Les start-up françaises de la robotique

Songez que Pepper soit plus tard l’équivalent de la machine de Turing pour l’informatique actuelle.
Songez que Pepper soit plus tard l’équivalent de la machine de Turing pour l’informatique actuelle.

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Ces robots qui vous veulent du bien

Avec leurs formes humanoïdes, leurs visages sympathiques et leurs noms qui fleurent bon la science-fiction, Nao, Pepper, Cutii, Leenby, Buddy, TiKi ou encore Maava sont les témoins du dynamisme de la scène française en matière de robotique.

Certes, la France ne compte pas parmi les leaders du secteur. En 2016, il n’était que le neuvième acheteur de robots industriels selon la Fédération internationale de la robotique (IFR), avec 4 200 unités vendues, loin derrière la Chine (87 000 unités vendues), la Corée du Sud (41 400), le Japon (38 600), les Etats-Unis (31 400) et l’Allemagne (20 000), cinq pays qui concentrent 74 % des ventes. En outre, aucun des principaux fabricants de robots industriels n’est français. Les leaders mondiaux se nomment en effet Fanuc (Japon), Kuka (Allemagne) ou encore ABB (Suisse).

Services à la personne

Mais l’Hexagone dispose d’un vivier de start-up qui peut lui donner quelques raisons de croire au développement de la filière, en particulier dans le domaine plus jeune de la robotique de services. L’aventure de SoftBank Robotics Europe (ex-Aldebaran Robotics), pionnier de la robotique grand public, est le symbole de ce dont sont capables les start-up françaises dans ce domaine. Fondé en 2005 par Bruno Maisonnier, Aldebaran a dévoilé en 2010 un robot humanoïde compagnon, interactif et personnalisable, haut de 58 centimètres, baptisé Nao. En 2014, il a été rejoint par Pepper, un modèle plus grand, qui a notamment été adopté comme conseiller en boutique par de nombreuses enseignes de distribution. Après avoir levé 7,3 millions de dollars en 2007 puis 13 millions en 2011, la société a été achetée en 2012 par le japonais SoftBank.

Comme SoftBank Robotics, de nombreuses jeunes pousses françaises tentent de se faire une place sur le marché de la robotique grand public, encore naissant, et espèrent faire adopter leurs robots humanoïdes par de nombreux secteurs d’activité, comme l’aide à domicile et l’assistance aux personnes, l’accueil dans les commerces, les hôtels et les entreprises, ou encore l’éducation (voir encadrés). « Sur le retail, les agences bancaires et les concessions automobiles sont ceux qui ont aujourd’hui le plus besoin de robots, pour leur marketing. On leur vend plutôt un service que des robots, car ces derniers doivent accueillir les clients, notifier, scanner des papiers, agir en démonstrateurs, vendre des produits… Ils doivent aussi être solides et fonctionner 24/24h », explique le cofondateur d’Event Bots Guillaume de la Rue. Ces outils sont souvent utilisés pour briser la glace avec les prospects, et créer un maximum d’empathie avec eux, avant qu’un vendeur de chair et d’os ne prenne le relai. Comment les distributeurs évaluent-ils le succès de ces opérations ? « Le chiffre le plus simple à obtenir est le nombre d’interactions quotidiennes avec les robots. Nous pouvons affiner les statistiques avec le nombre de démonstrations, les leads commerciaux générés », explique Guillaume de la Rue.

Incubateurs et fonds d’investissements spécialisés

Pour preuve du dynamisme de l’écosystème des start-up françaises de la robotique, un “Robot Park” était installé en mai dernier au salon Viva Technology, où étaient notamment présentés Leenby et Alice (Cyberdroid), Inmoov, conçu par le Français Gaël Langevin, Joe (Ludocare) ou encore les robots tondeuses de Vitirover. Dans un très grand stand baptisé Pepper World, SoftBank Robotics Europe présentait plusieurs start-up tirant profit de son écosystème, en particulier de ses robots Pepper, bien sûr, mais aussi Pepper Android et Nao 6, spécialisé dans l’accompagnement de l’apprentissage de la programmation informatique. Les acteurs du secteur ont aussi eu leur propre salon de 2011 à 2017. Créé à Lyon, Innorobo a migré à Paris en 2016. En mai 2017, il avait ainsi accueilli les stands de 160 exposants à la Plaine Saint Denis. Mais alors qu’il devait se tenir à la Porte de Versailles en mai 2018, Innoecho, la société qui le porte, a annoncé en mars son annulation et le pivot de son activité.

