Militantismes religieux et écologie

Les communautés ont-elle eu l’idée de dépolluer les cieux ?
Les communautés ont-elle eu l’idée de dépolluer les cieux ?

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Une foi déjà verte ?

Si la religion semble difficilement s’occuper aujourd’hui de la charge des âmes, elle semble avoir trouvé d’autres terrains de chasse spirituels. Et l’écologie se serait déjà taillé une place – certes de façon inégale – dans les différentes religions.

On aurait pu se dire que le combat n’était pas gagné d’avance. Après tout, pendant des centaines d’années, la chrétienté a – dans sa majorité – vécu selon l’idée que Dieu avait donné à l’homme domination sur la terre, et qu’il pouvait en faire ce qu’il voulait. D’ailleurs, Lynn Townsend White, historien américain du Moyen-Âge et professeur d’histoire à l’université de Californie à Los Angeles, avait publié en 1967 un article intitulé « Les racines historique de la crise écologique », et jetait le pavé bien au milieu de la mare : il y affirmait que l’interprétation du Livre de la Genèse (versets 1, 27, 28 « Soumettez la terre et dominez-là ») a conduit à une prédation de l’Homme sur la nature et, in fine, à une crise écologique. Mais il va même plus loin dans sa démonstration, induisant que les racines historiques de cette crise sont religieuses et – en l’occurrence – judéo-chrétiennes. Il est vrai qu’on imagine mal une religion animiste louer les excès de la révolution industrielle, mais il faut souligner que l’écologie telle qu’on la comprend aujourd’hui n’existait pas en tant que telle…

La chrétienté engagée dès les débuts (ou presque)

Pour autant, la publication par le pape François de l’encyclique Laudato si, sur « la sauvegarde de la maison commune », n’était pas vraiment une surprise : l’Église catholique n’a fait qu’emboîter le pas au reste de la chrétienté. « Le patriarche œcuménique Dimitrios adressa le 1er septembre 1989 la toute première encyclique à toutes les Églises orthodoxes dans le monde, où il instituait le premier jour de l’année ecclésiastique orthodoxe comme jour de prière pour la protection et la préservation de l’environnement naturel », rappelait le patriarche Bartholomée Ier de Constantinople, que l’on surnomme le « Pape Vert » en raison de sa défense passionnée de l’environnement. De fait, le premier traité chrétien sur l’écologie, écrit par Jurgen Moltmann, un des théologiens protestants les plus reconnus, date de 1989. Mais l’implication des Églises protestantes et orthodoxes remonte aux débuts de l’écologie moderne : dès la fin des années 60, le Conseil œcuménique des églises, basé à Genève et qui rassemble plusieurs centaines de millions de protestants et d’orthodoxes à travers le monde, a été l’un des promoteurs de la réflexion sur le développement durable. Et dès 2006, le « Pape Vert » et le pape Benoît XVI déclaraient conjointement considérer « comme un de nos devoirs d’encourager et de soutenir tous les efforts qui sont faits pour protéger la création de Dieu et pour laisser aux générations futures une terre dans laquelle elles pourront vivre ».

Les fois veulent sauver la planète

Si la position actuelle de l’Église catholique et de ses consœurs est sans ambiguïté, il faut bien avouer – ce qui aurait tendance à renforcer la thèse de Lynn White – que la plupart des autres religions à travers le monde l’avaient adoptée depuis longtemps. Selon Philippe Cornu, président de l’Institut d’études bouddhiques de Paris, « l’éthique bouddhique, qui concerne tous les êtres animés, se soucie non seulement de l’homme, mais des autres êtres visibles et invisibles qui habitent l’univers comme nous-mêmes. L’attitude de la compassion universelle englobe ainsi le monde animal et davantage encore ». De plus, le bouddhisme a partout eu tendance à se superposer à des croyances animistes ou polythéistes locales.

Les deux autres religions du livre, le judaïsme et l’islam, ont historiquement une position nettement moins anthropocentrique que ne l’a eue la chrétienté, donnant plutôt à l’homme un devoir de responsabilité envers la nature. Dès les années 80, divers écrits explorent l’aspect écologique d’un certain nombre de pratiques du judaïsme, et dans les années 90, des associations émergent, comme la Coalition pour l’environnement et la vie juive (COEJL, Coalition On the Environment and Jewish Life) aux Etats-Unis. En revanche, si, philosophiquement, l’islam prône depuis longtemps qu’il faut – entre autre – éviter les excès, il s’est mis plus tardivement à l’activisme écologique ; par exemple, dans la convention citoyenne des musulmans de France, publiée en juin 2014, un passage traite de la relation à l’environnement et à la bioéthique.

Prêcher l’écologie

Aujourd’hui, tout le monde religieux – à quelques exceptions près, notamment chez certains fondamentalistes aux Etats-Unis – parle d’une seule voix sur le sujet de l’environnement, et a intégré la sauvegarde de l’environnement dans ses doctrines. « Il est indispensable d’adopter une vision sacramentelle du monde, de cultiver un esprit eucharistique, un ethos ascétique et une culture de solidarité, et d’avoir constamment à l’esprit que tout ce qui fait partie du monde naturel, qu’il soit grand ou petit, a une importance au sein de l’univers et pour la vie du monde », concluait Bartholomée Ier lors d’une intervention en 2014 à l’Institut catholique de Paris. En pratique, les initiatives se multiplient à tous les niveaux : le 1er septembre est, depuis 2015, une journée de prière pour la sauvegarde de la création pour l’Église catholique, qui se montre de plus en plus vocale dans son soutien des initiatives écologiques globales, comme les accords de Paris ; l’Église orthodoxe, quant à elle, a créé un comité religieux et scientifique en 1995… Et à un niveau local, des monastères orthodoxes se sont mis à l’agro-écologie, des églises luthériennes en Allemagne, Suède et Pays-Bas se sont dotées d’un label écologique… Et surtout, de plus en plus, prêtres, rabbins, imams, etc., sont incités à intégrer l’écologie dans la vie de leur communauté et dans leurs discours. Et cette intégration des bonnes pratiques et des pensées environnementales dans la foi pourrait bien finir par faire pencher la balance. Elle apporte de fait une réponse – certes partielle – à l’un des principaux obstacles à la progression de la cause écologique : l’implication quotidienne de chacun.

Jean-Marie Benoist

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