Les «positive impact» entrepreneurs se réveillent

Des pionniers en quête de nouveaux horizons avec des solutions simples…
Des pionniers en quête de nouveaux horizons avec des solutions simples…

Temps de lecture estimé : 5 minutes

M. Tout-le-monde, géant vert en devenir

Les jeunes pousses qui permettent aux particuliers de moins polluer ou consommer de ressources, et même de devenir producteurs d’énergie, foisonnent. Enquête sur ce qui a changé.

Moins 80% d’émissions de particules fines et d’azote, 20% d’économie d’essence, selon les études de l’organisme indépendant Emission Analytics en Grande-Bretagne… Rien que ça. La start-up CGon (pour Carbon gone) – qui ajoute de l’hydrogène à l’essence via un petit boîtier de 500 euros à relier au moteur –, promet d’aider le conducteur à réduire la pollution de l’air des villes. Les « positive impact entrepreneurs » vont changer le monde, et ce n’est qu’un début. « En matière de réduction de la pollution, j’avais envie de passer à l’action pratique, à petite échelle. La concrétisation s’est opérée avec Brian Sheard, ancien ingénieur à la Royal Navy spécialisé en électrolyse », révèle Igor Turevsky, ingénieur russo-écossais qui a décidé de quitter son poste confortable chez General Electric pour vivre l’aventure entrepreneuriale. La jeune pousse, aujourd’hui finaliste du concours international Hello Tomorrow dans la catégorie transports, va faire parler d’elle. Les start-up qui donnent aux citoyens des leviers pour agir au quotidien se multiplient et s’annoncent comme les champions de demain.

Demande d’ « empowerment »

Car passée la période de culpabilisation et d’exhortations, puis celle des grands projets pour lesquels il n’est pas vraiment concerné, le consommateur-citoyen semble vouloir réduire de lui-même son impact. Une tendance de fond sur laquelle surfe Zéro Gâchis, qui limite le gaspillage alimentaire en référençant chaque jour des articles approchant leur date limite de consommation dans les grandes surfaces partenaires. De leur côté Les Joyeux recycleurs créent un « choc de simplification du recyclage » en entreprise, développant une offre de boîtes à déployer dans les bureaux, chacune collectant un type spécifique de déchets : bleue pour les papiers, violette pour les capsules de café après la pause, jaune pour les bouteilles en plastique du repas de midi… Pour un kilo collecté, cinq centimes sont reversés à une association qui favorise l’insertion sociale et professionnelle de personnes en situation d’exclusion, pour que l’écologie soit aussi sociale. Cet « empowerment » du particulier passe aussi par une meilleure information : la start-up parisienne Plume Labs lui donne les moyens de suivre en temps réel la météo de la pollution, heure par heure, dans de plus de 60 villes à travers la planète. Et même de l’anticiper dans pour les prochaines 24 heures. Autant de briques à l’édification du consommateur-producteur en matière énergétique, comme l’explique Jérôme Schmitt, senior vice-président Innovation et efficacité énergétique chez Total gaz, électricité et renouvelables, lors de la conférence ChangeNOW à la Station F : « Les particuliers deviendront producteurs, ce qui implique décentralisation, distribution en pear to pear. C’est la fin des grands ouvrages qui se dessine, nous entrons dans l’ère du stockage d’énergie et des réseaux ». Dans une première période l’énergie, vue comme une « commodity », a été allègrement consommée. Dans un deuxième temps c’est la recherche d’efficacité énergétique qui a primé. « Nous entrons désormais dans la troisième phase, celle de la ressource partagée », distingue le directeur du développement durable.

