Anticiper la dépendance et la perte d’autonomie

Ceux qui anticipent ces temps difficiles ont encore des profils assez rares…
Ceux qui anticipent ces temps difficiles ont encore des profils assez rares…

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Winter is coming…

La perte d’autonomie et la dépendance sont des enjeux majeurs de santé publique. Et il reste beaucoup à faire.

Le constat est alarmant : la population de personnes âgées souffrant de perte d’autonomie s’élève déjà à 1,2 millions, selon l’Insee et la Drees. Et d’ici 2050, ils seront plus de 2 millions… soit près du tiers de la population de plus de 60 ans. Autant dire que tout le monde, statistiquement, est concerné par la perte d’autonomie et de dépendance, que ce soit par la sienne propre ou par celle d’un membre de sa famille. Malheureusement, par manque d’information, peu de personnes se préparent à l’affronter.

Labyrinthe administratif

« Beaucoup s’imaginent que l’État prend tout en charge, décrit Isabelle Delanney, présidente de SPB Family. Or c’est loin d’être le cas, et – a priori – ce le sera de moins en moins… Mais ce n’est pas connu. Il y a un fort besoin de communication sur ce qui est pris en charge, ce qui ne l’est pas, et sur ce qu’est la perte d’autonomie et comment la gérer… » Et malheureusement, la situation actuelle n’est pas vraiment enthousiasmante. La perte d’autonomie est gérée au niveau du département, et les démarches sont loin d’être simples. Pour bénéficier des aides, il faut être reconnu comme en perte d’autonomie, ce qui fait l’objet d’une inspection (délai : entre 4 à 8 mois), qui attribue également un degré de perte – appelé Gir, et gradué de 4 (légère) à 1 (générale) -, inspection qui doit être renouvelée quand la situation évolue, ce qui est toujours le cas… Et il faut penser à organiser l’assistance. « Les Ehpads ne constituent qu’une partie de la solution : ils coûtent cher, et ne conviennent qu’aux personnes classée Gir 3 ou 4 ; en cas de grande dépendance, l’accueil s’effectue dans des unités de soin de longue durée, et on en compte tout au plus une à deux par département », souligne Jérôme Ripoll, président de l’association France Dépendance. De fait, l’hospitalisation au domicile est largement favorisée, y compris par les personnes dépendantes elles-mêmes. Et la bonne nouvelle, c’est que pour le coup, l’État fait beaucoup. Par exemple, la Sécurité Sociale peut prendre en charge un lit médicalisé, une chaise percée, etc. ; elle couvre également (grâce au SIAD, Soins Infirmiers à Domicile) trois visites quotidiennes. Tout cela coûte de l’argent – beaucoup d’argent. Un mois en Ehpad coûte – au bas mot – 3 000 euros… Et si l’État offre bien une aide – l’APA, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie -, celle-ci s’avère le plus souvent insuffisante pour couvrir les besoins : une personne âgée aux minima sociaux recevra au maximum 1 800 euros par mois. Si les aides sont déjà, aujourd’hui, insuffisantes, qu’en sera-t-il dans 20 ans ?

Les assurances dépendance encore timides

Face à ce constat, il ne reste véritablement qu’une seule solution pour se prémunir : le secteur privé. Il existe quelques produits, mais le choix est encore mince, et peu évident à lire. Ils payent peu, de façon variable, sont à fond perdu (la rente ne se déclenche qu’en cas de perte d’autonomie) et il n’existe pas de contrat-type, ce qui rend la comparaison difficile. En fait, « les taux techniques bas de l’assurance ne favorisent pas le développement d’un produit centré sur la dépendance ; par lui-même, il est déficitaire, souligne Isabelle Delanney. Et surtout, les assureurs sont confrontés à un manque de visibilité : avec les pathologies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer…), notamment, la lisibilité du risque est complexe. » Malgré ces obstacles, un certain nombre d’acteurs se sont lancés : Maif (Praxis), Macif (Garantie Autonomie), MAAF (Aviseo), Crédit Agricole (Vers l’Autonomie), Aviva (Aviva Capital Dépendance), Groupama (Groupama Autonomie), ou encore des mutuelles comme Humanis (Capital Dépendance et Rente Dépendance). Un label (GAD Assurance dépendance) a été créé, pour unifier les termes employés et certaines prestations, ce qui rend le marché plus lisible. Il existe même aujourd’hui des comparateurs sur le web.

Malgré ces progrès, ces produits restent très peu souscrits – 1,6 millions de contrats à fin 2014 – ce qui les grève considérablement. La faute à la complexité du marché, au manque de connaissance sur le sujet, et aussi parce que les gens pensent être déjà couverts, que ce soit par leur mutuelle ou par l’État. Cependant, sous la pression de certains acteurs du secteur et d’associations, le marché devrait se développer, en partie parce que l’État, à cours d’argent et ne pouvant pas augmenter les impôts, n’a pas vraiment le choix. « Une possibilité – que nous défendons – est de définir un montant de revenu au-delà duquel chacun serait responsable de prévenir sa dépendance par un système de mutuelle et d’assurance », décrit Jérôme Ripoll.

Aider les aidants

Tout ceci ne constitue qu’une face du problème. Il ne suffit pas de se prémunir contre sa possible perte d’autonomie : il faut aussi envisager la possibilité de gérer celle d’un proche. Et là encore, la situation n’est pas très encourageante. On estime qu’il y a, en France, 8,5 millions d’aidants familiaux, dont 4,3 millions s’occupant de personnes en perte d’autonomie. Leur profil moyen : une salariée de 52 ans… « Les aidants ne s’identifient pas comme tels : ils se considèrent comme des parents, conjoints… Et de la même façon, ils vont avoir tendance à ne pas prendre soin d’eux-mêmes, voire à s’isoler, alors qu’être aidant représente une lourde charge émotionnelle, psychologique et physique », décrit Dominique Fauque, directeur des opérations solidaires du service des activités sociales d’Humanis. Et pourtant, ils ont besoin d’aide. Ils s’occupent de tout – hébergement, aide financière… -, mais ne reçoivent rien, ou pas grand-chose. Près d’un aidant familial sur deux utilise ses jours de repos pour s’occuper de la personne dépendante ; et une énorme majorité font état d’une perte de vie sociale et familiale. Ils ne connaissent pas les démarches, ni les aides existantes, et l’information est dispersée et peu disséminée. L’État a créé un statut de « proche aidant », et a notamment prévu des congés pour répit, mais ils sont sans solde… Plus récemment, un don de RTT et un don de formation ont été mis en place, mais c’est encore bien insuffisant. Heureusement, pour trouver des soutiens, les aidants peuvent se tourner vers le secteur privé. Par exemple, « nous avons construit un site web – essentiel-autonomie – qui rassemble toutes les informations utiles, de façon organisée, et qui guide de façon simple le visiteur vers les démarches qu’il doit effectuer, lui fournit les formulaires, les listes des établissements appropriés… », décrit Isabelle Blaevoet, directeur de l’innovation sociale du service des activités sociales d’Humanis. SPB Family, quant à elle, s’est lancée dans un duo site web – application mobile, appelé l’Atelier des Aidants, là aussi pour informer et proposer des services… ainsi qu’une assurance (portée par Oradéa), unique en son genre, à destination des aidants, qui offre des aides (administratives et financières), du soutien, de la formation, et surtout assure, en cas par exemple d’hospitalisation de l’aidant, que l’aidé continuera d’être soutenu.

Jean-Marie Benoist

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