"Dans trois minutes, tout le monde descend et va vivre sa vie !"

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Qui sème bon grain récolte bon pain

Air France, Areva, EDF, Total… De plus en plus de grands groupes se mettent à l’essaimage et accompagnent leurs salariés dans leur projet d’entreprise. La preuve à la SNCF.

Dix heures trente, la machine à café ronronne au cœur de l’open-space spacieux, aux meubles de bois massif. Dans une ambiance studieuse, une petite dizaine de personnes commence à traiter les premiers dossiers. C’est ici, dans cet immeuble cossu, au cœur du triangle d’or parisien, qu’est basée SNCF Développement, la structure qui porte la filiale d’essaimage du groupe. Objectif de la journée : préparer l’instance de comité, qui se réunit la semaine suivante, comme chaque mois. C’est cette instance qui peut décider de l’octroi d’une aide financière pour soutenir l’entrepreneur.

Partir dans les meilleures conditions

Premier projet étudié : l’ouverture d’un centre d’aqua-biking en Île-de-France. Au fil d’un document d’une dizaine de pages, chaque paramètre est passé au crible : le business plan, bien sûr, mais aussi l’endettement, la formation, la situation familiale… « Le projet est déjà bien avancé, la salariée a trouvé un local et a obtenu une grande partie du financement nécessaire grâce à un apport personnel, de la love-money et un prêt bancaire », souligne William Meon, analyste financier de SNCF Développement. Alexandra* a en effet réuni 15000 euros, qui lui serviront à acheter plusieurs machines et assurer le BFR pendant les premiers mois d’activité. Elle a bien étudié le marché concurrentiel et souhaite se lancer dans ce secteur en pleine croissance… Après vingt minutes de discussions, le dossier semble bien parti pour décrocher un financement de plusieurs milliers d’euros de la part de la SNCF. Ces fonds lui permettraient d’acheter des machines anti-cellulite pour diversifier son activité. Si la salariée décide de reprendre son poste dans l’entreprise, elle devra rembourser cet argent. En revanche, si elle poursuit l’aventure, elle pourra garder les fonds. « Il ne faut pas que cet argent soit nécessaire au plan de financement de la société. C’est un coup de pouce », précise Magali Gheorghiev, chef de mission essaimage chez SNCF Développement. Mais le financement n’est pas tout. « Nous essayons de réfléchir à des petits plus apportés à l’entreprise, en proposant par exemple des solutions pour créer facilement un site Internet, ou obtenir des formations à moindre coût », explique Cyril Garnier, directeur général de SNCF Développement. Comment le salarié est-il aiguillé ? « Le premier interlocuteur est le RH de proximité. Il l’aide à remplir une première fiche pour comprendre où il en est dans son projet. Dans un second temps, le dossier arrive chez nous, et nous analysons la faisabilité, notamment sur le plan financier », explique Magali Gheorghiev. « Notre objectif est de nous assurer que nos salariés partent dans les meilleures conditions, de faire en sorte de les suivre, d’aider ceux qui éprouvent des difficultés et de valoriser ceux qui créent de l’emploi et qui réussissent », résume Cyril Garnier. « Il faut aussi les avertir sur le monde qui les attend. Le passage d’un groupe très encadré comme la SNCF à la vie d’entre-preneur peut être très brutal pour certains », ajoute-t-il.

Pas seulement un coup de pouce financier

Au fil de la matinée, une demi-douzaine de dossiers se succèdent. Parmi ceux-ci, certains projets semblent réunir de nombreux facteurs de réussite, comme celui d’Alexandra. Pour d’autres, l’horizon est plus incertain… Les mines s’assombrissent au sein de la petite équipe lorsqu’ils ouvrent le dossier d’Arnaud*, qui a quitté son poste d’agent logistique pour ouvrir un restaurant catalan près de Perpignan. « C’est l’exemple même de ce qu’il faut éviter : une personne qui a pris des décisions à la va-vite pour rejoindre sa famille dans le Sud. Nous avons reçu son dossier une semaine avant son départ. Résultat, il a pris un local avec empressement, et risque de se trouver dans une situation très délicate, redoute Cyril Garnier. Nous allons faire ce que nous pouvons pour l’aider, mais il y a toutes les chances pour qu’il quitte son activité d’ici quelques semaines pour réintégrer le groupe SNCF. Normalement, la préparation d’un dossier prend neuf mois en moyenne. Quelqu’un qui se précipite a tous les risques d’aller droit dans le mur… »

Tremplin dans maintes directions

Une grande partie des projets que la filiale d’essaimage de la SNCF voit défiler concerne l’ouverture de restaurants, de gîtes, de petits commerces, ou le secteurs des services. Pourtant, certains s’écartent de ces domaines. C’est le cas de Sokha Hin, le fondateur de Call for Team, un véritable « méta-projet » qui a pour but de regrouper des communautés de personnes qui souhaitent se lancer dans la création d’un produit. En sandales et t-shirt bleu électrique, le jeune homme raconte l’aide dont il a bénéficié pour démarrer son projet : « Pour moi, l’apport de SNCF Développement a été de nous interconnecter avec le milieu de l’incubation et de nous offrir des passerelles vers le Conseil général. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer les partenaires de la SNCF, et donc d’avoir une formidable visibilité. » En moyenne, 60 à 100 salariés de la SNCF partent chaque année par le biais du congé création d’entreprise : un congé d’un an, renouvelable une fois, pendant lequel le poste est gelé. « Tous ne connaissent pas l’existence de notre programme. Nous touchons environ 25% de ces salariés, explique Magali Gheorghiev. En moyenne, nous traitons un « pipe » d’une dizaine de projets ». Depuis la création de SNCF Développement en 2011, 65 entrepreneurs ont été soutenus par ce biais. A la SNCF comme ailleurs, l’essaimage a fait ses preuves : le taux de réussite à cinq ans des projets essaimés est estimé à 80%, contre 60% pour les entrepreneurs ne bénéficiant pas d’accompagnement..

∗Les prénoms ont été changés

Antoine Pietri

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