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Selon le rapport du Forum économique mondial de 2020[1], le changement climatique est classé au premier rang des risques auxquels sont confrontées les entreprises. Il est donc nécessaire et urgent que les acteurs privés s’engagent dans une démarche de développement durable. Face à cette problématique, nous pouvons nous demander comment les sociétés de conseil peuvent accompagner les entreprises dans leur transition écologique. Quelles sont les spécificités du métier de consultant en développement durable ? Quelle est la responsabilité des cabinets de conseil ? Pour répondre à ces questions, j’ai interrogé un consultant en énergie et climat chez I Care & Consult.
Les questions environnementales sont de plus en plus prises en compte par les entreprises
Selon un rapport de PwC[2], 72 % des entreprises mentionnent les objectifs de développement durable dans leurs rapports, plus particulièrement les mesures de lutte contre le changement climatique. De quoi illustrer à quel point les questions environnementales ne cessent de gagner en importance pour des raisons qui varient suivant les entreprises.
Pour certaines d’entre elles, la démarche de développement durable est indissociable du projet d’entreprise. C’est le cas de Patagonia, une entreprise qui produit des vêtements techniques écoconçus pour les sports de montagne et le surf, dont les valeurs sont précisément d’avoir le plus faible impact possible sur l’environnement et de protéger la nature. Pour ce faire, Patagonia vise la neutralité carbone d’ici à 2025 et s’engage auprès de ses consommateurs à réparer, reconvertir ou recycler leurs vêtements en fin de vie.
Néanmoins, pour la majorité des entreprises, le désir d’opérer une « transition écologique » est principalement motivé par la pression des parties prenantes. Outre les nouvelles réglementations en faveur de l’environnement (certains produits en plastique à usage unique sont interdits à la vente en France depuis le 1er janvier 2020), les investisseurs, les salarié·es et les consommateurs soutiennent les entreprises qui mènent des actions concrètes en faveur de l’environnement. Par exemple, selon un rapport de GreenFlex[3], 74 % des Européen·nes déclarent avoir modifié tout ou partie de leur comportement de consommation afin de réduire leur impact environnemental.
Cependant, quelles que soient les raisons qui les poussent à réduire leur empreinte écologique, les entreprises doivent être soutenues dans cette démarche, car elles n’ont souvent ni l’expérience ni les compétences et les outils nécessaires pour mener à bien ces changements. C’est là qu’interviennent les agences de conseil en transition écologique.
Agences de conseil en transition écologique
Pour soutenir les entreprises, les sociétés de conseil en transition écologique proposent plusieurs types de services, comme l’analyse du cycle de vie des produits, la mise en place de stratégies d’économie circulaire à l’échelle mondiale, de solutions pour une agriculture durable et la conception de politiques visant à réduire les émissions de polluants atmosphériques. Le consultant que j’ai interrogé est principalement chargé de missions liées aux émissions de gaz à effet de serre. Il réalise dans un premier temps des audits d’empreinte carbone pour évaluer l’empreinte environnementale des entreprises ou des collectivités. Il élabore ensuite des stratégies à faible émission de carbone afin de proposer au client des moyens de réduire son empreinte carbone, comme la consommation d’électricité verte ou l’amélioration de l’efficacité énergétique de ses infrastructures.
Outre les sociétés de conseil spécialisées dans le développement durable, comme I Care & Consult et Carbone 4, fondée par Jean-Marc Jancovici, d’autres acteurs se sont positionnés sur ce marché porteur, à l’image des sociétés de conseil en stratégie et organisation et les agences de certification. Bien que mon interlocuteur soit fermement convaincu que l’activité de ce secteur va croître dans les prochaines années, il estime que l’augmentation de l’offre en matière de transition écologique des sociétés de conseil généralistes limitera le nombre d’acteurs de ce secteur. Ce qui impliquera de leur part un changement de politique de recrutement, dans la mesure où le conseil en transition écologique se caractérise par sa dimension scientifique.
Consultant·e en transition écologique : un métier à dimension scientifique
Le consultant que j’ai pu interroger a indiqué que l’aspect scientifique de sa profession était omniprésent. Il traite de sujets techniques où il est nécessaire de se tenir informé·e des études concernant le changement climatique et de toutes les technologies capables de réduire les émissions de CO2 et d’économiser l’énergie. Passionné par son métier, il trouve « formidable de faire un travail où l’on apprend des choses qui nous intéressent ».
Néanmoins, cette dimension scientifique est également à l’origine des difficultés qu’il rencontre. En effet, il doit parfois prendre des décisions sur des sujets complexes, sur lesquels il n’existe que peu ou pas de documentation. Par exemple, lors de l’audit de l’empreinte carbone d’une entreprise, il doit prendre en compte les technologies de capture et de stockage du dioxyde de carbone. Cependant, aucune règle précise n’est établie dans ce domaine et les experts eux-mêmes expriment des opinions divergentes. Il essaie de retenir la meilleure hypothèse, avec un éventuel impact significatif pour l’entreprise et le climat, sans être absolument certain que les hypothèses du moment se confirmeront dans les années à venir. De quoi soulever la question de la responsabilité des sociétés de conseil dans le domaine de la transition écologique.
Quid de la responsabilité des sociétés de conseil ?
D’après la personne interrogée, les consultants sont chargés de « traduire au mieux ce que dit la science » et d’être aussi transparents que possible avec leurs clients. Pour ce faire, ils doivent s’efforcer de maîtriser autant que possible les sujets techniques à partir desquels ils mènent leurs analyses et établissent leurs recommandations. De plus, les consultant·es doivent adopter un comportement éthique, notamment en résistant aux pressions des entreprises les incitant à modifier les chiffres d’un audit d’empreinte carbone ou à surestimer l’impact d’une mesure prévue, par exemple. Enfin, ils doivent, dans la mesure du possible, essayer de remettre en question le client. Bien entendu, les décisions finales appartiennent aux entreprises et il est parfois impossible d’explorer des options prometteuses, faute de budget supplémentaire pour la mission du ou de la consultant·e
« Make the planet great again » : une approche globale est nécessaire
Compte tenu de l’importance des questions environnementales, il ne fait aucun doute que les sociétés de conseil peuvent se positionner comme des catalyseurs majeurs de la transition écologique des entreprises. Ce qui demande notamment une approche globale pour prendre en compte les empreintes écologiques directes et induites (investissements, sous-traitants, recyclage en fin de vie). De plus, tous les acteurs, tant privés que publics, doivent s’engager dans un processus de réflexion pour changer nos modèles économiques et évoluer vers un autre type de croissance qui ne soit pas systématiquement corrélé avec la consommation énergétique.
Références
[1] Forum économique mondial, 2020. Rapport sur les risques mondiaux 2020. [En ligne] Disponible à l’adresse : <http://www3.weforum.org/docs/WEF_Global_Risk_Report_2020.pdf> [Consulté le 18 octobre 2020].
[2] PwC, 2019. Creating A Strategy For A Better World – How The Sustainable Development Goals Can Provide The Framework For Business To Deliver Progress On Our Global Challenges. [En ligne] Disponible à l’adresse : <https://www.pwc.com/gx/en/sustainability/SDG/sdg-2019.pdf> [Consulté le 18 octobre 2020].
[3] Greenflex et Ademe, 2020. Baromètre Greenflex-ADEME 2019 De La Consommation Responsable.