Problèmes généraux, réponses particulières

Et si cette exigence monte en puissance rapidement, c’est bien parce qu’il y a péril en la demeure et que les gens le savent de mieux en mieux. « Prenons la pollution de l’air. Dans le monde sept millions de personnes meurent à cause d’elle de manière anticipée, soit plus que les victimes du tabac et de la circulation réunies. Aujourd’hui 1,6 milliard de véhicules sont en circulation sur Terre, nous atteindrons vraisemblablement les 2 milliards en 2035, avec seulement 2,5% de moteurs hybrides et électriques si nous prolongeons les tendances ! », s’alarme Igor Turevsky. Mais ce phénomène général, qui touche tout le monde, est toujours mieux identifié : nous connaissons les deux éléments qui tuent, qui sont les particules fines cancérigènes, si minuscules qu’elles passent les barrières de notre corps, et les NOx (monoxyde et dioxyde d’azote). « Nous avons en plus identifié les raisons de ces rejets : les premières sortent du véhicule à cause de l’essence qui n’a pas bien brûlé, les deuxièmes apparaissent à cause des trop hautes températures », ajoute l’ingénieur qui a décidé d’agir en phase de pré-combustion, et non pas post-combustion comme c’est le cas aujourd’hui avec les filtres et pots catalytiques. « Nous ajoutons de l’hydrogène qui brûle cinq fois plus vite que l’essence, ce qui limite les particules et abaisse la température », conclut-il simplement. C’est ce même besoin de concrétisation face à des phénomènes plus larges qui incite la fondation Solar Impulse à fédérer 1000 procédés accélérant la transition écologique : après son tour du monde en avion solaire, Bertrand Piccard a lancé la « World Alliance for Efficient Solutions » afin de faire bouger les gouvernements du monde entier. « En créant son avion solaire plus léger il s’est rendu compte qu’il existait des solutions extrêmement concrètes utilisables pour les voitures, les éoliennes… Place à l’action, et nous allons y apporter notre visibilité auprès des collectivités et gouvernements », résume la directrice, Marion Enderlein.

Solutions simples, détonantes, transverses

Nombre de « disrupteurs » annoncent des révolutions phénoménales en matière d’environnement, comme Global Bioenergies qui fabrique à Reims des hydrocarbures à partir d’un gaz obtenu par fermentation de biomasse, Glowee qui crée de la lumière grâce à des micro-organismes vivants encapsulés, ou encore M-Kopa qui illumine les rues kenyanes avec des panneaux solaires. Mais les entrepreneurs dont nous parlons ne recherchent pas la révolution – plutôt l’évolution quotidienne et simple de M. Tout-le-Monde à qui ils donnent la possibilité de limiter son impact sur l’environnement. Nebia traque par exemple le gaspillage dans la douche, ayant inventé un pommeau qui atomise l’eau en millions de gouttelettes, économisant jusqu’à 70% du précieux liquide tout en « créant une expérience plus agréable ». Imagine Cargo s’attaque aux émissions de gaz à effet de serre de la messagerie express, recourant à des trains et cyclistes et délivrant à chaque client un certificat correspondant au poids réel de CO2 généré par la livraison. Tous ont considéré le problème universel pour concocter ensuite de leur côté une solution concrète et prometteuse à petite échelle, faisant fi des obstacles classiques. « Nous avons essuyé beaucoup de refus. Les générations précédentes rêvaient de conquérir le monde, celles d’aujourd’hui rêvent de le changer », rappellent Clara Gaymard et Gonzague de Blignières, fondateurs de Raise, société d’investissement d’un nouveau genre qui alimente une fondation aidant ce genre de start-up. Ce sont parfois des barrières de l’esprit et tabous qui doivent céder. La start-up hexagonale Univers-selles, fondée par deux anciens membres de l’Agence spatiale européenne, en sait quelque chose : elle propose un kit pour recycler soi-même ses excréments, une solution aux 335 millions de tonnes de matières fécales produites chaque année par l’humanité. « Si tu regardes les choses telles qu’elles sont, tu es mort », rappelle Marion Enderlein chez Solar Impulse à la conférence ChangNOW. C’est en respectant ce principe à la lettre que la start-up indonésienne Avani Eco a conçu un plastique biodégradable, à base de manioc et de canne à sucre, qui se mange. A chaque fois la question est la même : pourquoi les acteurs traditionnels, aux départements innovation conséquents, n’y ont pas pensé plus tôt ? « L’amélioration du carburant par l’hydrogène est pourtant utilisée dans les turbines à gaz, et une électrolyse propre et de faible puissance a servi dans les sous-marins », remarque Igor Turevsky chez CGon, qui souligne la non-dangerosité du procédé parce que l’hydrogène produit est instantanément brûlé. Pourquoi les constructeurs n’y ont donc pas pensé avant ? Certainement parce que cette avancée vient de l’électrolyse et de la chimie. Les « positive impact entrepreneurs » mêlent les domaines, contournent les écueils en empruntant aux autres secteurs.

