Des rendus qu’il fallait savoir attendre longtemps, parfois très longtemps…
Des rendus qu’il fallait savoir attendre longtemps, parfois très longtemps…

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Nouvelle donne ?

Les litiges entre employeurs et employés se règlent dans les salles de conciliation du Conseil des prud’hommes (CPH). Et les procédures longues et parfois douloureuses pour les deux parties devraient évoluer grâce à la loi Travail…

Patrick D. se présente à l’accueil du Conseil des prud’hommes de Lyon pour déposer un dossier à l’encontre de son employeur. Il réclame le paiement d’heures supplémentaires à l’entreprise qui l’emploie depuis plus de dix ans, comptant faire respecter son contrat de travail. Il remplit succinctement un formulaire, et la procédure est lancée pour… plusieurs mois. « 99% des saisines émanent des employés lors d’un désaccord au moment de la rupture du contrat de travail ou pour faire appliquer le contrat de travail », constate Pierre Vion, vice-président, collège employeurs, du Conseil des prud’hommes de Lyon, le premier à avoir été créé par Napoléon 1er en 1806. « Mais quelques employeurs font également appel au Conseil pour régler des affaires liées à la rupture d’un contrat d’apprentissage, quand un apprenti ne se présente plus à son poste, pour le non-respect d’une clause de non-concurrence par un ex-collaborateur ou encore pour le non-respect du préavis par un salarié qui quitte l’entreprise », ajoute-t-il. Les affaires traitées dans l’antre des conseils prud’homaux reflètent l’activité économique du territoire. « Il y a dix ans, Lyon voyait en majorité des dossiers dans sa section Industrie car c’était un secteur d’activité très fort en Rhône-Alpes, poursuit Pierre Vion. Aujourd’hui, la section Commerce est largement sollicitée. On constate également une montée en puissance du volet Activités diverses, avec notamment les métiers de la nouvelle économie. L’agriculture est sous-représentée dans notre juridiction. » La cinquième section accompagne les cadres, tous secteurs d’activité confondus.

Procédures à rallonge

En saisissant le Conseil des prud’hommes, Patrick D. s’engage dans un processus à différentes phases. Il sera convoqué dans cinq semaines, avec son employeur et leurs conseillers respectifs, à un Bureau de conciliation et d’orientation (BCO). Les parties sont entendues à huis clos par deux juges, l’un du collège employeurs et l’autre du collège salariés, secondés par un greffier qui prend en note les débats. « L’objectif est de trouver une solution à l’amiable selon les éléments fournis par les deux parties, explique Pierre Vion. A Lyon, 12 à 13% des affaires se règlent lors de ce premier échange, contre une moyenne nationale de 8%. » Lorsque le désaccord persiste, le demandeur et son conseiller disposent de trois mois pour un nouvel échange de pièces et de deux mois pour répondre après les premières conclusions. Huit mois plus tard, tous sont à nouveau convoqués, en audience publique cette fois-ci, pour réentendre l’affaire avec quatre juges (deux employeurs et deux salariés) et toujours un greffier. « Une procédure classique à Lyon prend en moyenne 23 mois, avance le vice-président. Des délais longs, car 60% des affaires font l’objet d’une demande de renvoi de la part des conseillers d’une des deux parties. Les défendeurs n’étant pas en état de plaider… » L’engorgement des conseils des prud’hommes serait-il « voulu » ? A demi-mot, c’est bien ce qu’il faut comprendre. Les raisons en sont variées : un salarié laisse trainer en attendant un plan de licenciement plus vaste, un employeur joue la montre pour renflouer sa trésorerie, un conseiller compte lisser son activité sur l’année… « Ces 23 mois pourraient sans problème  être ramenés à dix », affirme Pierre Vion.

La troisième étape se tient au moment du prononcé. L’ensemble des parties est à nouveau réuni pour entendre les délibérés. Si les protagonistes n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente, l’affaire est envoyée en départage, auprès d’un juge départiteur. « C’est 18 mois de plus pour 20% des affaires qui sont renvoyées dans cette procédure. » La procédure commence à coûter cher pour tous. Les frais d’avocats courent. Les juges peuvent demander d’appliquer l’article 700 qui demande le remboursement des frais engagés. « Sans parler des drames humains auxquels nous assistons, se désole Pierre Vion. Nous voyons parfois des gens dans une misère noire, que ce soit côté employeur ou employé. » Patrick D. avait demandé 100000 € pour préjudices. Il ne touchera probablement que 25000 €. Dans la très grande majorité des cas, les employés gagnent face à leurs entreprises condamnées parfois au détriment de leur pérennité, mais sans repartir avec les sommes escomptées.

La parité pour 2018

La loi Travail modifiera l’institution au 1er janvier 2018, date de la prochaine mandature. Une évolution de taille pour Pierre Vion : « Les conseillers prud’homaux ne seront plus élus comme c’est le cas aujourd’hui, mais nommés, en fonction de la représentativité syndicale. Les syndicats de salariés connaissent approximativement leur poids, c’est plus compliqué pour le collège employeurs : Medef, CGPME et UPA. » Autre changement qui va compliquer la donne : la parité hommes-femmes. « Nous n’avons que 22% de femmes sur les 141 conseillers employeurs à Lyon. Il en faudra 70 pour la prochaine mandature de quatre ans. Le dernier mandat ayant duré neuf ans, 50% des conseillers, bénévoles, seront à renouveler, avec la difficulté de trouver des femmes. Pourtant, le mandat est très enrichissant intellectuellement. On découvre des conventions collectives et des métiers que l’on n’aurait jamais côtoyés dans nos entreprises respectives. »

Enfin, un changement également noté par le vice-président lyonnais est la mise en place d’un dossier un peu plus fourni au moment de la saisie du Conseil des prud’hommes. S’il avait déposé son dossier quelques mois plus tard, Patrick D. aurait eu à apporter des pièces à son dossier et déjà des conclusions. Bref un argumentaire, mentionnant que les deux parties ont déjà discuté avant de franchir les portes du Conseil des prud’hommes, et non le simple déclenchement d’une procédure. On passerait alors d’une procédure orale à une procédure écrite. Un bouleversement qui semble chagriner le collège des salariés.

Stéphanie Polette

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