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Se dirige-t-on vers la fin prochaine du paradigme de la voiture individuelle ? D’ici à 2050, 75 % de la population mondiale vivront dans les villes. Les problématiques de transport et de pollution sont incontournables, la mobilité urbaine doit s’adapter, en tenir compte. Entre ère de l’électrique, mobilité verte et dimension aérienne, tour d’horizon des dynamiques de la nouvelle mobilité.
5 400 voitures électriques ont été immatriculées en France en mars 2019. Plus 13 % par rapport à mars 2018. Dans le même temps, les ventes de vélos à assistance électrique ont progressé de 21 %.
Aucun doute, si les modèles électriques se sont longtemps adressés à un marché de niche, la plupart des constructeurs sont aujourd’hui engagés dans cette voie. La tendance se veut mondiale. Conscientes des enjeux, tant écologiques qu’humains, les municipalités sont toujours plus nombreuses à agir. Paris pourrait interdire le diesel et les moteurs polluants d’ici à 2024. Si l’application est incertaine, la volonté est bien là.
Pour mettre fin au paradigme de la voiture individuelle, les zones urbaines misent sur de nouvelles logiques. Services de véhicules à la demande, transports publics repensés, voitures autonomes… Place à l’usage raisonné des transports, à une mobilité urbaine durable et responsable. Entre voitures volantes, trains automatiques et simples trottinettes électriques, l’actualité et le futur des transports se mêlent.
1 – Le transport ferroviaire
Un souffle d’air frais ?
Face aux enjeux écologiques et économiques, le développement de nouvelles technologies ferroviaires, toujours plus rapides et moins polluantes, s’impose. Projet aussi fou que futuriste, lancé par Elon Musk en 2013, l’Hyperloop incarne cette dynamique, tant par sa technologie « révolutionnaire » que par son mode de développement. Le principe ? Un train supersonique, propulsé par un champ magnétique à 1 200 km/h dans un tube sous vide à basse pression, alimenté par des panneaux solaires. Rêveur fou pour les uns, modèle d’entrepreneur pour les autres, Elon Musk promet un transport plus rapide, moins coûteux et moins polluant. Les premières ébauches ont été pensées en open source, autrement dit des start-up dans le monde s’emparent du concept. Et investissent entre autres en France, notamment à Toulouse où Hyperloop Transportation Technology, start-up californienne, a assemblé à Toulouse-Francazal la première piste d’essai à taille réelle ! Une piste de 320 mètres, constituée de tubes de quatre mètres de diamètre. Les premiers tests ont commencé en avril, avec la dépressurisation du système de pompe à vide. Autrement dit, le rêve de l’Hyperloop est… sur les rails ! Ou pas.
Car six ans après l’annonce, l’Hyperloop n’a toujours pas vu le jour et les critiques s’accumulent. À commencer par le bienfondé économique et social du projet. D’aucuns y voient une terrible menace pour l’environnement et les territoires ruraux au vu du coût écologique considérable des travaux, contraints par la nécessaire linéarité des voies – même, si, au final, l’Hyperloop « carbure » au solaire. Autre crainte : que ces axes de liaison entre grandes métropoles renvoient les zones rurales à leur désertification.
2 – Trottinettes, free-floating et écologie
Le XXe siècle fut celui de la voiture essence. Marqué par une prise de conscience écologique, le XXIe devrait être celui des transports électriques. Impossible de ne pas les apercevoir dans le paysage urbain. Les nouveaux véhicules électriques individuels (NVEI) et les transports en libre-service (vélos, voitures, scooters…) envahissent l’espace urbain. Faciles d’accès (applications, abonnements…), peu polluants et à l’utilité certaine au sein de trafics urbains saturés, ils sont les figures de proue de la nouvelle mobilité urbaine. Depuis déjà plusieurs années, les vélos en libre-service sont légion. Ils sont aujourd’hui rejoints par des véhicules motorisés, à alimentation hybride et électrique. Cityscoot (scooter), Lime, Bird (principaux opérateurs de trottinettes), Mobike (vélos)… autant de services disponibles en free-floating (libre-service sans stations ni bornes), qui séduisent les citadins. Sans oublier Mobilib’, solution d’autopartage qui remplacera prochainement la défunte Autolib’ du groupe Bolloré, dont le contrat avec la ville de Paris s’est terminé à l’été 2018.
