singapour disposerait du meilleur système de santé, là où la France verrait la Suède ou l’Italie la dépasser. Reste que la part de la richesse nationale dédiée à la santé se révèle la plus importante de toute l’Union européenne (11,3 % en 2019, soit 208 milliards d’euros), et de loin (+ 1,4 point par rapport à la moyenne européenne). Et cette part progresse, + 2,1 % en 2019. La France s’affiche comme le pays de l’OCDE où les ménages sont le moins mis à contribution : 6,9 % de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) sont à la charge des ménages en 2019. Jusqu’ici tout va bien, mais à y regarder de plus près, le système ne fait pas que des heureux·euses. En 2009, la satisfaction des citoyen·nes français·es vis-à-vis de ce dernier était de 82,9 % ; en 2019, elle tombe à 69,4 %. Malgré tout, le système français demeure remarquable, au sens propre. Et sa Sécurité sociale apparaît comme un savant mélange de deux grands modèles de protection sociale : le modèle bismarckien (en référence au chancelier allemand Otto von Bismarck, 1815-1898) et sa logique assurantielle, et le modèle beveridgien (du nom de l’économiste William Beveridge, 1879-1963) et sa logique assistancielle. 

Un système unique et solidaire

La Sécurité sociale à la française repose sur trois principes fondateurs : égalité d’accès aux soins, qualité des soins et solidarité. L’assurance maladie offre à toutes et tous la possibilité de se faire soigner selon ses besoins, quels que soient l’âge et le niveau de ressources. À l’archétype beveridgien, la « Sécu » empreinte ses trois U : universalité de la protection – incarnée par la Couverture maladie universelle ou CMU, mise en place en 1999 –, uniformité des prestations et unité de gestion, en ajoutant des nuances, issues notamment du modèle bismarckien : les cotisations sociales constituent le point d’entrée du système, les régimes de Sécurité sociale se retrouvent gérés par des caisses publiques et non directement par l’État. Côté particularités, le système français étend sa couverture à des populations non cotisantes (étudiant·es, retraité·es) et permet un maintien de l’aide sociale pour les personnes en insuffisance de ressources. Le qualificatif « solidaire » sied bien au système français : près de la moitié des dépenses concernent seulement 5 % de la population. En 2019, le montant moyen des dépenses de santé s’élève à 3 102 euros par habitant·e, dont seuls 213 euros restent à charge.

Concernant la répartition de l’offre de santé, le système s’appuie sur trois types de structures de soins : ambulatoires pour les soins « de ville » (médecine générale, spécialistes, dentistes…), sanitaires pour la prise en charge hospitalière (hôpitaux publics, cliniques privées) et médico-sociales pour les publics dits fragiles, âgés ou handicapés. 

Difficile équilibre

Les dépenses de santé se divisent en trois gros morceaux. Au premier chef les soins hospitaliers, qui représentent près de 50 % des dépenses (97,1 milliards d’euros en 2019). Viennent ensuite les soins de ville (56,5 milliards d’euros) et les médicaments (32,6 milliards d’euros), le reste des dépenses, soit 21,8 milliards d’euros, s’avère diffus. À noter qu’à l’exception des dépenses médicamenteuses, le reste des composantes de dépenses enregistrent une progression par rapport à 2018. La « démographie » de ce coûteux système nous est donnée par l’Insee : 1 356 établissements hospitaliers publics, 681 établissements privés à but non lucratif et 999 établissements privés à but lucratif. Pour un total de 395 693 lits et 77 291 places. Le personnel de santé se compose – entre autres – de 722 572 infirmier·ères, 226 859 médecins, 73 782 pharmacien·nes, 42 524 chirurgien·nes-dentistes, 22 941 sages-femmes, auxquel·les s’ajoutent plus d’un million de personnels non médicaux salariés dans les établissements de santé. 

L’assurance maladie finance à près de 78 % le système de santé, via notamment les cotisations sociales et patronales, la contribution sociale généralisée (CSG) et autres taxes. Les mutuelles et complémentaires santé financent, elles, 13,4 % des dépenses. Au bout du compte, les dépenses excèdent les recettes. Un constat exacerbé en cette période de crise sanitaire. La dette sociale, qui rassemble les déficits des organismes de Sécurité sociale, représente près de 10 % de la dette publique, et le déficit de la Sécu, plombé par la covid-19, devrait atteindre quelque 44,7 milliards d’euros fin 2020. Malgré l’orage et la tendance à la réduction des dépenses de santé, le Ségur de la santé, conclu en juillet 2020, prévoit 19 milliards d’euros d’investissements dans le système, notamment pour revaloriser les métiers de santé et recruter à l’hôpital public. Un moindre mal. 

Adam Belghiti Alaoui

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