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Par Jean-Christophe Lambert, cofondateur et PDG d’Ascendance, start-up spécialisée dans l’aviation durable.
TRIBUNE. L’année 2025 marque le début d’un compte à rebours crucial de 25 ans pour atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par de nombreux pays et continents. Alors que l’industrie prend pleinement conscience de l’ampleur des efforts nécessaires pour y parvenir, les stratégies actuelles en matière de neutralité carbone feront l’objet d’une révision en profondeur. Certaines initiatives seront abandonnées au profit de plans plus ambitieux et réalistes, capables de réduire significativement les émissions de carbone
En 2025, la feuille de route pour la décarbonation de l’aviation sera influencée par plusieurs facteurs majeurs :
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Une accélération de la production et de l’adoption des carburants d’aviation durables (SAF), qui est aujourd’hui insuffisante pour répondre aux objectifs
Bien que les annonces soient très ambitieuses, une explosion soudaine de la production de carburant d’aviation durable (SAF) n’aura pas lieu en 2025. Certes, la production de SAF augmentera conformément aux engagements pris par divers organismes et gouvernements internationaux – exemple de l’exigence demandée aux fournisseurs de carburant dans les aéroports de l’UE et du Royaume-Uni d’atteindre collectivement un mélange de 2 % de SAF dans leur mix de carburant total à partir de 2025 –, mais une explosion soudaine de cette production est peu probable. Les technologies de fabrication et de production des SAF ne sont pas encore assez matures pour un développement rapide. Par conséquent, en 2025, l’attention se portera sur comment optimiser l’utilisation de ces faibles volumes de SAF notamment grâce au développement de nouvelles technologies de propulsion, tout en réduisant les émissions dans d’autres domaines de la chaîne d’approvisionnement aéronautique.
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Les nouvelles technologies aériennes plus durables, ouvriront la voie à une transformation en faveur de la mobilité régionale
Quelques entreprises espèrent voir leurs avions entièrement électriques voler dès 2025. Cependant, même si cela se concrétise, les limites de ces technologies deviendront rapidement apparentes. Le poids des batteries réduit drastiquement la portée de ces avions, limitant leur utilisation à des trajets très courts. De plus, le manque d’infrastructures de recharge dans les aéroports, combiné aux longs temps de recharge, entravent leur capacité à atterrir et décoller rapidement, indispensable dans le secteur aérien.
Les innovations en faveur du tout électrique ont permis de tirer des enseignements précieux pour les années à venir, notamment car elles soulignent les limites de cette technologie en raison des contraintes liées aux batteries. En revanche, des solutions existent avec l’hybride en combinant les avantages de l’électrique avec la flexibilité des moteurs à combustion, qui n’ont pas les mêmes contraintes. Elles offrent ainsi un réel potentiel de décarbonation progressive et de transformation de la mobilité régionale, tout en répondant aux besoins spécifiques de secteurs comme le transport médical ou le fret. Face aux défis à venir du tout électrique, les investissements vont se rediriger vers des solutions hybrides plus prometteuses, permettant d’avoir un impact positif sur l’aviation d’aujourd’hui et de demain et ainsi contribuer à atteindre les objectifs fixés par la feuille de route de l’IATA pour 2050.
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Année cruciale pour le développement de la filière aéronautique en Europe, face à la Chine et aux États-Unis.
L’industrie aéronautique mondiale est en pleine mutation. L’Europe, qui a longtemps été le berceau d’innovations majeures dans l’aviation avec des acteurs historiques tels qu’Airbus, ATR ou encore Daher, se trouve aujourd’hui fortement concurrencée, surtout dans le segment émergent de la mobilité aérienne régionale.
Bien que l’Europe ait démontré sa capacité à innover avec le succès d’Airbus face à Boeing, créant ainsi un duopole mondial, sa position dans les nouvelles mobilités aériennes met plus de temps à s’installer. Les difficultés rencontrées par certains jeunes constructeurs européens illustrent les défis auxquels fait face l’écosystème.
Les États-Unis, grâce à leur écosystème de financement important, voient émerger de nombreuses start-up. Leur approche associant investissements privés massifs et soutien gouvernemental crée un environnement particulièrement favorable à l’innovation. D’autre part, l’émergence chinoise se concrétise, avec une stratégie industrielle agressive. Le pays ne se contente plus d’être un marché ou un sous-traitant : avec le COMAC C919 et ses investissements dans les nouvelles technologies aéronautiques, la Chine s’affirme comme un concurrent sérieux du duopole historique.
L’année 2025 apparaît comme décisive, particulièrement pour l’Europe. Cette période charnière pourrait redéfinir les équilibres mondiaux dans l’industrie aéronautique pour les décennies à venir, avec des implications majeures pour la compétitivité européenne dans ce secteur stratégique.