Protectionnisme américain : quels impacts pour les entreprises européennes ?

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« Un séisme pour le monde ». Au lendemain de l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis, en novembre 2016, nos confrères du Monde titraient sans équivoque. Deux ans après, quels impacts les décisions du « président orange » ont-elles sur les entreprises françaises et européennes ?

«Make America great again. » La promesse du candidat Donald Trump ne faisait pas mystère de ses intentions : une fois élu, son objectif serait clairement de privilégier les intérêts américains. À l’appui, une campagne axée sur le rejet de la mondialisation et des accords de commerce international. Et déjà, PME comme grands groupes français pouvaient manifester des craintes, tant l’enjeu est important : les États-Unis sont la première destination de leurs investissements directs à l’étranger, hors UE, d’après les chiffres du gouvernement hexagonal. Les échanges entre les deux pays représentent environ 120 milliards de dollars chaque année et concernent principalement les secteurs de l’aéronautique, du luxe, des produits chimiques et de l’agroalimentaire.

Craintes fondées ou écran de fumée ?

Près de deux ans après son élection, le président a-t-il tenu ses promesses de campagne ? S’il multiplie les déclarations fracassantes, il a parfois joint le geste à la parole, notamment par la mise en place de nouveaux tarifs douaniers sur les importations d’aluminium et d’acier à destination du territoire américain. Une mesure qui touche de plein fouet l’Union européenne et le Canada. Les exportations de l’Union européenne vers les États-Unis pourraient ainsi passer, selon une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), de 5,6 milliards en 2017 à 3,8 milliards sur le court terme, et 2,2 milliards si la surtaxe imposée devait durer. Fin mai, la Maison-Blanche a annoncé envisager des taxes douanières sur le secteur automobile, de quoi déclencher de vives réactions au sein de l’Union européenne. En réaction, la Commission européenne pourrait mettre en place des taxes supplémentaires sur certains produits américains comme les Harley Davidson, le bourbon, les produits agricoles ou des appareillages issus de l’industrie sidérurgique. Mais si le ton continue de monter dans le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, la situation pourrait se détendre un peu entre Européens et Américains. Cet été, Donald Trump et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, se sont entendus pour mettre fin à la surenchère sur les droits de douanes. Les discussions se poursuivent et un accord précoce sera peut-être trouvé, même s’il est peu probable qu’il conduise les États-Unis à retirer les droits de douane sur l’acier et l’aluminium.

Des entreprises françaises « victimes collatérales »

L’été 2018 a également vu la mise en place de nouvelles sanctions économiques de l’appareil américain contre l’Iran. Toute entreprise vendeuse de biens ou de services concernés par cet embargo doit désormais rompre ses liens commerciaux avec l’Iran, sous peine de se voir refuser l’accès au marché américain. Premiers concernés : les constructeurs automobiles français qui vendent près de la moitié des voitures neuves de l’Iran. PSA a annoncé qu’il suspendait ses activités (moins de 1 % de son chiffre d’affaires) dans le pays. Renault, même en réduisant fortement la voilure, ne compte pas abandonner le marché iranien. Côté aéronautique, si Airbus va supporter la perte grâce à un carnet de commandes rempli, d’autres constructeurs plus modestes, comme ATR, risquent d’en pâtir. Une seconde salve de sanctions, cette fois à l’encontre des hydrocarbures, devrait entrer en vigueur en novembre. De quoi conduire par exemple Total à se désengager de l’exploitation d’un gisement gazier. « Cette décision a déjà conduit de nombreux opérateurs européens, qui ont des marchés ou des actifs aux États-Unis, à se conformer par anticipation à ces sanctions et à se retirer d’Iran », souligne Philippe Bonnecarrère, sénateur du Tarn et auteur du rapport d’information sur l’extraterritorialité des sanctions européennes, rendu le 10 octobre. « En outre, de nombreuses PME ne trouvent plus auprès des banques les financements nécessaires par crainte pour celles-ci d’être sanctionnées, alors même que certaines opèrent dans ces secteurs non soumis à sanctions : produits agro-alimentaires ou médicaments. »

Quelles réactions de l’Europe ?

Parmi les réponses, la Commission européenne a mis en avant une loi dite de « blocage ». Elle interdit aux entreprises européennes de se plier à l’embargo unilatéral des États-Unis en Iran et ouvre aux sociétés le droit à indemnisation si elles subissent les conséquences des sanctions américaines, dont l’effet « extraterritorial » est considéré comme illicite par le droit international. Parce que les États-Unis ne peuvent pas malgré tout interdire unilatéralement aux entreprises d’autres pays de commercer avec l’Iran. « Cette loi ne protège pas les entreprises contre l’exécution de sanctions américaines sur le territoire américain. Quant au droit à réparation lorsque les intérêts économiques ou financiers sont affectés par les sanctions américaines, il semble en l’état dépourvu d’effectivité », note Philippe Bonnecarrère. L’Union européenne travaille également à la mise en place d’une plate-forme comptable pour enregistrer les transactions sans échanges financiers, ce qui aurait pour effet de neutraliser les sanctions américaines. Avant d’envisager l’opportunité de s’installer aux États-Unis, de commercer avec eux mais aussi avec d’autres pays, les entrepreneurs français devront donc suivre avec attention l’évolution de la politique fiscale et commerciale de la nouvelle administration américaine afin d’adapter leur stratégie d’exportation.

Émilie Massard

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