Été depuis lequel les trottinettes électriques sont toujours plus présentes sur les trottoirs des grandes villes de la métropole. En tête, la start-up Lime, qui a levé plus de 450 millions de dollars (dont 300 venus de Google), installée à Bordeaux, Lyon et Paris. Et sa concurrente Bird, disponible dans la seule capitale. Sans oublier – toujours à Paris – Wind, Flash, Tier, Bolt, Hive…
Véritable phénomène de société, ces trottinettes ne se limitent pas à faciliter les déplacements des jeunes cadres branchés. Leur multiplication (environ 15 000 à Paris) suscite l’ire de nombreux Parisiens et usagers de la route. Imprudences, augmentation des accidents, usagers non assurés, stationnements irréguliers, obstruction des trottoirs… Un casse-tête pour la mairie d’Anne Hidalgo qui entend réguler l’activité et combler le vide juridique. Des premières mesures ont été prises en avril, parmi lesquelles l’instauration d’une redevance annuelle de 50 à 65 euros par trottinette (une fortune !), selon la flotte déployée, à la charge des opérateurs. Lesquels ont signé en mai une charte de bonne conduite. Une initiative de la ville de Paris qui n’exclut pas de suspendre temporairement l’activité si la situation n’évolue pas. Dans le droit-fil de cette charte, une nouvelle réglementation doit entrer en vigueur en septembre 2019 (sous réserve de validation par le Conseil d’État) : vitesse limitée à 25 km/h, interdiction aux moins de 8 ans, avertisseurs sonores et feux obligatoires, règles de stationnement strictes… Autant de mesures contraignantes. De quoi réguler la circulation des trottinettes et apaiser les plaintes ?
Malgré les débats houleux, cette multiplication de l’usage de transports électriques individuels (trottinettes, vélos, scooters…) incarne les tendances de la nouvelle mobilité. Avènement de l’hybride et de l’électrique, diversification de l’offre de transport… et bientôt une mobilité aérienne à la portée de tous ?
3 – Taxis volants, une nouvelle mobilité à trois dimensions
L’aérien constitue bel et bien un nouvel espace de mobilité à conquérir. Souvenez-vous du Paris au XXe siècle de Jules Verne et des dessins d’Albert Robida, véritables visionnaires d’un ciel parisien empli d’aéronefs et du « Tube » précurseur de l’Hyperloop !
Alors que le projet Prime Air d’Amazon (livraison en 30 minutes), qui se voulait pionnier en la matière, reste en phase de test, Google a inauguré en avril 2019 un service de livraison par drone à Canberra (Australie). Et La Poste nationale elle-même a ouvert une petite ligne d’une quinzaine de kilomètres fin 2016 entre Saint-Maximin et Pourrières !
Après le drone-livreur, le drone-taxi ? Une suite logique dont se sont emparées plusieurs start-up à travers le monde. Parmi lesquelles, Ascendance Flight Technologies (AFT), jeune pousse française qui se positionne déjà sur le marché florissant qui s’annonce. Lancée en 2018 par d’anciens salariés d’Airbus baptisés au programme E-Fan (premier avion électrique à traverser la Manche en 2015), AFT développe un avion-taxi électrique hybride à décollage vertical. Capable de transporter trois ou quatre personnes, sur une distance de 150 km à 200 km/h, l’Atea (le nom de la divinité tahitienne du firmament) pourra « décoller verticalement comme un hélicoptère et adopter un rythme de croisière comme un avion », explique Jean-Christophe Lambert, cofondateur et PDG. Avec pilote, affirme l’entrepreneur, dans la mesure où « le consommateur actuel n’accepterait pas un aéronef automatique que la réglementation actuelle n’autorise pas encore ».
Si le projet avance, la concurrence internationale est féroce, de la Silicon Valley à la Chine en passant par l’Allemagne. Malgré tout, l’équipe française de onze ingénieurs et développeurs fait face à Google et consorts. La recette selon Jean-Christophe Lambert ? Une équipe dynamique et motivée et « un patrimoine technologique et une culture aéronautique très importante ».
AFT dispose aujourd’hui d’un prototype à l’échelle 1/6e. Sa prochaine levée de fonds devrait accélérer la construction d’un prototype d’échelle 1 d’ici à deux ans. Le PDG fixe le cap : « Nous visons une mise en service pour 2024-2025 » sur fond de phase réglementaire en devenir (notamment via les autorités de certification aériennes françaises et européennes). Pour Jean-Christophe Lambert, « l’Atea ne sera pas un transport de masse comme un métro mais sera une alternative, le but est de démocratiser ce genre de transports ».
Un transport aérien qui présente, d’après Ascendance Flight Technologies, des avantages face à la mobilité terrestre : moins de trafic et de congestion, des distances plus courtes, des vitesses plus importantes et surtout – argument de poids – de faibles besoins en infrastructures. Reste à démontrer l’impact positif et immédiat sur l’environnement. Même si Lambert annonce que, selon les calculs, l’aéronef n’est pas plus pollueur qu’une voiture, il préfère parler de « diversification de l’offre de transport » et de « nouveau modèle » plutôt que de transport écologique. « Il ne s’agit pas de se limiter à l’intra-urbain, mais aussi d’atteindre des zones reculées, de quoi répondre à des enjeux sociaux et sociétaux comme les services médicaux par exemple. » La nouvelle mobilité aérienne n’oublie donc pas les territoires ruraux. Le pionnier s’ouvre tout grand l’avenir : « Nous n’avons pas fini de mesurer le potentiel de ces nouvelles formes de mobilité. »
Adam belghiti alaoui