Des business models à inventer

Reste à inscrire ces innovations, qui concernent tout le monde au quotidien, dans le paysage économique – donc à trouver le bon modèle. « Pour l’heure nous cherchons à signer des partenariats avec la Mairie de Paris, la Poste… pour prouver que notre innovation fonctionne à grande échelle. 400 véhicules ont déjà été testés. Nous avons parcouru 3 millions de kilomètres avec des prototypes », soutient Igor Turevsky, qui compte bien à terme faire venir les constructeurs. « L’autre solution sera de signer des partenariats avec les Speedy, Midas, Feu Vert… afin de toucher le grand public, qui n’aura qu’à prendre rendez-vous pour que le garage lui installe la box. » Les pistes qui s’offrent à ces défricheurs sont infinies. « Nous nous efforçons d’incuber les modèles qui montent. Nous connaissons bien les clients qui ont ces besoins en énergie, nous avons donc un avantage. Mais nous ne sommes sûrs de rien pour l’avenir, la valeur ne cesse de se déplacer ; il nous faut donc être plus ou moins présents sur toute la chaîne pour prétendre aux premières places demain », observe Jérôme Schmitt chez Total gaz, électricité et énergies renouvelables qui a racheté SunPower en 2011, et qui investit le secteur du stockage en énergie et la mobilité électrique. Assurément, alors que l’époque est à la fin du clivage entre enjeux business et enjeux sociétaux, les prochaines « licornes » viendront du Positive Impact.

Impact dans l’électroménager

Un lave-vaisselle économique

« Nous nous adressons aux jeunes urbains célibataires, en couple ou en colocation, qui mangent très peu chez eux, qui sont sur leur lieu de travail au déjeuner, et qui se font livrer ou grignotent le soir. Leur mode de vie rend inutile l’acquisition d’un lave-vaisselle classique, d’autant plus qu’ils n’ont généralement pas la place. Mais leur manière de faire la vaisselle consomme malheureusement beaucoup d’eau », pose Antoine Fichet, CEO de Daan Tech, start-up hexagonale qui a donc inventé ce modèle au design ultra-compact (10 kg) pour les personnes vivant seules, en couple ou en colocation. Bob lave et sèche la vaisselle quotidienne d’une à deux personnes en seulement 20 minutes, « consommant seulement trois litres d’eau par cycle, soit cinq fois moins qu’un lavage à la main. Il se connecte en Wi-Fi et Bluetooth », précise Lancelot Bourgeois, responsable de la communication.

Impact dans l’accès à l’électricité

Des foyers branchés grâce à la SolarBOX

« Cette box a été mise au point pour le marché africain. Elle permet un accès à l’énergie solaire, aux recharges électriques, à la lumière, à Internet et à la télévision », résume Jonathan Guyon, Chief Technical Officer chez OniriQ. Elle représente donc la garantie d’énergie pour toute maison isolée du réseau électrique : la possibilité de connecter ses appareils en 5V et 12V, un hotspot wifi pour toute la famille, une TV HD 19 pouces. Le kit compte un panneau solaire polycristallin de 50W, avec écran digital. « Les foyers étaient en attente d’un produit au design technologique et non «cheap» comme par le passé », ajoute le CEO Rodolphe Rosier. Le kit compte aussi quatre ports USB, quatre prises 12v, une prise allume-cigare et des lampes rechargeables.

Impact dans la méthanisation des déchets

De l’énergie grâce à nos poubelles

SEaB Energy a imaginé des containers qui transforment les déchets organiques en énergie. Ceux-ci peuvent être installés au bas des immeubles ou au cœur d’un petit village, « ce qui évite l’empreinte carbone du transport jusqu’à un gros méthaniseur », explique Nick Sassow qui a créé l’entreprise en 2009 avec sa femme Sandra Sassow, actuelle PDG. Installée à Southampton, sur la côte sud-est de l’Angleterre, elle possède un carnet de commandes déjà bien rempli. Produire de l’énergie là où elle est consommée, et récupérer les déchets là où ils sont jetés, à travers la mise en place de petites centrales locales, telle est l’idée de cet ancien consultant pour de grandes entreprises sur les questions d’énergies renouvelables.

Julien Tarby

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