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En s’appuyant parfois sur l’exemple de notre vie politique, le négociateur Jean-Pierre Veyrat explique aux entrepreneurs le b.a.-ba de la négociation.

Proche conseiller du GIGN, Jean-Pierre Veyrat est un grand nom de la négociation à la française. Citons son ouvrage Tina – un modèle de négociation en situation conflictuelle, édité par sa société, Negorisk.

Jean-Pierre Veyrat n’a pas l’air comme ça. Avec son air de « Monsieur Tout-le-monde », l’animal cache bien son jeu. Il s’agit pourtant d’un négociateur hors de pair, très prisé par les hautes-sphères du GIGN. Célèbre pour avoir conceptualisé la méthode de négociation TINA*, Jean-Pierre Veyrat continue aujourd’hui à conseiller certains gros poissons de la finance, grâce à sa société Negorisk, installée dans le quatorzième arrondissement de Paris.

Les politiques sont entrés en négociation captive

Lors du déjeuner dans son adresse habituelle – un restaurant coréen – notre homme s’agace, chafouin. « Les nouvelles sont mauvaises… » Et pour cause ! Dans les journaux du matin, Veyrat a lu les chroniques politiques à propos de la nomination du futur gouvernement. Le grand cirque. « Plusieurs négociations ont été mises en jeu par le Front populaire. Entre eux, il y a eu une négociation captive qui a débouché sur le barycentre Lucie Castets, c’est-à-dire le plus petit dénominateur commun. »

Et de poursuivre : « Ce qui est extraordinaire dans la négociation, c’est que quelqu’un qui n’a aucune chance peut gagner. » Jean-Pierre Veyrat ne savait pas comme il avait raison. Deux jours plus tard, revenu du diable vauvert, l’inénarrable Michel Barnier sortait du chapeau à la surprise générale…

« Le tout-négociation dans le monde de l’entreprise devient insupportable »

Le monde de l’entreprise n’est pas non plus sans agacer ce maître de la négociation. « Le problème, c’est que maintenant tout le monde veut négocier ! Mais ça devient dingue ! Il faut d’abord qu’il y ait un désaccord… Et ensuite, on doit se mettre d’accord sur le désaccord. Bien délimiter le terrain. »

Veyrat expose son analyse : « Dans une négociation, on a intérêt à rappeler les convergences. Cela insuffle une dynamique positive. Ensuite, on se concentre sur les points de divergence et on va tenter de les réduire peu à peu. Mieux vaut commencer par le plus gros morceau, par là où il y a un vrai enjeu. La méthode des petits pas n’est pas toujours à préférer. Dans tous les cas, on procède par étape, car il est impossible de traiter plusieurs problèmes à la fois. »

La vente est le fondement de toute activité commerciale

Jean-Pierre Veyrat
Jean-Pierre Veyrat et Margaret Thatcher, inspiratrice de la fameuse méthode TINA. (Crédits : BSPK – Shutterstock).

Jean-Pierre Veyrat insiste sur la séparation essentielle entre la vente et la négociation. « Si je suis un chef d’entreprise et que je vais voir un client, c’est pour vendre, pas pour négocier. Sinon c’est une sale mentalité, une attitude de perdant. Je ne vois pas pourquoi je déciderai tout de suite qu’il doit y avoir une négociation, on peut très bien avoir des arguments et réajuster quelques points seulement. » Et de citer l’attitude récente d’Édouard Philippe : « Là où sa déclaration de candidature est intéressante, c’est qu’elle ne procède pas de la négociation, il fonce, se vend, ne passe pas son temps à négocier. »

Décidé à enfoncer le clou, Jean-Pierre Veyrat précise sa pensée : « Quitte à enfoncer des portes ouvertes, il est bon de rappeler que le tout premier souci d’une entreprise – et sa raison d’être économique – est la réalisation d’un chiffre d’affaires, lequel à l’évidence est obtenu grâce à la compétence et la performance de sa force de vente. La vente est le fondement de toute activité commerciale, le vendeur son fer de lance. Le négociateur vient s’inscrire dans sa continuité en lui assurant les interlocuteurs et le référencement de ses produits. » Espérons que les chefs d’entreprise ne confondront plus la vente et la négociation.

Y a-t-il un moment où une négociation doit s’arrêter car vouée à l’échec ? « Il faut l’arrêter quand on le sent. C’est une affaire d’instinct. Voilà pourquoi il faut écouter les silences. Il y a des négociateurs qui ne savent pas se taire ; c’est un immense handicap. » Jean-Pierre Veyrat est allergique à toute espèce de langue de bois mortifère.


*Comprendre d’un coup d’œil l’incontournable méthode TINA

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