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La Banque centrale européenne a baissé ses taux directeurs avant la FED pour la première fois de son histoire.
Il aura fallu une baisse d’un quart de point pour clôturer un cycle de relèvement de taux unique dans l’histoire de l’institution. Depuis 2019, la BCE n’a jamais baissé ses taux. Pire encore, depuis 2022, elle les a fait grimper à chaque nouvelle réunion. Alors, les voir passer officiellement de 4 % à 3,75 % est une excellente nouvelle.
Christine Lagarde ne pouvait plus attendre. Cela faisait trop longtemps que les baisses de taux attendues étaient repoussées. Il fallait réagir. La gardienne de l’euro a donc fait ce qu’elle annonçait depuis mars : orchestrer une baisse de taux sans pour autant disposer de « toutes les informations pertinentes » pour prendre cette décision.
Un coup de poker indépendant de la situation aux États-Unis, où la FED se réunira les 11 et 12 juin pour décider de suivre ou non le mouvement insufflé par son homologue européenne.
Un « dépassement dans la file d’attente »
L’annonce de cette baisse de taux n’a pas fait grande surprise. Depuis plusieurs mois, les investisseurs s’y attendent. À tel point d’ailleurs que le taux d’emprunt à dix ans de la France n’a même pas réagi à la nouvelle. En revanche, la décision fait débat. Certains pensent que la BCE a « grillé la politesse » à la FED.
William de Viljder, directeur de la recherche économique du groupe BNP Paribas, n’est pas de cet avis. Il rappelle que chaque institution doit agir indépendamment : « (La) Banque centrale européenne, comme toute autre Banque centrale, doit décider du timing de sa politique monétaire […] sur la base des facteurs économiques de sa région ».
La convention qui voudrait que la FED donne le ton aux autres banques n’est donc pas (toujours) rationnelle. « Pour qu’une banque centrale soit crédible, il faut que la fonction de réaction soit bien expliquée, qu’elle soit bien comprise par les marchés financiers. Elle doit agir en ligne avec cette fonction de réaction », ajoute l’expert.
La BCE n’avait donc pas à attendre la FED qui prend en compte l’emploi, la croissance, le prix des actifs dans sa région pour faire son choix. C’est d’ailleurs l’attente de ces paramètres qui expliquent la différence de timing entre les deux institutions. Pour l’heure aucun signe ne montre quelle sera la décision finale prise par la FED.
Les investisseurs attendent la suite
Quoi qu’il en soit, de son côté, la BCE amorce une stratégie de baisse des taux. Attention toutefois, elle reste loin d’être acquise. « [Ce premier assouplissement] ne veut pas dire que l’on entre dans un cycle de baisse », rappelle d’ailleurs Alexandre Baradez, responsable des analyses de marchés chez IG France. Joachim Nagel, président de la Banque centrale allemande, et nombre d’autres économistes le rejoignent d’ailleurs dans sa réflexion.
Ce qui fera prendre la décision à la BCE de poursuivre ce cycle d’abaissement, ce n’est autre que l’inflation dans la zone euro. En mai, elle s’établit à 2,6 % sur un an et semble ainsi marquer un palier dans son ralentissement. L’objectif des 2 % fixé par l’institution est encore loin. Si l’on en reste là, Christine Lagarde pourrait décider de ne baisser ses taux qu’une fois par trimestre pour arriver à 3,35 % fin 2024. C’est en tout cas ce que prévoit Holger Schmieding, analyste chez Berenberg.
De manière générale, ce que l’on peut remarquer, c’est que la BCE semble prendre ses décisions par elle-même et indépendamment des positions de la FED. Une « liberté sur le timing et sur le rythme » précieuse selon François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.