Il existe aussi un fonds d’investissement spécialisé. En 2012, le fonds Robolution Capital a été créé par la société de gestion Orkos Capital, l’entrepreneur Bruno Bonnell (Infogrammes) et la société de conseil en capital-risque Primnext, avec le soutien de Bpifrance. Lorsque sa gestion a été reprise en 2016 par 360 Capital Partners, il était doté de 80 millions d’euros. Le fonds spécialisé compte huit participations, dont le fabricant de navettes autonomes Navya. En revanche, les start-up françaises de la robotique ne peuvent pas s’appuyer sur un incubateur spécialisé. En 2014, Alexandre Ichaï a bien créé à Paris Robot Lab, et un fonds d’investissement, baptisé Robot Capital, mais l’expérience a tourné court.

Par ailleurs, l’Etat a lancé en 2013 le plan France Robots Initiative, avec l’ambition de faire de la France l’une des cinq nations leaders de la robotique d’ici 2020. Parmi les 100 millions d’euros alloués au plan, un tiers devait aider les PME à s’équiper de robots industriels pour améliorer leur productivité, via le programme Robot Start PME.

Enseignement, santé, retail et assistance aux personnes

Cybedroïd

Créé en 2011 à Limoge par Fabien Raimbault, Jean-Philippe Fournier et Miguil Abdillahi, Cybedroïd a développé Leenby, un robot qui mesure 1m40 pour 30kg, doté de deux capteurs lidar et de caméras stéréovision pour cartographier son environnement, détecter des objets et des personnes prédéfinis. Il possède plusieurs compétences pour le milieu médical, comme accompagner une personne jusqu’à sa chambre, livrer de la nourriture et des boissons, détecter qu’une personne se trouve en danger et apporter la bonne solution. Son enveloppe extérieure peut être adaptée à des besoins spécifiques. Son prix, 25 000 euros, le réserve plutôt aux usages professionnels. « Leenby est une plateforme en développement continu et a vocation à être adapté pour différentes applications dans l’assistance aux personnes, l’accompagnement social, l’hôtellerie, l’éducation et le retail », explique Fabien Raimbault. Cybedroïd a vendu huit modèles de Leenby depuis sa création, et cinq sont en commande. L’entreprise de 14 salariés a levé 600 000 euros en mai 2017 auprès de business angels pour développer Alice, son nouveau robot dévoilé en mai. Destiné à une production en grande série, il coûte entre 20 000 et 40 000 euros, selon le degré de sophistication recherché. Cybedroïd, dont le chiffre d’affaires était de 300 000 euros en 2017, cherche à lever 1,5 millions d’euros pour soutenir son développement.

Gestion des espaces de travail

Partnering Robotics

Le robot de Partnering Robotics, Diya One, est destiné à la gestion des espaces de travail. Equipé d’un purificateur d’air, de capteurs de luminosité, de bruit et de température, il se présente comme « le premier robot dédié au bien-être des occupants d’un lieu ». La société a été créée à Cergy Pontoise en 2007 par Ramesh Caussy, diplômé de l’Ecole polytechnique. « L’objectif était de développer une robotique et une intelligence artificielle qui aide les gens, qui soit positive pour la planète, qui crée des emplois et de la valeur pour le pays. Dans les bâtiments où nous passons 90 % de notre temps, la qualité de l’air intérieur se dégrade, ce qui crée des pathologies, des troubles de l’attention, jusqu’à des maladies bien plus graves », explique Ramesh Caussy. Partnering Robotics, qui ne communique pas son chiffre d’affaires, compte une quarantaine de salariés et cherche à lever 5 à 10 millions d’euros pour se développer à l’international. Son modèle économique repose sur un abonnement, de 149 euros par mois pour un robot destiné aux petites surfaces (30 à 40 mètres carrés) à 599 euros par mois pour le plus grand modèle. « Nos principaux clients se trouvent dans l’industrie bancaire et les centres commerciaux », indique Ramesh Caussy.

