Les start-up réinventent la mobilité

Un avenir possible sans le rail ?
Un avenir possible sans le rail ?

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Hermès 2.0

Les start-up des transports n’échappent pas à la lame de fond du numérique : la personnalisation et le service à la demande. Toutefois, elles densifient les formes de mobilités et pourraient bien accoucher de nouveaux modes de transport.

La téléportation reste un fantasme, n’en déplaise aux fans de Star Trek. Pourtant les innovations dans le transport sont légions. Pensez à la livraison de colis par drone qui se réalise à titre expérimental dans le Var grâce à Geopost, filiale du groupe La Poste, qui permet aujourd’hui d’atteindre des territoires enclavés. Songez aux navettes électriques sans chauffeur de la start-up Lyonnaise Navya ou à celles d’EasyMile naviguant sur les sites industriels, les parcs d’attractions ou les sites privés qui embarquent des salariés sur des distances de plusieurs kilomètres. Imaginez encore la ville de Dubaï qui à compter du mois de juillet prochain proposera à ses visiteurs de se déplacer à bord des Ehang 184, ces drones-hélicoptères autonomes capables d’embarquer un passager. Rêvez enfin au projet d’« Hyperloop » lancé par l’électron libre Elon Musk en 2013 qui vous ferait parcourir Paris-Marseille en un peu plus d’une demi-heure à plus de 1200 km/h en vitesse de pointe dans des pipes propulsant votre cabine via un système de coussins d’air. La révolution est en marche. Et l’âge d’or de la diligence au XIXème qui a ensuite fait place à celui de l’omnibus semble faire partie de la préhistoire des transports bien que notre réseau ferré tienne encore pour beaucoup au plan Freycinet. En 1848, ce type de train parcourait 30 km en une heure contre 15 km pour la diligence. Les 770 kilomètres qui séparaient Paris de Marseille s’évaluaient encore en journées… Pourtant, le rail et la route ne sont pas près de disparaître. La révolution des transports n’élude pas la question des infrastructures. Et leurs petites sœurs intelligentes sont encore loin d’être opérationnelles. Tout comme la voiture a encore de beaux jours devant elles malgré l’essor des pratiques collaboratives comme l’attestent les chiffres de l’INSEE. En 1990, 73% des Français possédaient au moins un véhicule et 25% au moins deux. En 2014, les chiffres grimpent respectivement à 83% et 35%. Sans oublier le fait que la population française a cru depuis.

Personnalisation de la mobilité et services à la demande

Les déplacements sont devenus plus complexes. Coté particuliers, il s’agit de savoir jongler avec la multi-modalité et donc plusieurs moyens de transport pour trouver le meilleur ratio confort/prix/temps. Le renouveau des transports en commun et les transports en libre accès ont aussi concouru en parallèle à changer le visage de nos déplacements. Pour le fret de marchandises, la grande révolution se joue à l’ombre des plateformes multimodales où les logisticiens regorgent d’ingéniosité pour répondre au mieux à la rupture de charge entre deux moyens de transport, aux premier et dernier kilomètres, à l’entretien et à la rénovation des infrastructures. Les mobilités se sont encore complexifiées avec l’injection des technologies numériques, de l’intelligence artificielle et des plateformes d’intermédiation si bien qu’en 2017, la révolution des transports est peut être aussi brutale que celle du XIXème siècle. Nombre de start-up se concentrent ainsi sur les problématiques de congestion ou d’engorgement des territoires – vive les calculs de trajet en temps réel –, l’équilibre entre les métropoles et le périphérique, le déplacement des services vers les usagers –  –, sans oublier les nouvelles manières de consommer les moyens de déplacement liés à nos modes de vie plus nomades sur des temps plus courts. Des services à la demande ont émergé depuis longtemps : Blablacar dans le covoiturage pour ne plus le présenter, Uber, ou le Français AlloCab pour le transport de personnes mais également Deliveroo, Foodora ou encore DacOpack pour le transport de marchandises ou de denrées périssables. Frédéric Morcillo, fondateur de DacOpack, start-up spécialisée dans l’envoi de colis créée en 2015 et qui fédère aujourd’hui 20000 usagers dans sa communauté, complète : « Les plateformes permettent une personnalisation de l’offre. Le marché dans lequel nous œuvrons est en pleine mutation avec l’essor du collaboratif. Mais la recette est toujours la même : utiliser les ressources existantes sur les routes pour créer une demande complémentaire où professionnels et particuliers peuvent trouver une alternative. L’idée pour lancer DacOpack était de chercher autour du flux de transports une activité  qui pouvait répondre à des besoins liés aux premier et dernier kilomètres dans un contexte où 25% véhicules roulent à vide et la moitié à 50% de sa capacité. »

