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Avant, pendant et après le match !
Avec l’explosion du sport data, être un fan est une expérience bien différente qu’il y a quelques années.
Les fans ne sont plus ce qu’ils étaient – ou plutôt, leurs attentes changent, et on ne s’occupe plus d’eux comme avant. La principale cause de ce changement : l’arrivée de ce que l’on regroupe sous le nom de sport data, qui comprend aussi bien des données sportives sur la performance des joueurs que le suivi des clients. Avant, on ne savait même pas vraiment qui était dans le stade… La data a changé la donne, et permis l’éclosion du concept de la fan expérience telle qu’on l’envisage aujourd’hui : digitale, personnalisée, interactive et immersive (rien que ça). D’un point de vue marketing, l’idée est de construire une expérience autour du service : un discours que nombre de marques professent aujourd’hui. Mais « le sport a un avantage par rapport aux marques : l’événement est déjà chargé émotionnellement, alors que les marques doivent travailler sur les interactions », souligne Jean-Philippe Danglade, directeur du département marketing de Kedge.
Satisfaire le fan même dans la défaite
L’objectif premier d’une fan expérience réussie est la satisfaction client. En fait, c’est même là où le sport connaît un désavantage par rapport à d’autres secteurs : il faut que le client soit satisfait, quelle que soit la qualité et le résultat du match (on peut être satisfait de son expérience – sièges confortables, bonnes animations… – et mécontent de son équipe). « Il faut arriver à générer une fidélité à la marque du club plus qu’au club en lui-même », explique Jean-Philippe Danglade ; un exercice d’équilibriste, mais qu’ont réussi la plupart des équipes des quatre sports majeurs américains, et des clubs de foot comme le Real ou le Barça. Et cela s’atteint en multipliant les services pertinents – et en les digitalisant. Billets, place, paiement par smartphone, guide jusqu’à la place de parking, « ticketing », livraison de menu à sa place…
Les Etats-Unis, qui explorent ces idées depuis plusieurs années, sont une source d’inspiration constante. « Les spectateurs sont très fans, et très consommateurs : il y a des pauses dans le jeu, mais pas de temps mort, avec des animations, des cheerleaders, des mascottes, des Kiss Cam… Et il y a un résultat commercial à la clé », souligne Jean-Philippe Danglade. Car il ne faut pas oublier que cela reste, pour le club, l’objectif final…
L’expérience du fan devient un élément tellement central pour les clubs que maintenant, quand on conçoit un nouveau stade, on pense à l’expérience spectateur – et notamment la VIP, qui prend une importance croissante. Aux Etats-Unis, ils parlent de 80/20 : 80 % du chiffre provient de 20 % des places. Et comme la cote du VIP ne cesse de monter, des sections plus aérées sont prévues, des espaces restauration, des villages partenaires… Le tout dans un ensemble architectural soigné, non seulement d’un point de vue esthétique, mais aussi pour maximiser l’ambiance sonore. Après une course au gigantisme, les stades semblent vouloir revenir à des espaces plus petits. Par exemple, le stade du Turin ne fait que 40 000 places, mais il est rempli à tous les matchs…
Trouver l’équilibre
Il faut faire attention cependant à ne pas aller trop loin. Un supporteur est bien différent d’un consommateur ; il ne faudrait perdre sa passion sportive, et qu’il ne devienne qu’un simple spectateur. Par exemple, les matchs dans le stade d’Arsenal, un grand club avec une belle marque, offrent peu d’ambiance… « Un fan est un client, certes, mais il est aussi plus qu’un client : il fait partie de la famille », résume Jean-Philippe Danglade. De fait, avant, les fans et les supporters vivaient déjà une expérience : ils la créaient eux-mêmes, avec des chants, des animations… Toute une culture qui s’est retrouvée intégrée à l’identité – et à la marque – du club. Peut-être plus que pour tout autre secteur d’activité, l’interaction et la reconnaissance de ces interactions est essentielle pour le fan.
Rester connecté avec l’équipe
Mais la fan expérience ne s’arrête pas aux portes du stade. L’aspect digital a pris une très forte importance pour les interactions hors match. Par définition, le fan veut toujours en savoir plus sur l’objet de son soutien : les joueurs, la composition de l’équipe… « Les attentes ont changé : les fans ne veulent plus un autographe, mais un selfie, décrit Jacques Vendroux, directeur sport dans le groupe Radio-France. Ils sont devenus également plus inquisiteurs, et moins respectueux de certaines limites. » Un exemple, qui peut sembler anodin : quand un fan, téléphone mobile à la main, demande à un joueur de chanter bon anniversaire à sa fille, le joueur – qui est filmé – ne peut pas vraiment refuser.
On le voit : toute l’expérience hors match a été bouleversée par l’arrivée des réseaux sociaux. « À partir du moment où les réseaux sociaux sont apparus, la communication est devenue essentielle », explique Jacques Vendroux. Les clubs ont dû évoluer pour utiliser ces nouveaux médias, notamment en embauchant des community managers. Ils ont aussi dû accepter le fait qu’une partie de cette communication, entre joueur et fan directement, échappe maintenant à leur contrôle. « Nous sommes passés du besoin d’exposer les joueurs au besoin de les protéger », continue Jacques Vendroux. Mais le jeu en vaut la chandelle : les données récoltées sur les fans sont précieuses. Encore faut-il que tout ce lien créé hors match soit bien coordonné. « Notre coach le répète : le football est un sport collectif, et la communication doit aussi faire l’objet d’une démarche collective, souligne Philippe Tournon, chef de presse de l’Équipe de France. Il n’y a pas d’interdiction pour les joueurs, à Clairefontaine, d’utiliser leurs réseaux sociaux ; mais on leur demande d’être vigilants. Et l’équipe est suivie par un journaliste embarqué, qui réalise des courtes vidéos. Derrière cela, il y a le souci de satisfaire la passion des fans. » Et quand tout le monde joue le jeu, cela donne des fans ravis.
Jean-Marie Benoist