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L’IA française a connu l’hiver. Après un long retard à l’allumage, la France investit. Ambition : se positionner comme un leader européen. Où s’installe l’IA tricolore ? Son plan suffira-t-il ?
Un premier rapport, en février, commandé par la Direction des entreprises et le Commissariat général à l’égalité des territoires, ne se montre pas des plus optimiste : IA, état de l’art et perspectives pour la France constate que la France ne rattrapera pas le retard accumulé vis-à-vis des géants de l’Internet, des GAFA aux BATX. États-Unis et Chine ont gagné les premières batailles, la France et l’Europe doivent essayer de miser sur une IA incontournable.
En France, en 2017, on dénombre 68 laboratoires de R&D (publics et privés) et 13 250 chercheurs français actifs sur des problématiques liées à l’IA (mais ils ne traitent de l’IA qu’au croisement d’autres secteurs comme les mathématiques et l’informatique). L’Île-de-France concentre 45 % des sites (13 à Paris et 8 à Saclay). Parmi les neufs laboratoires privés, seuls trois émanent d’entreprises françaises (Criteo, Michelin et Orange), contre trois états-uniens (Xerox, Facebook et Microsoft), deux japonais (Sony et Rakuten) et un chinois (Huawei). La plus grande structure publique, l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (Irisa), rassemble 800 chercheurs en Bretagne. Et déplore la fuite des cerveaux. À l’instar de deux figures emblématiques, Yann Le Cun, monsieur IA de Facebook et Luc Julia, ex-monsieur IA chez Samsung, depuis rentré au bercail. Mais les Français frottés d’IA émigrés ne se comptent pas sur les doigts des deux mains…
Le gouvernement à l’assaut de l’IA Relever le défi ?
Un début de réponse émergea en novembre 2018 avec l’annonce du plan du gouvernement pour l’IA, sur les bases des recommandations du rapport Villani publié le 23 mars 2018. Notre médaille Field, le mathématicien à lavallière et araignée en broche, jusqu’alors peu versé en intelligence artificielle, aura réussi le tour de force d’en connaître plus sur le sujet que les experts – Luc Julia l’explique dans son livre* – au point de signer un plan ambitieux : installer la France dans le top 5 des pays experts en IA puis devenir leader européen. Parmi les grands points du rapport : doter la France d’un supercalculateur très performant et revaloriser les carrières d’enseignants chercheurs pour multiplier par trois le nombre de formés en IA d’ici à trois ans, et… féminiser le secteur.
Le Plan intelligence artificielle prévoit l’allocation d’1,5 milliard d’euros sur le quinquennat. Cent millions d’euros débloqués pour l’amorçage des start-up en IA, auxquels s’ajoutent 70 millions par an pour le développement de ces nouvelles pousses, plus 400 millions à destination des laboratoires de recherche et des projets industriels. Sans oublier 800 millions d’euros d’ici à 2024 pour la recherche en nanoélectronique. À l’apport financier, le plan joint la création de quarante chaires et le doublement du nombre de docteurs en IA. La dynamique est lancée.
Elle fait étape sur le plateau de Saclay, hôte du supercalculateur le plus puissant de France. Développé par Hewlett Packard Enterprise (HPE) pour assurer 14 millions d’opérations par seconde, il aura coûté 25 millions d’euros. On le sait, la data est le pétrole de l’intelligence artificielle. Pour mettre en œuvre ces nouveaux outils et développer l’attractivité du secteur, le plan s’appuie sur les instituts de recherche. Lesquels désormais bénéficient du label 3IA.
Les 3IA au cœur du programme
Ces instituts interdisciplinaires préconisés par Villani reçoivent le label dès lors qu’ils concentrent formation et recherche fondamentale. Au cœur de l’initiative, l’attribution de chaires et la valorisation de l’excellence scientifique française. Sous la houlette de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), les structures sélectionnées pourront se partager des fonds publics et des investissements privés. Les quatre premiers instituts 3IA se trouvent à Nice-Sophia Antipolis, Paris, Grenoble et Toulouse.
3IA Côte d’Azur, Nice-Sophia Antipolis : santé et « territoires intelligents »
Au sein de la plus ancienne technopole d’Europe, 60 % des 36 000 emplois sont centrés sur les technologies du numérique. 3IA Côte d’Azur fédère des chercheurs en IA de l’université Côte d’Azur (déjà labellisée initiative d’excellence), du CNRS, de l’Inria et de plusieurs écoles d’ingénieurs (Eurecom, Skema et Mines ParisTech). L’union sacrée rassemble aussi des grands groupes (Amadeus, Orange, Thales) et la French Tech Côte d’Azur. Une dynamique de l’IA axée autour des secteurs de la santé numérique et des territoires intelligents.
Paris Artificial Intelligence Research Institue (Prairie) : santé, transports, environnement
Le projet Prairie est né de la convergence d’acteurs académiques et industriels du territoire. Le CNRS, l’Inria, l’université de Paris et l’université Paris sciences & lettres d’un côté, Amazon, Criteo, Facebook, Faurecia, Google, Microsoft, Naver Labs, Nokia, PSA, Suez et Valeo de l’autre. L’Institut se focalise sur les secteurs de la santé, des transports et de l’environnement. Le modèle ? Catalyser les échanges entre les mondes académiques et industriels, favoriser leur émulation réciproque pour former de nouvelles générations de chercheurs et d’entrepreneurs en IA.
Multidisciplinary Institute in Artificial Intelligence (MIAI), Grenoble-Alpes : l’IA théorique et appliquée
Le territoire rassemble plus de 1 500 chercheurs et universitaires au travail sur l’IA quand l’université de Grenoble se classe au 1er rang des établissements français et au 31e mondial en science et ingénierie en informatique. En s’appuyant sur la qualité reconnue de la recherche au sein de son université, le projet s’articule autour de quatre axes : apprentissage, raisonnement et perception, intelligence artificielle et naturelle, architectures embarquées, IA et société. Le tout dans deux domaines d’applications principaux : santé et environnement/énergie.
Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute (ANITI), Toulouse : fiabiliser l’IA
Porté par l’université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, le projet ANITI se concentre sur la recherche en intelligence artificielle hybride, dans le but de « rendre l’IA plus fiable ». L’agglomération toulousaine constitue la première région métropolitaine pour la part de PIB consacrée à la R&D. L’institut s’est construit en partenariat avec des organismes de recherches comme l’IRT Saint-Exupéry (institut de recherche technologique) et des acteurs industriels. Fidèle à la culture toulousaine, l’institut se structure autour des domaines du transport et de la mobilité aéronautique et spatiale.
Adam Belghiti Alaoui
* L’intelligence artificielle n’existe pas, First
Au Sommaire du dossier
2. Six applis qui changent la vie