Dans un autre créneau, Padam fait partie de ces start-up qui concilient autonomie et service à la demande. La start-up propose un service de transports en minibus partagés en développant des logiciels de simulation et algorithmes, capables d’optimiser en temps réel et en fonction de la demande une flotte de véhicules circulant sur un territoire donné. La connectivité appelle aussi de nouveaux modèles de mobilités. La start-up Xee a conçu un boîtier qui connecte votre véhicule à votre smartphone pour avoir accès à des fonctionnalités qui facilitent les trajets : localisation, appel en cas d’urgence en cas de problème, « alerte effraction », et alerte « phares allumés », etc. Dans la même veine, les start-up incubées chez Impulse Partners ont développé de nouvelles solutions comme Ouihop’, application d’auto-stop urbain, TravelCar dans l’auto-partage, le parking gratuit et services associés, City Locker, société de consignes à bagages urbaines 100% automatisées,

WayzUp, application mobile de covoiturage domicile-travail, Qucit, collecte de données urbaines dans des modèles d’intelligence artificielle et prédictions ou encore WeNow, solution connectée pour éco-conduite. En parallèle, l’intégration du potentiel des objets connectés tend de plus en plus à inverser les mobilités. Derrière cette nuance, il s’agit de décrire l’ensemble des entreprises qui offrent des services mobiles. Tel est le cas de nombreux domaines d’activités parmi lesquels on retrouve la médecine et les soins, la culture, les loisirs, les services administratifs, etc. Ce type de solutions concourt à la décongestion des routes. Mais persiste la question de l’apport de ces solutions. Gadget ou innovation disruptive ? A ce sujet, Joséphine Dupayrat en charge du lab Mobilités et Infrastructures chez Impulse Partners analyse : « Cela dépend des innovations. Certaines solutions sont innovantes par les moyens qu’elles utilisent (les nouvelles technologies numériques, principalement), tout en exerçant la même activité, le même métier que les solutions traditionnelles. D’autres sont révolutionnaires en ce qu’elles s’appuient sur de profonds changements de société, de nouvelles tendances et de nouvelles valeurs. La question écologique peut faire partie des deux catégories selon que l’innovation représente une amélioration en termes de performance, ou bien une offre radicalement nouvelle ».

Quelques cailloux dans l’autoroute de la mobilité

Une étude de l’ONU indique que d’ici 2030, la population urbaine devrait dépasser le seuil des 60% de la population mondiale, voire celui des 70% en 2050. Cette concentration urbaine galopante nécessite le développement de mobilités douces et d’usages mutualisés… Certaines start-up de la mobilité et des transports vont dans ce sens mais ne semblent pas être déployables à grande échelle. Le Sea Bubble imaginé par l’inventeur de l’Hydroptère, Alain Thebault, est un petit véhicule, silencieux et écologique, doté d’ailes sous-marines qui lui permettent de « flotter » au-dessus des flots à une vitesse située autour des 15 km/h. Une manière de désengorger les centres-villes saturés lors des pics de circulation ? Attendus pour mars, les Sea Bubbles seront finalement expérimentés cet été sur la Seine pour un test de 15 jours maximum.

Comme un symbole depuis notre récente élection présidentielle, l’actuel ministère des Transports est sous la tutelle de celui de l’Environnement. Navya ou Easymile s’inscrivent dans cette tendance. Pour Navya, ce mode transport collectif sans chauffeur peut rouler jusqu’à 45km/h en toute sécurité, principalement sur des sites privés en raison de la législation actuelle. Question sécurité, la navette est équipée de la dernière génération de capteurs qui lui permettent de se repérer dans l’espace, se positionner de façon précise, détecter les obstacles sur la route ou la signalisation. Elle est par ailleurs en mesure de communiquer avec l’extérieur (piétons, automobilistes…), par le biais de feux de signalisation et d’écrans. Nicolas de Crémiers, directeur marketing de la start-up lyonnaise, ajoute : « Nous complétons les mobilités et les formes de capillarité en densifiant les premier et dernier kilomètres, mais nous n’avons pas vocation à remplacer ce qui existe ». A ce jour, 35 navettes sont en circulation au quotidien sur les cinq continents. Une implémentation qui permet également de comprendre les comportements du véhicule dans des configurations météorologiques et géographiques distinctes. Et un fleuron français sur le marché de la navette autonome qui fait partie des trois pionniers leaders avec la française Easymile et l’américain Local Motors.

