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Par Anissa Fedji, doctorante contractuelle à l’IAE de Caen et Olivier Badot, professeur à l’ESCP Business School et à l’IAE de Caen et directeur de la Chaire ESCP « Retailing 4.0 ».
TRIBUNE. Les récentes annonces de suppression de postes chez Auchan ainsi que la vente et la fermeture de magasins Casino ont de nouveau secoué le paysage de la grande distribution en France. En première ligne de cette crise structurelle : l’hypermarché, un format qui fait l’objet de représentation pour l’avenir allant des scénarios des plus sinistres, lorsqu’ils anticipent sa disparition, aux plus optimistes, lorsqu’ils constatent que, malgré tout, les consommateurs restent attachés au magasin physique.
Du lien et de l’hyper-technologie au service de l’expérience
Premier constat : les dynamiques de consommation ont changé. À l’ère du consommateur hyperconnecté, les attentes évoluent vers davantage de service, de personnalisation et de praticité. Ainsi, le modèle du « tout sous le même toit » ne suffit plus. L’hypermarché de 2030 pourrait intégrer des espaces combinant le meilleur des petits commerces locaux, artisanaux et de la technologie. On peut imaginer des corners animés par des artisans locaux, créant un lien émotionnel avec les clients tout en permettant de diversifier l’offre. Ces interactions physiques pourraient être enrichies par des outils numériques. Notamment grâce aux applications mobiles qui permettraient aux clients de personnaliser leur parcours d’achat, tandis que la reconnaissance d’objets et les capteurs intelligents pourraient aider à fluidifier les paiements et la logistique. La technologie pourrait donc jouer un rôle central dans cette transformation en faisant de l’hypermarché un hub phygital. Néanmoins, l’économie du commerce montre combien le commerce destiné au grand public s’accommode assez mal d’un excès de technologie en magasin, tant pour des raisons de capacité à le financer que d’expérience de magasinage encore très dépendante de la relation aux prix et aux produits.
Un format plus compact et hybride
La baisse de la fréquentation et donc de performance de l’hypermarché s’explique par le fait que les consommateurs ont progressivement privilégié des formats plus compacts (entre 6 000 m² et 8 000 m²), à l’offre alimentaire plus ciblée et aux coûts d’accès réduits et permettant un parcours d’achat fluide et rapide. A l’avenir, les espaces gagnés dans les hypermarchés devraient pouvoir être affectés à des fonctions logistiques pour les livraisons e-commerce (beaucoup plus le drive que la livraison à domicile peu efficiente en matière de produits alimentaires et de grande consommation) et créer des espaces physiques conviviaux permettant de créer du lien social.
Plus de services pour un recentrage sur la durabilité
Le modèle économique de l’hypermarché de demain devrait également répondre à des impératifs environnementaux et sociaux. Les hypermarchés pourraient devenir les vitrines de l’économie circulaire, en intégrant des espaces dédiés au vrac, à la consigne, à la réparation ou au recyclage. Cette évolution répond à la quête de sens des consommateurs, désireux de participer activement à un commerce plus responsable… même si le modèle économique de la grande distribution repose surtout sur des économies d’échelle et la standardisation des process.
L’ultime défi : la réconciliation avec le consommateur
En définitive, le défi majeur sera de réconcilier l’hypermarché avec un consommateur en désaffection pour ces vastes « usines à vendre » du passé. Pour y parvenir, les espaces devront être repensés comme des lieux de vie, ancrés dans les territoires et porteurs d’expériences agréables. Loin d’être condamné, l’hypermarché a toutes les cartes en main pour devenir une pierre angulaire du commerce de demain, à condition de prendre résolument le virage de l’innovation et de l’agilité.