Qui osera miser sur les talents «autrement capables» ?

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Embaucher une personne handicapée, c’est souvent une contrainte. Pourtant, malgré les fantasmes et les préjugés, certains employeurs sautent le pas et y trouvent leur compte. Même Macron a tenté le challenge à l’occasion du Duoday…

C’était le 1er avril 2018. On aurait pu croire à une blague dans la conjoncture actuelle. 510 000 travailleurs handicapés en recherche d’emploi avec un taux de chômage pour ce public de 20 %, soit le double de la moyenne nationale, sans cesse en hausse. Et, pourtant, c’est dans le très sérieux Figaro que quarante-cinq personnalités, pour la plupart dirigeants de grandes entreprises françaises, ont signé une tribune collective : «Notre engagement pour l’emploi des personnes handicapées». Il y a là Vincent Bolloré (groupe Bolloré), Martin Bouygues (groupe Bouygues), Dominique Desseigne (groupe Lucien Barrière). D’une même voix, ils affirment avoir besoin de « personnes autrement capables » et avoir « constaté ce qu’apportent des talents différents à l’efficacité de nos entreprises et à la fierté de nos collaborateurs ».

Promouvoir les soft skills

Ils ne sont pas les seuls à tenir ce discours qui, plus que dans la réalité, est dans l’air du temps. Edouard Philippe, lui-même, lors du lancement de la stratégie autisme, le 6 avril 2018, a confirmé, parlant notamment des personnes avec autisme, qu’elles sont une « valeur ajoutée dont il serait absurde de se priver ». Il répond en écho aux propos de François Martinez, conseiller innovation de l’Agefiph (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans le privé), qui promeut la «révolution des compétences» et constate que certaines entreprises commencent à diversifier leurs recrutement, à ouvrir d’autres horizons. Il évoque les «soft skills» (littéralement : compétences douces), c’est-à-dire les compétences comportementales que peuvent manifester les personnes en situation de handicap, comme le «savoir-être», la faculté de travailler en équipe, l’empathie mais aussi la capacité à savoir dépasser les obstacles, la persévérance.

Stop au gâchis de talents !

Une web-série, «La Beauté de la neurodiversité au travail», mise en ligne début 2018, enfonce le clou, visant la promotion de tous types de travailleurs dits «neuroatypiques», c’est à dire pourvus d’un fonctionnement neurologique différent. Par exemple avec autisme, dyslexiques, dyspraxiques, dyscalculiques ou porteurs de TDAH (troubles de l’attention avec hyperactivité). Elle dit clairement «stop au gâchis de talents !».

Microsoft embauche des autistes

Dans ce contexte, des initiatives commencent à émerger, surtout à l’étranger. Dès 2016, par exemple, Microsoft annonce qu’il engage un programme pilote de recrutement de personnes avec autisme Asperger, informaticiens le plus souvent mais pas seulement. Comme d’autres grands groupes, le géant de l’informatique a saisi l’intérêt de ces cerveaux atypiques qui manifestent une étonnante capacité à retenir l’information, portent une attention sidérante aux détails ou excellent en mathématiques ou en langages codés. Josef Schovanec, autiste Asperger, philosophe, rappelle que la Silicon valley a saisi le potentiel de ces «gens bizarres». Idem en Allemagne, au Danemark, en Israël…

Pas que les autistes

La France reste encore à la traîne même si quelques initiatives similaires commencent à émerger. Mais force est de constater qu’elles valorisent surtout les personnes avec autisme dites «de haut niveau». Or cet arbre en pleine croissance ne doit pas cacher la forêt ; que dire des candidats plus lourdement handicapés ou avec un handicap psychique (schizophrénie, dépression, bipolarité…), par exemple, qui sont, il faut bien l’avouer, la bête noire des entreprises.

Macron tente le Duoday

Le concept du Duoday va-t-il secouer le monde du travail ? Le 26 avril, portée par le secrétariat d’Etat au Handicap, c’est une vague de duos handi/valides qui a déferlé dans toute la France. L’idée, c’est de permettre à une personne handicapée de passer une journée en binôme avec un travailleur valide. Deux mille duos ont ainsi vu le jour, dans les entreprises, les medias. Plusieurs ministres ont joué le jeu, y compris Emmanuel Macron. Alors, certes, une journée sur 365 ça ne va peut-être pas changer la face du monde, mais elle aura au moins le mérite de marquer les esprits et d’interpeller le grand public et les employeurs. Pour faire de la singularité une option «bankable» ?

Sur le Web

Site du Duoday 2018

https://www.duoday.fr/

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