Le frein des usages : une réglementation toujours en retard ?

Qui ne souvient pas du bras de fer entre G7 et Uber ? Cette valse-hésitation judiciaire peut s’appliquer à de nombreux autre cas. Ici, le législateur semble jouer le levier de frein à main à l’innovation. « Pour s’éviter les foudres des transporteurs et du législateur, nous limitons les prestations aux frais réels. Nous avons décidé de nous aligner sur les mesures à l’oeuvre dans le covoiturage, c’est à dire développer une solution écologique et économique sans faire du business, parce que pour l’instant la réglementation est ouverte. Mais jusqu’à quand ? », s’interroge prudemment Frédéric Morcillo.

Pour Navya, le problème de législation concerne le sujet de la sécurité sur  route ouverte. « Aujourd’hui tout est fait en France pour les véhicules à volant et pédales. La Navya Arma n’a ni chauffeur, ni volant, ni pédales. Et aujourd’hui, la législation est faite dans la logique de la possibilité de reprise en main manuelle du véhicule, quel qu’il soit. Pour coller à la législation, nous devrions mettre un opérateur qui peut agir si besoin. La loi joue pour beaucoup dans l’adoption de la technologie », précise Nicolas de Crémiers. Sans oublier l’interdiction de voler en France, par défaut de législation, sauf conditions ultra-restrictives, de Frankie Zapata avec son flyboard qui a en déjà vendu 10 000 dans le monde.

Certaines start-up ne se découragent pas pour autant et vont même jusqu’à se retrousser les manches pour évangéliser et implémenter de nouvelles formes de mobilités. Comme l’atteste la très prometteuse BMCP spécialisée dans l’aide à l’adoption d’innovations disruptives dans les transports notamment en matière de véhicules autonomes.

La création d’« océans bleus » dans les infrastructures et les technologies de pointe

Les idées fusent également sur le terrain des infrastructures et accouchent de nouveaux modèles qui viennent en aide à l’existant. A l’image de Kawantech qui met en œuvre un module électronique permettant aux lampadaires d’éclairer seulement en présence d’humain. Jean-Marc Gaubert est, lui, fondateur d’Atmosphère, start-up toulousaine qui développe la connectivité dans l’aviation. « En 2009, la connectivité a bord était relativement confidentielle. Aujourd’hui, le taux d’équipement au sein des appareils est de 70% voire 80% d’appareil connectés. Nous avons développé notre propre plateforme de services : logiciels, services, réseaux, et agissons sur les phases de test en vol. Nous avons quelques applications en commercial jet comme chez Lufthansa où nous collectons des mesures de chimie d’atmosphère. Et nous avons adapté notre plateforme applicative pour la NASA pour une campagne d’essai en vol entre janvier et février 2017. »

Les jeunes pousses s’épanouissent également sur terre. Comme le prouve Leyfa Measurement. Alban Leymarie, l’un des deux cofondateurs vulgarise : « Nos travaux de fin d’études ont intéressé SNCF Réseaux. Nous voulions transformer l’essai et à l’heure où l’essentiel de l’innovation se réalise dans l’aide à la mobilité, nous avons choisi le créneau des infrastructures et réseaux ». Une nécessité lorsque l’on sait que les 50000 km qui composent le réseau classique sont hérités du plan Freycinet. D’autant qu’une étude prospective sur l’état du réseau réalisée par l’école Polytechnique de Lausanne évoquait une perte de 70% du réseau à dix ans. Aujourd’hui, « un kilomètre de réseau rénové coûte 1,2 millions d’euros. 1500 km sont rénovés chaque année. Notre solution a permis de faire des relevés avec un rendement cinq fois supérieur tout en minimisant le danger via la conception d’un chariot intelligent. Notre développement se poursuivra selon une concentration verticale et le développement de prestations clé en main où nous voulons devenir un partenaire de la maitrise d’œuvre des travaux », conclut le cofondateur de Leyfa Measurement. Autant de nouveaux modèles d’affaires qui nous feront patienter en attendant la voiture volante.

Geoffroy Framery

 

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