Santé & Aide à la personne

Yumii

L’aide à la personne est le principal marché de Yumii, une société créée en avril 2016 par Antoine Bataille à Roubaix. « Notre objectif est de favoriser le lien social entre les générations, afin d’améliorer le bien être et le bien vieillir », explique Antoine Bataille. Doté de reconnaissance vocale et faciale, monté sur trois roues, son robot Cutii vise en effet à faciliter le maintien à domicile des personnes âgées en les mettant en relation avec leur famille, des aidants et des médecins, pour une consultation médicale. Il est aussi doté d’un système de détection des chutes. Outre le robot lui-même, la société a mis en place une plateforme en ligne, accessible depuis une application web et mobile, pour connecter les membres de la communauté Cutii, constituée de particuliers, d’animateurs et d’associations. Ainsi, cette plateforme propose un catalogue d’activités : visites culturelles, cours de cuisine… Commercialisé depuis 2017, le modèle économique de Cutii repose sur un abonnement, qui débute à 90 euros par mois.

Robot compagnon et sensitif

Blue Frog Robotics

Créé en 2007 par Rodolphe Hasselvander, ancien directeur général du CRIIF, un laboratoire privé de recherche en robotique, Blue Frog Robotics a ainsi présenté Buddy en janvier 2016, au CES de Las Vegas, après une levée de fonds de 600 000 dollars sur le site de crowdfunding Indiegogo, auprès de plus de 1 000 contributeurs. Au total, ce “robot compagnon” qui n’est pas encore commercialisé, a reçu plus d’un million de dollars de préventes. Il veut se faire accepter dans les foyers en prenant à son compte de nombreuses tâches, comme la surveillance, le jeu des enfants – il sait par exemple jouer à 1-2-3-Soleil –, la gestion d’agenda ou encore l’accompagnement des seniors. Haut de 56 cm, il se déplace sur deux roues et embarque de nombreux capteurs pour s’adapter à son environnement : huit capteurs d’obstacle, un odomètre (mesure de la distance parcourue et de la vitesse de déplacement) et un accéléromètre, sept capteurs de sol, une caméra RGB (codage informatique des couleurs) et une caméra 3D, une matrice thermique, trois capteurs de caresse et une antenne de quatre microphones. En lieu de visage et de cerveau, un écran tactile de huit pouces. Outre interagir avec les objets connectés du foyer, il peut exprimer une grande gamme d’émotions, comme le plaisir, la colère ou la tristesse. Ses fonctionnalités sont enrichies par une communauté de développeurs qui alimentent une plateforme ouverte. Blue Frog Robotics compte 20 salariés.

Evénementiel & Retail

Event Bots

Créée à Rouen en février 2016 par Guillaume de la Rue, concepteur de jeux vidéo, et Steve Geandier, mécatronicien, Event Bots a conçu deux robots aux courbes féminines destinées à l’événementiel et au retail : Tiki et Maava, une version mobile lancée en mai 2017. Leur apparence peut être personnalisée pour faciliter l’intégration par les marques à leurs points de vente. L’entreprise a créé une vingtaine de prototypes qui ont été testés par 70 clients en un an et demi, dont Orange, L’Oréal, Renault, Mercedes et le Crédit Agricole. Tiki peut par exemple accueillir les clients en point de vente, promouvoir des produits et services, et récolter des données sur le comportement des clients. Quant à Maava, ses roues lui permettent par exemple d’orienter et accompagner les visiteurs sur un salon, et intervenir sur scène comme robot conférencier. Leur prix ? 16 000 à 18 000 euros. « Nous sommes en train de passer à un modèle de location mensuelle pour réduire l’impact financier de l’achat pour nos clients », précise Guillaume de la Rue. Event Bots a aussi conçu un robot compagnon de soin, baptisé Hope. Il est utilisé depuis janvier par le service pédiatrie du CHU de Rouen, afin de diminuer le stress des jeunes patients pendant les soins et améliorer l’autonomie des enfants et de leur famille dans la prise en charge de leurs maladies et du suivi de leurs traitements. Huit CHU en France, en Suisse et au Royaume-Uni se sont aussi montrés intéressés par la démarche. La société, qui compte sept salariés, a réalisé 147 000 euros de chiffre d’affaires en 2017, et en vise 600 000 en 2018. Elle a aussi intégré l’incubateur du Village by CA l’an dernier. « Nous cherchons à lever 600 000 euros pour développer notre force commerciale et produire plus intensivement », explique le Guillaume de la Rue.

Aymeric Marolleau

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