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Où la détresse de nos agriculteurs s’incarne soudain dans le combat d’une éleveuse de chèvres.
Mise en lumière du combat de Delphine Serreau, agricultrice, qui par désespoir s’est rendue avec une chèvre aux portes du palais présidentiel.
Culture, agriculture : la grille du coq symbole des détresses ?
C’est un camion utilitaire qui s’est installé mercredi 14 février à quelques mètres des Champs-Élysées. En face de la grille du coq, ce grand portail doré qui ouvre sur les jardins du palais présidentiel. Cette même grille du coq qui fut l’objet, en 2013, du geste artistique désespéré d’Attilio Maggiulli, directeur du théâtre La Comédie italienne, rue de la Gaîté, dans le XIVe arrondissement de Paris.
Pour protester contre la fiscalité rehaussée des théâtres, et plus encore afin de lutter contre le mépris alors affiché par François Hollande pour la culture, l’arlequin avait projeté sa vieille Peugeot contre les grilles. Un geste jusqu’au-boutiste certes, mais éminemment compréhensible. François Hollande avait en effet promis d’aider cet extraordinaire artiste avant de le laisser tomber, une fois au pouvoir… Frédéric Mitterrand avait fort utilement pris sa défense. « Ce geste est celui d’un homme fou de chagrin et de douleur de ne pouvoir faire son métier ».
Face à « l’agonie », l’appel de la dernière chance
Le chagrin, toujours lui. Mais cette fois, en 2024, c’est une éleveuse de chèvres qui est venue s’installer au pied des grilles du pouvoir. Il s’agit encore de cette seule demande : pouvoir simplement vivre de son métier. Delphine Serreau a fait cinq heures de route pour se rendre à Paris, seulement accompagnée de sa chèvre favorite, Princesse, installée sur de la paille à l’arrière de la camionnette. Cette agricultrice possède une petite exploitation dans l’Indre, à Néons-sur-Creuse. Elle y produit du fromage de chèvre bio.
Le journaliste de BFMV TV Anthony Lebbos a eu l’excellente idée d’aller à la rencontre de cette femme, afin de mettre en lumière son combat. Qu’il en soit remercié. Endettée à hauteur de 400 000 euros, l’éleveuse est dans l’incapacité de payer. Elle pourrait être contrainte d’envoyer dans les tous prochains jours ses 80 chèvres à l’abattoir. « Je suis là pour essayer de sauver ma ferme. Cela fait six ans que je travaille comme une dingue. Je travaille 15 à 20 heures par jour, je suis toute seule », indique cette femme visiblement à bout. « Je n’ai même pas pu voir ma sœur, morte l’an dernier, tant j’ai eu de travail ».
La solidarité des citoyens est à l’œuvre
L’idée de devoir emmener ses chèvres à l’abattoir représente évidemment un crève-cœur pour cette solitaire qui considère ses chèvres comme ses « filles ». La gravité de sa situation financière est en grande partie causée par la mauvaise qualité du foin qui lui a été livré à l’automne. « De l’eau est restée enfermée dans le foin, ce qui provoque une chute de lactation. Mes chèvres se sont taries d’elles-mêmes. En un mois, j’ai tout perdu ». Les délais pour agir en justice contre le fournisseur de foin sont malheureusement dépassés…
Cette journée passée mercredi devant la grille du coq ne fut pas complètement inutile. En effet, des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture sont entrés en contact avec elle et tenteront de lui proposer un échelonnement de dettes. Grâce au reportage d’Anthony Lebbos, une cagnotte Leetchi a pu être mise en place. Vendredi 16 février au matin, à l’heure où nous écrivons ces lignes, 60 846 euros ont été récoltés. L’objectif final est fixé à 135 000 euros. Une somme qui peut être réunie si nous nous mobilisons tous. Même avec des petits dons.
Regrettons enfin que Madame Brigitte Macron, qui dit si souvent vouloir se rendre utile, n’ait pas daigné ouvrir les portes de la grille du coq. Cette dame aurait pu au moins inviter Delphine Serreau à discuter de sa situation autour d’une boisson chaude. C’eût été un geste d’élémentaire humanité… Il revient donc à nous, citoyens, de faire en sorte que cette situation aux airs de fable et de conte philosophique ne se terminât pas de la plus dramatique des manières.